aux peuples et aux rois de la terre. Quelquefois elle se pare des lambeaux de la pourpre et de la bure dont elle a dépouillé le riche et l'indigent. Tantôt elle vole, tantôt elle se traîne; elle prend toutes les formes, même celles de la beauté. On la croirait sourde, et toutefois elle entend le plus petit bruit qui décèle la vie; elle paraît aveugle, et pourtant elle découvre le moindre insecte rampant sous l'herbe. D'une main, elle tient une faux comme un moissonneur; de l'autre, elle cache la seule blessure qu'elle ait jamais reçue, et que le Christ vainqueur lui porta dans le sein, au sommet du Golgotha. C'est le Crime qui cuvre les portes de l'enfer, et c'est la Mort qui les referme. CHATEAUBRIAND. Les Martyrs, liv. VI. LE VOYAGEUR ET LE PALAIS. Un homme s'égare pendant la nuit; à la lucur d'un ciel étoilé, il découvre un palais : il y entre. Des serviteurs de toute espèce s'empressent sur es pas, et lui témoignent, chacun dans son langage, qu'ils ont reçu l'ordre de pourvoir à ses besoins. Quelques-uns se taisent, et n'en remplissent pas moins leur ministère. Partout le mouvement règne autour de lui. On attache aux lambris des lampes étincelantes; on réchauffe les foyers; on lui apporte des fourrures en hiver, des fruits délicieux et rafraîchissants en été. Les désirs ne lui semblent permis que pour devenir, à son profit, des occasions de bienfaits. Une horloge magnifique, visible de tous les appartements, sonne les heures et donne le signal des travaux qui rentrent encore dans la classe des jouissances. Les mouvements de ce régulateur sont si bien calculés, que Greenham lui-même eût désespéré d'atteindre à cette précision. A peine le voyageur a-t-il senti la douce invasion du sommeil, qu'un sombre rideau s'abaisse devant lui, et que le silence est ordonné autour de sa couche. Son réveil est marqué par de nouvelles attentions dont il est l'objet. Les maîtres du palais ne se montrent pas, mais il les suppose occupés dans le secret de leurs appartements. Il s'éloigne, et il poursuivra sa route sans les avoir personnellement vus. Mais, frappé de l'accord, de l'ordre, de la majesté, de la promptitude et de l'exactitude du service qui s'est fait sous ses yeux, il emporte avec lui le sentiment de leur présence. Il se gardera, toute sa vie, de dire qu'il a résidé dans un château abandonné, où son arrivée aurait été un accident imprévu, et où rien n'aurait été préparé pour le recevoir. Il se permettra encore moins de penser que le propriétaire est un être malfaisant, sur ce que de nouveaux voyageurs s'étant présentés, au lieu de jouir fraternellement des douceurs de ce asile, ils se sont pris de querelle ensemble. Il ne sera pas surpris que de cette mésintelli gence il soit résulté divers accidents, tels que l faim et la détresse d'un certain nombre de comhensaux privés en partie des bienfaits de l'hospi tante offerte à tous, par l'avidité et l'égoïsme d quelques audacieux; car il a remarqué que les buffets, les lits de repos et les garde-robes étaient assez copieusement garnis pour suffire à tous les besoins. La conviction de cette vérité est tellement établie dans les esprits, qu'à une petite exception près, les hôtes les moins favorisés, en se retirant du palais, n'en franchissent la porte extérieure qu'avec des regrets et des larmes. Quelques-uns accusent de leurs peines passées, des envieux ou des malveillants; d'autres, de faux amis: il en est qui s'accusent eux-mêmes, tous se disent qu'il était possible de couler des jours heureux dans cet asile, avec le bon esprit de jouir en paix des biens communs qu'il offrait, ou d'y suppléer par le travail et la concorde. La mauvaise foi tient seule un autre langage. Cependant le désordre momentané dont il a été témoin provoque les réflexions du voyageur. Il s'étonne que le prince hospitalier, qui a recueilli tant d'inconnus auxquels il ne devait rien, en intervenant dans leurs débats, n'ait empêché ni les spoliations ni les violences. A ses yeux, ces abus de la force blessent autant les lois de la justice que la majesté du trône. Il se représente principalement quelques honnêtes compagnons de route, qui, par la bonté de leur caractère, ont excité tout son intérêt, et qui, avec des droits à un meilleur sort, ont été indignement dépouilles et outragés. C'est au milieu des tristes pensées que ces souvenirs réveillent, que le voyageur poursuit son chemin. Mais, tout à coup, il est abordé par un vieillard qui le salue, en lui disant: < Croyezvous que les choses en restent là? Le prince al tout vu, il a tout entendu. Chacun sera traite suivant ses œuvres. Ne savez-vous pas que, par un pouvoir dont la source se perd dans les ages, il oblige les voyageurs qui traversent la forêt à séjourner plus ou moins de temps dans le chateau, pour qu'il puisse acquérir une connaissance parfaite de leurs bonnes qualités? Indulgent pour les fautes, mais sévère pour toute habitude coupable, il va les attendre