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d'une conviction réfléchie et de principes généraux répandus avec profusion. Nous n'avions pas de Paris, pas de métropole, qu'un petit nombre de meneurs pussent diriger et qui pût à son tour exercer son influence au dehors, comme un cœur puissant, sur des provinces dépendantes et subordonnées. Le pays entier était tout cœur. Le principe de vie circulait dans tout le corps social, et chaque village apportait son contingent d'énergie à la résolution solennelle d'être libre. Et ici nous avons l'explication d'un phénomène frappant dans l'histoire de notre révolution, nous voulons parler de ce défaut ou de cette absence de grands hommes jouant les premiers rôles, comme on en rencontre dans les autres pays; de ces hommes, qui par leur intervention spéciale et individuelle, et par des actes éclatants, décident du sort d'une nation. Il y avait trop de grandeur dans le peuple américain pour permettre à la grandeur privée des chefs du mouvement de rejeter tout le reste dans l'ombre. Aussi les États-Unis n'eurentils pas de libérateur, de sauveur politique. Washington, il est vrai, nous procura de grands avantages. Mais Washington ne fut pas un héros, dans le sens vulgaire de cette dénomination. Nous n'avons jamais parlé de lui comme les Français de Bonaparte, nous n'avons jamais discouru de son regard d'aigle, de son génie irrésistible, comme si c'était de là qu'eût dépendu notre salut. Jamais nous n'avons perdu le respect de nous-mêmes. Nous sentions qu'avec

l'aide de Dieu, c'était par notre propre courage, par notre propre énergie, par notre propre sagesse, sous l'influence vivifiante et directrice de cette grande et bonne nature, que nous devions devenir libres. Washington nous rendit surtout service par ses nobles qualités morales.-A lui revient la magnifique distinction d'avoir été à la tête d'une révolution, sans éveiller aucun doute, aucun soupçon sur la pureté sans tache de ses desseins. A lui appartient la gloire d'avoir été la manifestation la plus éclatante de l'esprit qui régnait dans sa patrie; et c'est de cette manière qu'il est devenu une source d'énergie, un lien d'union, un centre de confiance pour un peuple éclairé. Dans une révolution comme celle de France, Washington n'aurait été rien; car cette sympathie, qui existait entre lui et ses compatriotes, et qui fut le secret de son pouvoir, cette sympathie lui aurait fait défaut. Par un instinct infaillible, nous appelons Washington, dans notre respectueuse reconnaissance, le père de son pays, mais non pas son sauveur. Un peuple qui a besoin d'un sauveur, qui ne possède pas au fond de son propre cœur un gage assuré, un zèle ardent de liberté, un pareil peuple n'est pas encore préparé à être libre.

Ici se présente une grande question que nous ne pouvons qu'effleurer. Si une préparation morale est nécessaire pour la liberté, comment, se demandet-on, l'Europe pourra-t-elle jamais être libre? Comment, sous le despotisme qui écrase actuellement le

continent, les nations pourront-elles devenir mùres pour la liberté? Est-il à espérer que les hommes apprendront, à l'école de l'esclavage, à acquérir l'esprit et les vertus qui seules, nous l'avons dit, sont capables d'opérer leur délivrance? Sous les gouvernements absolus de l'Europe, les véritables moyens propres à développer l'amour éclairé et généreux de la liberté, sont au service de la tyrannie. La presse est l'écho des doctrines serviles des cours. Les écoles et les établissements d'éducation sont employés à infuser à la jeunesse les maximes du despotisme. Le christianisme lui-mème est transformé en prédication de la légitimité, et ses temples sont profanés par l'enseignement abject d'une soumission absolue. Comment donc est-il possible de faire naître et de répandre l'esprit d'une liberté sage et morale? Nous venons de poser la difficulté dans toute sa force; car il n'y a rien à gagner à soustraire aux regards les terribles obstacles contre lesquels les principes libéraux et les institutions libérales doivent lutter. Nous n'avons pas le loisir à présent de résoudre le grand problème que nous venons de soulever. Nous dirons seulement que nous ne désespérons pas de l'avenir; et nous suggérerons brièvement le principal expédient qui nous semble propre à faire avancer dès à présent la cause de la liberté, quelques entraves qu'on lui suscite. Dans les pays despotiques, les hommes à qui Dieu a inspiré des sentiments élevés et la soif de la liberté (et il y en a, disséminés dans

toute l'Europe) doivent, selon la mesure de leur capacité individuelle, entrer en communication avec les esprits individuels. La cause de la liberté sur le continent ne peut progresser que par l'action des hommes en masse. Mais dans chaque pays, il y a quelques personnes qui sentent leur dégradation et l'injustice dont elles sont victimes, qui abhorrent la tyrannie comme le principal obstacle au progrès des nations, et qui ont la volonté et le courage de souffrir pour la liberté. Que ces personnes propagent autour d'elles leur propre esprit, par tous les canaux qu'un despotisme jaloux n'a pas fermés. Qu'elles expriment des sentiments nobles dans des entretiens privés, et plus encore par la presse; car il y a, pour habiller et énoncer des vérités propres à enflammer les cœurs, des procédés qu'aucune censure n'oserait proscrire. Que surtout elles enseignent cette grande vérité, qui est le principe générateur d'une liberté efficace et la véritable base de la morale et de la religion, nous voulons dire, la doctrine que la conscience, cette voix de Dieu dans chaque cœur, doit être écoutée avant tous les autres guides, et tous les autres maîtres; qu'il y a en nous-mêmes un souverain, revêtu de pouvoirs et de droits bien plus imposants qu'aucun roi extérieur; et que celui-là seul est digne du nom d'homme, qui prend solennellement et avec maturité l'engagement vis-à-vis de lui-même d'obéir à ce guide interne à travers tous les dangers, et jusques au péril de sa vie. Tel est l'esprit de liberté ; car aucun

homme n'est complétement ni immuablement libre, s'il n'a pas brisé tout joug extérieur pour pouvoir obéir à sa propre conscience de propos délibéré. Tel est l'enseignement qu'il faut donner aussi bien dans les républiques que sous les gouvernements despotiques. Jusqu'à présent pareil enseignement n'a fait que poindre sur le monde. Son application pleine et entière reste à être développée. A ceux qui,grâce à une expérience sincère, ont en quelque sorte reçu le baptème de cette vérité vitale et si compréhensive, incombel'obligation d'ètre partout ses propagateurs; et celui qui, à côté du trône d'un despote parvient à convertir à elle un seul individu, a rompu un anneau de la chaîne du despotisme. C'est principalement dans la diffusion de cette élévation du sentiment moral que nous plaçons notre espoir de la liberté, et nous avons quelque espoir, parce que, nous le savons, quelques-uns se sont abreuvés de cette vérité et sont prêts, si Dieu les y appelle, à devenir ses martyrs. Nous ne désespérons donc pas de l'avenir, car il y a une sorte de contagion, nous dirons plutôt une sorte d'influence divine, dans la sublimité du principe moral. Voilà notre principale consolation. Nous avons de moins en moins confiance dans la force et l'effusion de sang, comme moyens d'opérer la rédemption de l'homme, de la servitude. L'histoire nous montre un grand nombre de princes qui ont acquis et consolidé leurs trônes par l'assassinat et la guerre. Mais la liberté, qui n'est sous un autre nom que la justice, l'hon

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