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neur et la bienveillance, dédaigne de recourir au poignard individuel et manie en tremblant le glaive public. La véritable conspiration devant laquelle la tyrannie doit tomber, c'est celle des esprits vertueux et élevés, qui se consacreront à l'œuvre de réveiller chez les hommes le sentiment intime des droits, des énergies, des destinées et de la grandeur de la nature humaine; qui opposeront à la force l'héroïsme de la raison et de la conscience et l'esprit de dévouement. Nous croyons que dans ce moment même, il

y

aurait assez de vigueur morale et de sagesse, pour ébranler les trônes des despotes, si les hommes doués de ces qualités avaient autant de confiance en Dieu et dans leur propre puissance qu'ils devraient en avoir, et s'ils s'insinuaient par toutes les voies dans l'esprit public.

Nous allons clore notre travail, en recommandant à la protection du Dieu tout-puissant la cause de la liberté et de l'amélioration du genre humain. Nous adorons la sagesse et la bonté de sa providence, qui a prescrit que la liberté ne se réalisàt que par l'élévation de sentiment, le courage et les sacrifices de l'homme. Nous le bénissons pour les glorieuses tentatives que cette cause a déjà produites; pour les intrépides défenseurs qui se sont groupés autour de sa bannière, et dont la renommée est le legs le plus précieux des âges écoulés; pour les peines et les souffrances qui ont servi à la soutenir; pour les sons pénétrants et remuants qui nous viennent des pri

sons et de l'échafaud, où les martyrs de la liberté ont été renfermés et ont répandu leur sang. Nous le bénissons de ce que la tyrannie même a été dominée par le bien, en excitant des résistances qui nous ont révélé la vigueur du principe moral dans l'àme humaine. Nous supplions ce grand et bon Père, de qui procèdent toutes les influences pures, d'allumer, par son souffle vivifiant, un amour inextinguible pour la vertu et la liberté, chez ces hommes privilégiés qu'il a marqués de son empreinte et qu'il a dotés de facultés et de puissances éminentes, pour qu'ils puissent accomplir cette haute mission d'inspirer à leurs semblables le sentiment profond des droits essentiels et des destinées de la nature humaine. Dégoûté de la violence et du sang, nous le supplions de renverser les gouvernements oppresseurs, par le pouvoir calme, mais redoutable, de la vérité et de la vertu, par les enseignements d'un christianisme pur, par la souveraineté de l'opinion éclairée, par le triomphe des sentiments de magnanimité,en un mot, par toutes les influences paisibles, rationnelles et purifiantes, qui pourront relever le moral des peuples asservis et contre lesquelles les souverains seront incapables de résister. Pour cette révolution pacifique nous faisons des prières ardentes. Si cependant après de longs, de patients et d'inutiles efforts pour faire prévaloir la justice et l'humanité, les amis de la liberté étaient sommés, au dedans par la voix de Dieu, au dehors par sa providence, de re

vendiquer leurs droits par d'autres armes, d'exercer une action plus vigoureuse, de repousser la force du despotisme par la force, qu'ils n'oublient pas, même à cette heure provocatrice, dans quel esprit leur haute vocation doit s'exercer. Qu'ils saisissent le glaive avec respect, comme des hommes à qui une sainte fonction est dévolue. Qu'ils se regardent comme les ministres et les délégués de celui, dont le plus précieux attribut est la miséricorde. Qu'ils ne souillent pas leur cause sacrée en commettant le moindre acte de cruauté, en infligeant des douleurs inutiles, en répandant sans motif une seule goutte de sang humain !

II.

Dans la première partie de notre travail nous avons examiné la vie et le caractère de Napoléon Bonaparte. Nous reprenons ce sujet, non pas dans l'intention de parler avec plus de développement de l'individu, mais pour apprécier avec plus de discernement le principe d'action qui le guida et dont il fut une remarquable manifestation.

Le pouvoir fut l'idole à laquelle Bonaparte se sacrifia. Obtenir la suprématie et une domination illimitée, soumettre les hommes à sa volonté, fut son but principal, constant, inflexible. Cette passion absorba et fit converger vers elle toute son énergie naturelle. L'amour du pouvoir, ce mobile vulgaire, donne en grande partie la clè de son caractère et de sa vie. Ses crimes ne découlent pas d'une impulsion spéciale à lui. Malgré son entier mépris pour l'espèce humaine, il lui appartenait cependant. Tant il est vrai que ces deux choses, les vertus les plus éclatantes et les vices les plus sombres, tout en paraissant tracer une ligne de démarcation profonde entre leurs possesseurs et le reste de l'humanité, ont ce

pendant leur germe implanté dans la poitrine de chaque être humain. L'homme qui nous attire et nous inspire du respect par sa grandeur intellectuelle et morale, n'est qu'un exemple, une preuve anticipée des améliorations, en vue desquelles tous nous sommes doués de raison et de conscience; et l'homme le plus pervers est devenu tel par la dépravation et l'excès de désirs et d'appétits, qu'il a en partage avec tous ses semblables. Napoléon n'avait dans son caractère aucun élément que d'autres ne possédassent comme lui. Ce fut son malheur et sa faute de se laisser maitriser et absorber par une seule passion; de n'imprimer à la croissance de la totalité de son esprit qu'une seule direction; de souffrir que la vigueur de sa pensée et de sa volonté, qui, si elle avait été consacrée au bien, l'aurait placé au rang des bienfaiteurs de l'humanité, fùt asservie à un seul désir. Il ne doit pas être contemplé comme un être prodigieux. Il n'était qu'une manifestation de notre nature. Il nous montre sur une large échelle ce que d'autres par milliers nous montrent sur une plus petite. Il nous fait voir combien grande est la chute qui s'ensuit quand l'harmonie de l'esprit est troublée, que la conscience est détrônée, et qu'une passion violente est laissée maitresse sans restriction d'appliquer tous les ressorts internes et externes à l'accomplissement d'un dessein égoïste.

L'influence de l'amour du pouvoir sur les affaires humaines est si constante, si illimitée, si redoutable,

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