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les corps. Mais n'y a-t-il pas une autre expérience que celle des sens?

On l'a écrit avec une netteté qui ne souffre pas de réplique :

« Au-dessus des sens, il y a en nous un entendement qui, à l'occasion des impressions sensibles, nous révèle spontanément les principes. Mais cette raison et son action féconde, qui nous donne nos vraies connaissances, ne la connaissons-nous pas aussi? Et comment la connaissons-nous? N'estce pas par la conscience et par la réflexion? Or, la conscience et la réflexion ne constituent-clles pas une expérience tout aussi réelle que celle des sens? Cette expérience tout intérieure n'est-elle pas : 1o certaine; 2° régulière; 3o féconde en grands résultats? Dira-t-on que les connaissances que nous devons à cette expérience intérieure, à la conscience et à la réflexion, en contractent un caractère personnel et subjectif? Mais nous répondrons que ce côté personnel et subjectif n'est que l'enveloppe et non le fond de la conscience; que son vrai fond, c'est la raison et l'intelligence qui y arrivent à la connaissance d'elles-mêmes. Comment nier qu'il y ait dans la pensée humaine un fond éternel qui se manifeste par son côté subjectif lui-même, comme la puissance se manifeste par l'acte, et l'universel

par le particulier? Comment prétendre que la raison, par cela seul qu'elle se manifeste et naît en nous, et que nous en avons conscience, n'est plus la raison? Cette expérience rationnelle, combinée avec l'expérience sensible, fournit au philosophe tous les matériaux de la science.

A l'expérience nous rapportons encore l'investigation attentive des notions communes, généralement répandues, áttestées dans les langues des hommes, manifestées par leurs actions, et qui composent ce qu'on appelle le sens commun, c'est-àdire l'expérience universelle de nos semblables. Chacun de nos semblables est nous-mêmes. L'artisan et le pâtre sont des hommes aussi; la nature humaine tout entière, l'esprit humain tout entier sont en eux; la raison, la pensée s'y manifestent, et en s'y manifestant avec ordre et selon les lois qui leur sont propres, manifestent et la nature et les lois de l'essence des choses. Étudier nos semblables, c'est nous étudier nous-mêmes, et l'expérience du sens commun est toujours le contrôle nécessaire, et quelquefois même la lumière et le guide de notre expérience intérieure.

A côté de l'expérience du sens commun est l'expérience du génie. L'humanité, en agissant, en parlant, manifeste un système qu'elle ignore elle

même; mais quelques hommes qui ont plus de loisir et de réflexion cherchent ce système, ct les essais qu'ils ont faits pour le découvrir, transmis d'âge en âge, forment une seconde expérience plus précieuse encore que la première : cette expérience s'appelle l'histoire de la philosophie.

Les sens, la conscience, la raison, le sens commun et le génie, ces quatre grandes espèces d'expériences composent une méthode expérimentale dont toutes les parties se soutiennent et s'éclairent l'une l'autre. Cette méthode est pour nous la vraie (1). »

Cette méthode, dirai-je à mon tour, est la vraie. Avec un objet essentiellement différent et des procédés nécessairement divers, la nature psychologique peut être observée, tout aussi bien que la nature physiologique ou physique. Mais, afin de la connaître, il faut l'observer effectivement. En tout sens, «naturæ non imperatur, nisi parendo (2). »

(1) M. Cousin, De la Métaphysique d'Aristote, 1838; in-8°, p. 85. (2) Bacon.

CHAPITRE II

LES SOLUTIONS

Après avoir établi que la psychologie a un objet propre, lequel peut être connu, et qu'ainsi elle est vraiment une science; après avoir montré que la psychologie a une méthode qui lui est particulière et déterminé cette méthode, il importe de mettre en lumière les résultats généraux de la psychologie.

Si l'on en croyait des esprits prévenus, ces résultats ne mériteraient guère de nous arrêter. Ne sont-ce pas, en effet, perpétuellement les mêmes problèmes qui reviennent à travers les siècles? Ne sont ce pas les mêmes et insolubles difficultés qui

LA NATURE HUMAINE.

arrêtent les penseurs les plus réputés? N'est-ce pas toujours le même chaos d'opinions contradictoires, de systèmes qui s'excluent, de théories éphémères et quelquefois d'absurdités ?

La psychologie a beau rappeler que le fait de l'existence de l'âme n'est pas moins évident que le fait de l'existence du corps, et qu'elle a pour objet la connaissance de l'âme; que cet objet n'est point inaccessible, et qu'elle possède les moyens de le connaître; on répudie les solutions qu'elle propose, parce qu'elles ne semblent jamais définitives; on décline les résultats qu'elle affirme, parce qu'ils paraissent être ou pouvoir être sans cesse contestés.

Ce n'est pas tout.

A cette incertitude prétendue de la psychologie, à la stérilité qu'on déclare en être la suite inguérissable, on oppose sur un ton vainqueur, en même temps que l'exactitude des mathématiques, les développements merveilleux des sciences physiques et naturelles.

En géométrie, il n'y a pas d'opinion pour les esprits bien faits; et, depuis Euclide, l'intelligence s'est avancée sûrement et sans relâche de démonstrations en démonstrations. En physique, qui pourrait nier les miracles accomplis? Ils éclatent de

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