vendiquer leurs droits par d'autres armes, d'exercer une action plus vigoureuse, de repousser la force du despotisme par la force, qu'ils n'oublient pas, même à cette heure provocatrice, dans quel esprit leur haute vocation doit s'exercer. Qu'ils saisissent le glaive avec respect, comme des hommes à qui une sainte fonction est dévolue. Qu'ils se regardent comme les ministres et les délégués de celui, dont le plus précieux attribut est la miséricorde. Qu'ils ne souillent pas leur cause sacrée en commettant le moindre acte de cruauté, en infligeant des douleurs inutiles, en répandant sans motif une seule goutte de sang humain! II. Dans la première partie de notre travail nous avons examiné la vie et le caractère de Napoléon Bonaparte. Nous reprenons ce sujet, non pas dans l'intention de parler avec plus de développement de l'individu, mais pour apprécier avec plus de discernement le principe d'action qui le guida et dont il fut une remarquable manifestation. Le pouvoir fut l'idole à laquelle Bonaparte se sacrifia. Obtenir la suprématie et une domination illimitée, soumettre les hommes à sa volonté, fut son but principal, constant, inflexible. Cette passion absorba et fit converger vers elle toute son énergie naturelle. L'amour du pouvoir, ce mobile vulgaire, donne en grande partie la clé de son caractère et de sa vie. Ses crimes ne découlent pas d'une impulsion spéciale à lui. Malgré son entier mépris pour l'espèce humaine, il lui appartenait cependant. Tant il est vrai que ces deux choses, les vertus les plus éclatantes et les vices les plus sombres, tout en paraissant tracer une ligne de démarcation profonde entre leurs possesseurs et le reste de l'humanité, ont cependant leur germe implanté dans la poitrine de chaque être humain. L'homme qui nous attire et nous inspire du respect par sa grandeur intellectuelle et morale, n'est qu'un exemple, une preuve anticipée des améliorations, en vue desquelles tous nous sommes doués de raison et de conscience; et l'homme le plus pervers est devenu tel par la dépravation et l'excès de désirs et d'appétits, qu'il a en partage avec tous ses semblables. Napoléon n'avait dans son caractère aucun élément que d'autres ne possédassent comme lui. Ce fut son malheur et sa faute de se laisser maîtriser et absorber par une seule passion; de n'imprimer à la croissance de la totalité de son esprit qu'une seule direction; de souffrir que la vigueur de sa pensée et de sa volonté, qui, si elle avait été consacrée au bien, l'aurait placé au rang des bienfaiteurs de l'humanité, fût asservie à un seul désir. Il ne doit pas être contemplé comme un être prodigieux. Il n'était qu'une manifestation de notre nature. Il nous montre sur une large échelle ce que d'autres par milliers nous montrent sur une plus petite. Il nous fait voir combien grande est la chute qui s'ensuit quand l'harmonie de l'esprit est troublée, que la conscience est détrônée, et qu'une passion violente est laissée maîtresse sans restriction d'appliquer tous les ressorts internes et externes à l'accomplissement d'un dessein égoïste. L'influence de l'amour du pouvoir sur les affaires humaines est si constante, si illimitée, si redoutable, que nous croyons ce principe de notre nature digne d'une attention spéciale; aussi voulons-nous lui consacrer un petit nombre de pages, comme un appendice très-convenable à notre notice sur Bonaparte. La passion pour le pouvoir est une des passions les plus universelles et elle ne doit pas être envisagée, sous toutes ses formes, comme une chose répréhensible. Déverser le blâme sur un sentiment naturel, ce serait vouloir exercer la censure à l'égard du créateur. Ce principe se manifeste à l'aurore mème de notre existence. L'enfant ne triomphe et ne se réjouit jamais davantage, que lorsqu'il acquiert la conscience de sa puissance en surmontant des difficultés ou en se proposant de nouvelles fins. Tous nos désirs, tous nos appétits prêtent aide et énergie à cette passion, car tous trouvent accroissement ou satisfaction en proportion du développement de notre vigueur et de notre ascendant. Nous devons ajouter que ce principe puise son aliment aux plus nobles sources. La puissance est l'élément principal de toutes les qualités les plus grandioses de notre nature. Il entre dans toutes les vertus les plus éminentes, comme la magnanimité, la fermeté d'âme, la constance. Il entre dans l'élévation de l'intelligence. C'est la puissance de la pensée et de son émission qui immortalise les productions du génie. Est-il donc étrange qu'un attribut, au moyen duquel toutes nos passions atteignent leurs objets, et qui caractérise tout ce qu'il y a de grand ou d'admirable dans l'homme, éveille un désir intense, et soit recherché comme un des principaux biens de la vie? Ce principe, nous l'avons dit, n'est pas, sous toutes ses formes, un fait criminel. Il y a en effet différentes espèces de pouvoirs, qu'il est de notre devoir de convoiter, d'accumuler, et de conserver opiniâtrément. D'abord il y a le pouvoir interne, le plus précieux de nos biens, le pouvoir sur nous-mêmes, le pouvoir de résister aux épreuves, de supporter la souffrance, d'affronter le danger, le pouvoir que nous exerçons sur le plaisir et la peine, le pouvoir de suivre nos convictions, en dépit des menaces et du dédain, le pouvoir de posséder une confiance sereine dans les époques de ténèbres et d'orages. Ensuite il y a le pouvoir sur les choses extérieures, le pouvoir par lequel l'esprit triomphe de la matière, enrôle à son service les éléments les plus subtils et les plus impétueux, emploie le vent, le feu et la vapeur comme ses agents, bâtit des villes, ouvre une route à travers l'Océan et fait pousser des fleurs au désert. Ces formes du pouvoir, et spécialement la première, sont de glorieuses distinctions de notre espèce et on ne peut les priser trop haut. Il y a une autre espèce de pouvoir, qui, pour le sujet que nous traitons actuellement, mérite principalement notre attention. C'est le pouvoir sur nos semblables. C'est ce pouvoir là que l'ambition convoite avant tout, et qui a instigué plus de crimes et a causé plus de malheurs qu'aucun autre. Cepen |