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œuvre capricieuse de l'art (1). Il est nécessaire qu'elle soit conforme à la nature humaine. A cette condition, gouvernés et gouvernants iront à leur fin; l'individu et l'État se distingueront sans se diviser, seront unis sans être confondus, et l'ordre régnera avec la liberté.

L'ordre a ses degrés, ses sphères d'application, mais il n'est jamais que l'expression d'une seule et même idée. Sa circonférence s'étend avec son

ments dociles de ses projets (mème bienfaisants) s'apercevra qu'on ne peut faire de grandes choses avec de petits hommes, et que la perfection de mécanisme à laquelle il a tout sacrifié finira par ne lui servir de rien, faute du pouvoir vital qu'il lui a plu de proscrire pour faciliter la machine. »

(1) Les théories erronées que ce sujet a fait naître sont presque innombrables. Parmi les plus récentes, Cf. M. Louis Blanc, De l'Organisation du travail, 1840; M. Proudhon, De la Création de l'ordre dans l'humanité, 1843; M. Dupont-White, L'Individu et l'État, 1856. La plupart des vues développées dans ces écrits ne sont que des utopies qui méritent qu'on leur applique ces paroles d'un penseur contemporain :

« L'erreur commune de toutes les nouvelles doctrines, écrit M. de Rémusat, est de supprimer et d'affaiblir ensemble l'existence de la liberté humaine et celle d'une règle absolue, deux faits, deux éléments dont l'antagonisme est la clef de notre destinée morale. De cette double erreur naît le fatalisme dans l'histoire, l'arbitraire dans la politique, le matérialisme dans la morale. C'est pourquoi, de quelque mysticisme éloquent, de quelque exaltation romanesque qu'elles se parent, une chose surtout leur manque, l'étude philosophique de l'homme. >> Essais, t. Ier, p. 37, Introduction.

rayon; son centre reste toujours le même. Il consiste invariablement chez les êtres moraux dans l'accord de la liberté et de la loi morale; il est partout et toujours la réalisation de la conception du bien.

C'est pourquoi si, après avoir considéré les rapports des individus entre eux, les rapports des gouvernés et des gouvernants entre eux, on recherche quels sont les rapports des sociétés entre elles, on reconnaît que ces rapports se règlent par les mêmes lois. Le droit international n'a pas d'autres principes que le droit privé, que le droit civil ou que le droit politique. La psychologie le fonde comme elle fonde tout droit. En un mot, le droit des gens reçoit aussi de la psychologie sa double et indéclinable formule, justice et charité; justice d'abord et charité ensuite.

Le premier, l'étroit devoir de ces grands corps moraux qu'on appelle les sociétés, les nations, les peuples, c'est de ne point empiéter les uns sur les autres; c'est de respecter religieusement l'exercice de leur liberté réciproque. Or ce devoir crée un droit, le droit de la défense, et du droit de la défense naît la légitimité de la guerre. Il n'est pas nécessaire de chercher, avec M. de Maistre, dans le fait de la guerre la base d'une théorie mys

tique de l'expiation (1). « La vie des États, écrit très-bien Montesquieu, est comme celle des hommes; ceux-ci ont le droit de tuer dans le cas de la défense naturelle; ceux-là ont droit de faire la guerre pour leur propre conservation. Le droit de la guerre dérive donc de la nécessité et du juste rigide. Si ceux qui dirigent la conscience ou les conseils des princes ne se tiennent pas là, tout est perdu; et lorsqu'on se fondera sur des principes arbitraires de gloire, de bienséance, d'utilité, des flots de sang inonderont la terre (2).

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Les peuples, d'ailleurs, non plus que les individus, n'ont pas simplement entre eux des rapports négatifs de limitation. Ils sont faits pour commercer. De là les traités, qui sont pour les peuples ce que les contrats sont pour les individus. Plus la part qu'on accordera à la liberté y sera large, et plus seront fructueux les résultats de ces conventions (3).

(1) Cette opinion de M. de Maistre a été fort bien réfutée par M. Portalis : De la Guerre, considérée dans ses rapports avec les destinées du genre humain, les droits des nations et la nature humaine. Mémoire lu à l'Académie des sciences morales et politiques en 1856. Comptes rendus, t. XVIII.

(2) Esprit des Lois, liv. X, chap. 11.

(3) « Dans tous les temps, écrit M. Barrot, la prospérité commerciale et industrielle a été la compagne fidèle de la liberté. Témoins Tyr et Car. hage, dans l'antiquité; les républiques d'Italie, les communes libres de Flandre, les villes anséatiques

Est-il besoin d'ajouter que les Etats, comme les particuliers, sont juges de leurs intérêts et tenus envers eux-mêmes à la prudence?

Cette prudence, toutefois, ne doit pas aller jusqu'à l'égoïsme, et c'est une politique, en tout cas justement décriée, parce qu'elle est inhumaine, que celle qui prend pour devise ces mots trop fameux : « Chacun chez soi, chacun pour soi. » Les peuples sont faits pour s'entr'aider, et il faut reconnaître une charité internationale aux mêmes titres qu'une charité sociale ou privée. De là le droit d'intervention et la légitimité de la conquête. Mais si, dans les rapports d'homme à homme, l'exercice de la charité offre déjà de grandes délicatesses; si ces délicatesses augmentent dans les rapports de gouvernés à gouvernants, avec quelle réserve scrupuleuse ne convient-il pas d'appliquer la charité internationale? Et avec quelle fermeté n'est-il point nécessaire de s'attacher à la justice, pour que l'intervention ne dégénère point en invasion, ou la libération en oppression?

au moyen âge; de nos jours, la Hollande, l'Angleterre, l'Amérique et la Suisse elle-même, qui a triomphé de l'inclémence de son climat et des difficultés naturelles qui semblent la condamner à une pauvreté éternelle, à force de liberté. » De la Cen'ralisation, etc., p. 126.

Est-il permis, au nom de la psychologie, de pousser plus loin cette assimilation des rapports des sociétés entre elles aux rapports des hommes entre eux?

Et de même que des individus constituent un gouvernement, afin de garantir leur liberté contre leurs. propres passions, conçoit-on que les peuples pussent songer à établir une autorité supérieure qui, réglant leurs différends, leur fût un instrument de justice et un organe de charité?

Théoriquement, cette conception n'a rien d'absurde. Le Grand Dessein de Henri IV (1), le Projet

(1) Projet d'établissement d'une république chrétienne par Henri IV. Ce projet se trouve exposé avec de longs développements dans les Économies royales de Sully.—Cf. M. Wolowski, Le Grand Dessein de Henri IV. Académie des sciences morales et politiques, Comptes rendus, t. LIII,

C'était la même chimère que rêvait Napoléon à SainteHélène. « A Amiens, disait-il, je croyais de très-bonne foi le - sort de la France, celui de l'Europe, le mien fixés, la guerre finie. C'est le cabinet anglais qui a tout rallumé; c'est à lui seul que l'Europe doit tous les fléaux qui ont suivi, lui seul en est responsable; pour moi, j'allais me donner uniquement à l'administration de la France, et je crois que j'eusse enfanté des prodiges. Je n'eusse rien perdu du côté de la gloire, mais beaucoup gagné du côté des jouissances; j'eusse fait la conquête morale de l'Europe, comme j'ai été sur le point de l'accomplir par les armes J'avais le projet, à la paix générale, d'amener chaque puissance à une immense réduction des armées permanentes... J'eusse voulu un Institut européen, des prix européens, pour assurer, diriger, coordonner toutes

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