dans un palais voisin de celui que nous quittons, et où le même ponvoir les forcera de porter leurs pas : c'est là qu'il se réserve de récompenser et de punir; c'est là que chacun rendra un hommage volontaire ou forcé aux saintes lois de la justice. A ces mots, un coup de lumière frappe l'intel zence du voyageur. Tout s'explique, tout se dévoile à ses yeux. Il ne s'étonne plus que des doutes outrageants auxquels il s'est abandonné sur le compte du souverain avec lequel il contracta le droit de l'hospitalité; également consolé du passé et rassuré sur l'avenir, il s'avance vers le terme de sa course; déjà il entrevoit, sans frayeur, le péristyle du second palais dont l'architecture, d'un style un peu austère, se dessine dans le lointain vaporeux. Placé sous la main d'un maitre qui lui doit protection et justice, il s'endormira partout avec confiance. Il a été vu: c'est KÉRATRY Inductions morales el physiologiques. d'une lumière, toutes ces choses étaient aussitô connues dans le ciel par un sentiment intime d'admiration et d'amour, par le chant mystérieux de la céleste Jérusalem. Mais, après la rébellion des mauvais anges, la Renommée usurpa la place de cette invention divine. Bientôt précipitée aux enfers, ce fut elle qui publia dans l'abîme la nais sance de notre globe, et qui porta l'ennemi de Dieu à tenter la chute de l'homme. Elle vint sur la terre avec la Mort, et dès ce moment elle établit sa demeure sur la montagne, où elle entend et répète confusément ce qui se passe sur la terre, aux enfers et dans les cieux. CHATEAUBRIAND. Les Natchez, liv. 11. LE PALAIS DE LA RENOMMÉE 2. Aux extrémités du monde, sous le pôle, dont l'intrépide Cook mesura la circonférence à travers les vents et les tempêtes; au milieu des terres australes qu'une barrière de glaces dérobe à la curiosité des hommes, s'élève une montagne qui surpasse en hauteur les sommets les plus elevés des Andes dans le nouveau monde, ou du Thibet dans l'antique Asie. Sur cette montagne est bâti un palais, ouvrage des puissances infernales. Ce palais a mille portiques d'airain; les moindres bruits viennent frapper les domes de cet édifice, dont le Silence n'a jamais franchi le seuil. Au centre du monument est une voûte tournée en spirale comme une conque, et faite de sorte que tous les sons qui pénètrent dans le palais, y aboutissent; mais, par un effet du génie de l'architecte des mensonges, la plupart de ces sons se trouvent faussement reproduits; souvent une légere rumeur s'enfle et gronde en entrant par la Vole préparée aux éclats du tonnerre, tandis que les roulements de la foudre expirent en passant par les routes sinueuses destinées aux faibles bruits. C'est là que, l'oreille placée à l'ouverture de cet immense écho, est assis sur un trône retentissant un démon, la Renommée. Cette puissance, tile de Satan et de l'Orgueil, naquit autrefois pour annoncer le mal. Avant le jour où Lucifer leva Tetendard contre le Tout-Puissant, la Renommée etait inconnue. Si un monde venait à s'animer ou a s'éteindre; si l'Éternel avait tiré un univers du Beant ou replongé un de ses ouvrages dans le chaos; s'il avait jeté un soleil dans l'espace, créé un nouvel ordre de séraphins, essayé la bonté il est aisé de voir que ce voyageur est l'homme; le Mice, c'est Dieu; le premier palais, la vie; le second, éternité. (N. E.) LES GÉNIES. Le moment du départ étant arrivé, je sentis mon âme se dégager des liens qui l'attachaient au corps, et je me trouvai au milieu d'un nouveau monde de substances animées, bonnes ou malfaisantes, gaies ou tristes, prudentes ou étourdies; nous les suivîmes pendant quelque temps, et je crus reconnaître qu'elles dirigent les intérêts des États et ceux des particuliers, les recherches des sages et les opinions de la multitude. Bientôt une femme de taille gigantesque étendit ses crêpes noirs sous la voûte des cieux; et, étant descendue lentement sur la terre, elle donna ses ordres au cortége dont elle était accompagnée. Nous nous glissâmes dans plusieurs maisons; le Sommeil et ses ministres y répandaient les pavots à pleines mains; et, tandis que le Silence et la Paix s'asseyaient doucement auprès de l'homme vertueux, les Remords et les spectres effrayants secouaient avec violence le lit du scélérat. Platon écrivait sous la dictée du génie d'Homère, et des songes agréables voltigeaient autour de la jeune Lycoris. L'Aurore et les Heures ouvrent les barrières du jour, me dit mon conducteur 3; il est temps de nous élever dans les airs. Voyez les génies tutélaires d'Athènes, de Corinthe, de Lacédémone, planer circulairement au-dessus de ces villes; ils en écartent, autant qu'il est possible, les maux dont elles sont menacées. Cependant, leurs campagnes vont être dévastées; car les génies du Midi, enveloppés de nuages sombres, s'avancent en grondant contre ceux du Nord. Les guerres sont aussi fréquentes dans ces régions que dans les vôtres, et le combat des Titans et des Typhons ne fut que celui de deux peuplades de génies. 