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ne fut pas, pensons-nous, le lot de Napoléon. Les circonstances, dans lesquelles Napoléon aspira à la domination universelle, différaient sous plus d'un rapport de celles où les précédents conquérants s'étaient trouvés placés. Il avait été aisé pour Rome, après avoir subjugué les royaumes, de les réduire en provinces et de les gouverner par la force; car à cette époque les nations n'étaient rattachées entre elles par aucun lien. Elles avaient peu de communication les unes avec les autres. Des différences d'origines, de religion, de coutumes, de langage, d'organisation de la vie militaire, différences aggravées encore par des guerres longues et féroces, et par l'absence générale de civilisation, empêchaient une action commune, et s'opposaient, pour ainsi dire, à ce qu'elles prissent intérêt au sort les unes des autres. L'Europe moderne, au contraire, formait un ensemble d'états civilisés, étroitement unis par le commerce, par les lettres, par une croyance commune, par des échanges de pensées et de perfectionnements, et par une politique, qui depuis des siècles s'était proposé, pour but principal, l'établissement d'un équilibre des puissances, propre à garantir l'indépendance respective des nations. Sous toutes ces influences l'esprit humain avait fait de grands progrès; et en réalité la Révolution française n'avait été que le résultat d'un réveil et d'un développement sans précédents des facultés humaines, et d'un accroissement de force et d'intelligence, chez une classe de citoyens bien plus considérable que l'on n'avaitjamais vu y participer à aucune période antérieure. Le véritable pouvoir que maniait Napoléon pouvait être attribué à un enthousiasme généreux dans son principe, et manifestant une tendance du monde civilisé vers de meilleures institutions. Il est évident que les plans surannés de conquête et les maximes d'époques relativement barbares, ne convenaient pas à un pareil état de société. Un ambitieux aurait dû se frayer son chemin, en s'appuyant sur les nouvelles impulsions, sur les nouveaux mobiles du monde. L'existence d'une vaste puissance maritime comme l'Angleterre, qui, par sa domination sur l'océan et son immense commerce, se mettait en rapport avec chaque espèce de société, et qui en même temps jouissait de l'avantage digne d'envie de posséder les institutions les plus libres de l'Europe, était par elle-même un motif suffisant pour modifier la politique, au moyen de laquelle un État pouvait espérer alors de se placer à la tête des nations. Hé bien! ce caractère, cette influence particulière de l'Angleterre, Bonaparte ne sembla jamais capable de la comprendre; et les mesures violentes, par lesquelles il essaya de briser les antiques rapports de ce pays avec le continent, leur donnèrent une force nouvelle, en ajoutant aux liens de l'intérêt ceux de la sympathie, d'une souffrance et d'un danger communs.

La force et la corruption, tels furent les grands ressorts de Napoléon, et il les mit en œuvre sans déguisement et sans réserve, ne s'inquiétant pas de savoir combien il outrageait et combien il armait contre lui-même les sentiments de moralité et de nationalité de l'Europe. Sa grande confiance, il la plaçait dans l'esprit militaire et dans l'énergie de la France. Faire de la France une nation de soldats, ce fut le premicr et le principal but de sa politique; et en cela il réussit. A la vérité la révolution n'avait pas peu contribué à préparer ce résultat pour le mettre entre ses mains. Pour le compléter, il introduisit un système national d'éducation ayant pour fin de dresser la jeunesse française tout entière à la vie militaire, de familiariser l'esprit avec cette destination dès l'âge le plus tendre, et d'associer l'idée de gloire presque exclusivement à la carrière des armes. La conscription donna pleine satisfaction à ce système; car tous les jeunes gens de l'empire ayant raison d'aller au devant de cette espèce de sommation d'entrer dans l'armée, le premier objet de l'éducation fut naturellement de les rendre aptes à figurer sur les champs de bataille. Les honneurs publics accordés au talent militaire, et une impartialité rigoureuse à conférer des promotions au mérite, de telle sorte que la naissance, quelque obscure qu'elle pût ètre, ne fût jamais une barrière à ce que l'on regardait comme les dignités les plus élevées en Europe, enflammèrent l'ambition du peuple entier et l'entraînèrent exclusivement vers les camps. Il est vrai que la conscription en décimant d'une manière si terrible les rangs de la jeunesse, et en semant l'anxiété et la douleur sous tous les toits, la France la ressentit cruellement. Mais Napoléon connaissait bien la race qu'il s'était donné pour mission de dresser; et par l'éclat de la victoire, par le titre de Grand Empire, il réussit pour un temps à lui faire oublier les privations domestiques les plus pénibles, et cette coupe réglée, sans exemple, d'êtres vivants. Voilà comment il s'assura, ce qu'il considérait comme son plus essentiel instrument de domination, une grande force militaire. Mais, d'un autre côté, les stimulants que dans ce but il était forcé de fournir continuellement à la vanité française, l'ostentation avec laquelle on faisait retentir dans le monde l'invincible puissance dela France, et le langage hautain, vantard, qui devint le trait le plus frappant de ce peuple enivré, exaspérèrent aussi continuellement l'esprit national et l'orgueil de l'Europe, et implantèrent dans tous les cœurs une haine profonde pour ce nouvel et insolent empire, une haine qui n'attendit qu'un moment favorable pour lui faire payer avec intérêts la dette de l'humiliation.

La condition de l'Europe s'opposait, selon nous, à l'établissement d'une monarchie universelle par la force purément matérielle. Le glaive, malgré son importance, n'avait plus alors à jouer qu'un rôle secondaire. La véritable marche à suivre par Napoléon nous semble avoir été indiquée non seulement par l'état de l'Europe, mais par les moyens dont la France au commencement de sa révolution avait re

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connu le plus l'efficacité. Il aurait dû s'identifier avec quelques grands intérêts, quelque grande opinion, ou quelques grandes institutions, et par là il aurait pu se rallier un vaste parti dans chaque nation. Il aurait dû au moins se ménager un motif spécieux contre tous les vieux établissements. Faire contraste de la manière la plus frappante et la plus avantageuse avec les précédents gouvernements, telle aurait dû être la clé de sa politique. Il se serait placé ainsi à la tête d'un nouvel ordre de choses, qui aurait porté l'apparence d'une amélioration de l'état social. Et le renversement des formes républicaines n'empêchait pas d'adopter ce plan de conduite, ou toute autre qui lui aurait attiré la sympathie des masses. Il aurait pu encore tirer entre son propre mode d'administration et celui des autres états une arge ligne de démarcation, de façon à rejeter les vieilles dynasties dans l'ombre. Il aurait pu repousser l'ancien faste et l'ancienne étiquette, se distinguer par la simplicité de ses institutions, et faire valoir le soulagement qu'il procurait à son peuple, en le débarrassant du fardeau des prodigalités du luxe d'une cour. Il aurait pu insister sur le grand bienfait qui était résulté pour la France de l'introduction de lois uniformes, qui protégeaient également toutes les classes de citoyens; et il aurait pu s'engager virtuellement à effacer les inégalités féodales qui défigurent encore l'Europe. Il aurait pu s'appuyer sur les changements favorables à introduire dans le ré

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