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ciels dont il dota l'industrie, ni les splendides projets qu'il conçut, n'y apportèrent aucune compensation. Le plus admiré peut-être de tous ses travaux publics est la route du Simplon; tous les voyageurs sont d'accord pour la qualifier de merveilleuse. Mais il ne doit pas nous étonner, que celui qui aspirait à une domination sans bornes, cherchât à établir des communications entre les différentes provinces de son empire. Il ne doit pas nous étonner, que celui qui avait escaladé les glaciers du St. Bernard, souhaitât vivement un passage plus commode pour lancer ses troupes en Italie. Et il n'est pas très prodigieux non plus, qu'un souverain qui disposait des revenus de l'Europe et qui vivait à une époque où le génie civil était parvenu à un degré de perfection inconnu auparavant, accomplit une entreprise plus hardie que ses prédécesseurs. Nous ajouterons d'ailleurs que Napoléon doit partager avec Fabbroni la gloire de la route du Simplon; car enfin c'est plus en réalité au génie de l'inventeur et du constructeur qu'on doit cette route, qu'à la volonté de celui qui l'a commandée.

Il y a cependant un grand travail qui fournit à Bonaparte un juste titre à la reconnaissance de la postérité et qui lui donne droit à un renom honorable. Nous voulons parler du nouveau code de lois, qui fut donné à la France sous ses auspices. On a du reste exagéré sa participation à cette œuvre d'une manière injuste et ridicule. Parce qu'il assista

aux réunions du Conseil d'état auquel elle avait été assignée, et qu'il suggéra quelques idées utiles et lumineuses, il a été loué, comme si par la force miraculeuse de son génie, il avait fait surgir tout un nouveau code de lois. La vérité est qu'il employa à ce travail, comme il devait le faire, les jurisconsultes les plus éminents de l'empire; et il n'est pas moins vrai, que ces savants ne peuvent pas prétendre à une grande originalité; car, comme notre auteur l'observe, le code en question « ne renferme qu'un petit nombre de particularités qui différencient ses principes de ceux du droit romain. » En d'autres termes, ils préférèrent être sages plutôt que novateurs. Quoiqu'il en soit, Bonaparte mérite d'être grandement vanté pour l'intérêt qu'il prit à la chose, pour l'impulsion qu'il sut donner à ceux à qui elle avait été confiée, et pour le temps et la réflexion qu'il y consacra, au milieu des soucis du gouvernement d'un vaste empire. Que son ambition l'ait poussé à ce travail, nous n'en doutons pas. Il s'était proposé d'entrelacer les lauriers de Justinien à ceux d'Alexandre. Mais nous ne voulons pas chercher querelle à l'ambition, quand elle est assez sage pour se consacrer au bonheur du genre humain. Dans cette circonstance, il prouva qu'il avait jusqu'à un certain point l'intelligence de la vraie gloire; et nous estimons d'autant plus cet exemple, qu'il se présente presque isolé dans son histoire. C'est avec aversion que nous envisageons le conquérant, l'usur

pateur, le spoliateur de royaumes, le despote insatiable, et dans tous ces caractères nous retrouvons une véritable vulgarité d'esprit. Mais lorsque nous le considérons comme une source de justice pour un vaste empire, nous reconnaissons en lui une certaine ressemblance avec la Divinité, qui est juste et bienfaisante, et c'est avec joie que nous le louons d'avoir conféré à une nation un des plus grands dons qu'il soit permis à l'homme d'accorder. C'a été cependant le malheur de Bonaparte, ç'a été une malédiction jetée sur lui à cause de ses crimes, qu'il ne pût toucher à rien sans y laisser, comme une marque, la tache du despotisme. Son usurpation lui ôta le pouvoir de légiférer avec magnanimité, chaque fois que son propre intérêt était en jeu. Il put pourvoir à l'administration de la justice entre les individus, mais non entre le citoyen et le chef du gouvernement. Les délits politiques, la véritable catégorie d'offenses qui devrait être soumise au jury, furent privés de ce mode de jugement. Les jurys étaient bien appelés à prononcer dans les autres affaires criminelles; mais il leur fut refusé de s'interposer entre le despote et les sujets infortunés, qui pouvaient être l'objet de ses soupçons. Ces prévenus étaient traduits devant << des cours spéciales, investies d'un caractère semi-militaire, » agents tout disposés à d'injustes poursuites, et seulement attentifs à couvrir de formes légales les desseins meurtriers du tyran.

Après avoir ainsi passé en revue quelques uns

des moyens par lesquels Bonaparte consolida et étendit son autorité, nous allons maintenant le voir s'avancer vers ce trône impérial, sur lequel il avait depuis longtemps fixé ses regards avides. La France, alternativement tenue en respect ou fascinée par les influences que nous avons décrites, abandonna enfin à jamais, par des actes publics et délibérés, sans la moindre tentative ni apparence d'opposition, ses droits, ses libertés, ses intérêts et sa souveraineté, à un maître absolu et à sa postérité. Ainsi périrent le nom et les formes de la République. Ainsi s'évanouirent les espérances des amis de l'humanité. L'air, qui peu d'années auparavant retentissait des clameurs d'un grand peuple secouant ses chaînes, et réclamant ses droits innés à la liberté, résonna maintenant des cris serviles de longue vie à un usurpateur taché de sang. Il y eut bien à la vérité de généreux esprits, de vrais patriotes, comme notre La Fayette, qui quittèrent la France. Mais en petit nombre et dispersés, on les laissa répandre en secret des larmes de douleur, d'indignation et de désespoir. Par ce misérable et désastreux dénouement de sa révolution, la nation française non seulement abdiqua ses propres droits, mais attira à la cause de la liberté des reproches, que les années n'ont pu effacer. C'est un souvenir plus pénible pour nous, que tous les malheurs dont la France inonda l'Europe, et que l'amertume de ses propres souffrances, lorsque l'heure de l'expiation sonna pour elle. Les

champs qu'elle a ravagés se sont couverts de nouveau d'épis ondoyants; les gémissements qui firent explosion dans ses villes et dans ses villages, lorsque ses plus braves enfants périrent par milliers et par dizaines de mille au milieu des neiges de la Russie, ces gémissements, la mort les a fait cesser, et sa population décimée s'est renouvelée. Mais les blessures qu'elle a infligées à la liberté par des crimes commis au nom sacré de celle-ci, et par l'esprit d'abjection avec lequel cette sainte cause fut désertée, ces blessures-là sont encore fraîches et saignantes. Non seulement la France se soumit elle-même à un tyran, mais qui pis est, elle a fourni partout à la tyrannie de nouvelles excuses et de nouveaux arguments, et elle lui a donné l'effronterie de prêcher ouvertement, à la face du ciel, la doctrine impie du pouvoir absolu et de la soumission sans bornes.

Voilà donc maintenant Napoléon Empereur des Français. Celui qui n'a pas une connaissance profronde de la nature humaine, s'imaginera qu'un pareil empire, dont les frontières s'étendaient alors jusqu'au Rhin, pouvait satisfaire même un ambitieux. Mais Bonaparte obéissait à cette loi de progression, à laquelle les esprits les plus éminents sont particulièrement assujettis; et par l'acquisition son esprit de domination s'enflamma au lieu de s'apaiser. Depuis longtemps il se proposait la conquête de l'Europe et du monde; et le titre d'Empereur ne fit que donner plus d'intensité à ce dessein. Si nous ne

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