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naître qu'au lieu que la psychologie, dont ils ont une sainte horreur, obscurcisse cette vérité, c'est la psychologie seule qui l'établit d'une manière irréfragable. Le vice radical de l'école ontologique consiste à perpétuellement confondre l'ordre chronologique et l'ordre logique des vérités. Logiquement, le fini suppose l'infini, et l'homme suppose Dieu. Cela est clair. Mais chronologiquement, n'estce pas son moi vivant que l'homme commence par affirmer, et cette.affirmation primitive ne devientelle pas le support de toutes ses affirmations ultérieures (1)?

(1) « Que faut-il penser, écrit M. Jouffroy, de l'opinion célèbre qui considère les données de l'observation comme entièrement étrangères aux recherches de l'ontologie? Il y a deux points sur lesquels cette opinion et la nôtre se rencontrent parfaitement, parce que la psychologie les a mis hors de toute contestation. D'une part, elle nous accorde que les données de l'observation sont l'occasion à propos de laquelle notre raison conçoit les différentes notions de l'espace, de la durée, de l'être, de cause, et pénètre ainsi dans le monde invisible, dans ce monde dont l'ontologie est la science; de l'autre, nous lui accordons que ces notions, conçues par la raison, n'étaient point contenues dans les données empiriques à propos desquelles elles ont été conçues, et qu'ainsi elles ne sont point une déduction de ces données, mais une découverte originale de la raison... Mais quand l'école ontologique prétend que, ces notions obtenues, il suffit d'y appliquer le raisonnement pour en tirer tout ce que nous pouvons savoir du monde invisible... et qu'ainsi, sauf cette circonstance d'avoir été l'occasion à propos

Aussi bien, n'est-ce point sérieusement que l'on peut prétendre que l'affirmation de l'esprit humain par lui-même n'est pas légitime et consistante. Les ontologistes se résignent donc, quoique de mauvaise grâce, à ne plus accuser la psychologie, ou, comme ils parlent, le psychologisme, d'équivaloir au nihilisme. Mais la psychologie n'en reste pas moins, à leurs yeux, le mensonge de la science. Renfermé par la psychologie dans le moi, l'esprit humain, à les entendre, y expire comme dans le vide. Cette contemplation de lui-même par lui-même demeure stérile ou n'est fertile qu'en erreurs; car le

de laquelle les notions qui fondeat l'ontologie ont été conçues, l'observation n'a rien de commun avec cette science et n'inter vient en rien dans sa construction; alors nous ne pouvons continuer de suivre l'école ontologique. L'école ontologique n'a pas vu que, dans l'ontologic, l'oeuvre de la raison se borne à nous introduire dans le monde invisible, à nous donner l'idée des réalités qu'il renferme et des rapports qui lient ces réalités au monde phénoménal; mais que l'idée de ces réalités une fois posée, mais que les rapports nécessaires qui unissent ces réalités avec les phénomènes une fois révélés, tout ce que nous pouvons savoir de ces réalités n'est plus qu'une induction des phénomènes, induction détermine par ces rapports, fondée sur ces rapports; et c'est parce que ce fait lui échappe, qu'il lui échappe aussi que la science des réalités ontologiques présuppose celle des phénomènes, qu'elle ne peut se développer que par elle, et que les progrès de l'une seront toujours, par la nature des choses, en raison directe de ceux de l'autre. » Préface aux OEuvres de Reid, p. cx.

moi ne saurait légitimer sa connaissance. « Il va du sujet à l'objet ; de la faculté de connaître aux choses connues; il ne peut croire scientifiquement à la vérité, si d'abord il ne démontre la véracité de l'entendement avec lequel on saisit cette mème vérité et duquel dépend sa force (1). »

Et il en est de la morale comme de la logique. Le moi ne donne pas la morale, parce qu'il ne donne pas l'absolu (2). »

Le moi, en tout, reste improductif. Effectivement, il ne peut reproduire qu'une image, un fantastique prolongement du moi, et nullement, au delà du moi, atteindre la réalité, moins encore l'objet idéal. « Les psychologues, avec leurs analyses dépourvues de données ontologiques, gàtent donc la science des principes, falsifient celle de l'esprit humain, confondent la connaissance secondaire et réfléchie avec la connaissance primitive et intuitive. Vouloir créer l'ontologie avec les seules données psychologiques, c'est conduire logiquement l'esprit de l'homme jusqu'à la folie de regarder comme sa propre création l'auteur de l'univers (3). »

De la psychologie découlent, en définitive, tous

(1) Gioberti, ouvrage cité, t. II, p. 360.

(2) Id., ibid.

(3) Id., ibid.

les maux qui peuvent affliger l'esprit hunain : le scepticisme, le subjectivisme, le panthéisme.

A entendre ces récriminations, on se prend à douter que les ontologistes se soient jamais fait une exacte idée de la psychologie, et on découvre en effet qu'ils n'en conçoivent qu'une notion de tous points fort erronée.

« Je définis le psychologisme, écrit l'un d'entre eux, un système qui déduit l'intelligible du sensible et l'ontologie de la psychologie (1). »

Quelle merveille qu'on ait à combattre une pareille psychologie, et qu'après s'être créé des chimères, on se trouve dans la nécessité de les dissiper!

La psychologie véritable n'a rien à démêler avec le psychologisme que l'école ontologique imagine; car elle ne déduit nullement du sensible l'intelligible et l'ontologie. Sans doute « la philosophie est une chaîne immense, dont le premier anneau repose sur l'existence de l'àme, qui de là atteint l'être des êtres, et, de ses amples circuits, embrasse l'universalité des phénomènes et les lois de la matière, de l'existence personnelle ou de l'humanité (2). »

(1) Gioberti, ouvrage cité, t. II, p. 64.

(2) M. Cousin, Cours de 1815, sixième Leçon.

Mais la psychologie, sur laquelle repose la philosophie, ne déduit pas plus l'intelligible et l'ontologie, qu'elle ne déduit les corps qui peuplent l'espace. Les êtres se montrent, ils ne se démontrent pas, et le raisonnement qui détermine leurs rapports est impuissant à donner leur existence. Toute déduction, de soi, est abstraction. Ce n'est plus l'heure apparemment de reprocher au « Je pense, donc je suis, qu'il implique un paralogisme. Descartes avait déjà dégagé cette formule de toute intention syllogistique; et, depuis Descartes, on a clairement établi que, dans la maxine cartésienne, il n'y a rien que «l'aperception vivante d'une pensée vivante par un moi vivant (1). » L'âme, s'observant elle-même, prend possession d'elle-même, et cette possession est d'autant plus profonde que l'observation a été plus attentive. C'est aussi par l'observation que l'âme atteint en eux-mêmes et l'être des corps et l'être de Dieu. Loin d'admettre la seule expérience des sens, par où elle atteint les corps, la psychologie ne déclare cette expérience possible qu'à la condition d'une expérience plus immédiate, par où l'âme se connaît elle-même, et qui est l'observation de la

(1) Cf. M. Cousin, Sur le vrai sens du COGITO, ERGO SUM, Fragments. 1818.

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