2 Voyez 2o part.. Fables et Allégories, même sujet. 3 Le génie protecteur du pythagoricien Télésiclès, danı la bouche duquel Bartbélemy a placé ce récit. (N. E.) Observez maintenant ces agents empressés, qui, d'un vol aussi rapide, aussi inquiet que celui de l'hirondelle, rasent la terre, et portent de tous côtés des regards avides et perçants: ce sont les inspecteurs des choses humaines; les uns répandent leurs douces influences sur les mortels qu'ils protégent; les autres détachent contre les forfaits l'implacable Némésis. Voyez ces médiateurs, ces interprètes, qui montent et descendent sans cesse; ils portent aux dieux vos vœux et vos offrandes, ils vous rapportent les songes heureux ou funestes et les secrets de l'avenir, qui vous sont ensuite révélés par la bouche des oracles. › O mon protecteur! m'écriai-je tout à coup, voici des êtres dont la taille et l'air sinistre inspirent la terreur; ils viennent à nous. Fuyons, me dit-il; ils sont malheureux, le bonheur des autres les irrite, et ils n'épargnent que ceux qui passent leur vie dans les souffrances et dans les pleurs. Echappés à leur fureur, nous trouvâmes d'autres objets non moins affligeants. Até, la détestable Até, source éternelle des dissensions qui tourmentent les hommes, marchait fièrement audessus de leur tête, et soufflait dans leur cœur l'outrage et la vengeance. D'un pas timide, les yeux baissés, les Prières se trainaient sur ses traces, et tachaient de ramener le calme partout où la Discorde venait de se montrer. La Gloire était poursuivie par l'Envie, qui se déchirait elle-même les flancs; la Vérité, par l'Imposture, qui changeait à chaque instant de masque; chaque vertu, par plusieurs vices, qui portaient des filets ou des poignards. La Fortune parut tout à coup ; je la félicitai des dons qu'elle distribuait aux mortels. Je ne donne point, me dit-elle d'un ton sévère, mais je prête à grosse usure. En proférant ces paroles, elle trempait les fleurs et les fruits qu'elle tenait d'une main, dans une coupe empoisonnée qu'elle tenait de l'autre. Alors passèrent auprès de nous deux puissantes divinités, qui laissaient après elles de longs sillons de lumière. C'est l'impétueux Mars et la sage Minerve, me dit mon conducteur. Deux armées se rapprochent en Béotie; la déesse va se placer auprès d'Epaminondas, chef des Thébains; et le dieu court se joindre aux Lacédémoniens, qui seront vaincus car la sagesse doit triompher de la valeur. « Voyez en même temps se précipiter sur la terre ce couple de génies, l'un bon, l'autre mauvais. Ils doivent s'emparer d'un enfant qui vient de naître; ils l'accompagneront jusqu'au tombeau. Dans ce premier moment, ils chercheront, à l'envi, à le douer de tous les avantages ou de toutes les difformités du cœur et de l'esprit; dans le cours de sa vie, à le porter au bien ou au mal, suivant que l'influence de l'un prévaudra sur celle de l'autre... » J'espérais entrevoir le souverain de l'univers. entouré des assistants de son trône, de ces êtres purs que nos philosophes appellent ombres, idées éternelles, génies immortels. Il habite des lieux inaccessibles aux mortels, me dit le génie : offrezlui votre hommage, et descendons sur la terre.. BARTHÉLEMY. Voyage d'Anacharsis FLORE. Présidez aux jeux de nos enfants, charmante fille de l'Aurore, aimable Flore; c'est vous qui couvrez de roses les champs du ciel que parcourt votre mère, soit qu'elle s'élève chaque jour sur notre horizon, soit qu'elle s'avance, au printemps, vers le sommet de notre hémisphère, et qu'elle rejette ses rayons d'or et de pourpre sur leurs régions de neige. Pour vous, suspendue au-dessus de nos vertes campagnes, portée par l'arc-en-ciel au sein des nuages pluvieux, vous versez les fleurs à pleine corbeille dans nos vallons et sur nos forêts : le Zéphire amoureux vous suit, haletant après vous, et vous poussant de son haleine chaude et humide. Déjà on aperçoit sur la terre les actes de votre passage dans les cieux; à travers les rais lointains de la pluie, les landes apparaissent toutes jaunes de genêts fleuris, les prairies brumeuses, de bassinets dorés, et les corniches des vieilles tours, de giroflées safranées. Au milieu du jour le plus nébuleux, on croirait que les rayons du soleil luisent au loin sur les croupes des collines, au fond des vallées. au sommet des antiques monuments; des lisières de violettes et de primevères parfument les haies, et le lilas couvre de ses grappes pourprées les murs du château lointain. Aimables enfants, sortez dans les campagnes, Flore vous appelle au sein des prairies: tout vous y invite, les bois, les eaux, les rocs arides; chaque site vous présente ses plantes, et chaque plante ses fleurs. Jouissez du mois qui vous les donne: avril est votre frère, il est à l'aurore de l'année comme vous à celle de la vie; connaissez ses dons riants comme votre âge. Les prairies seront votre école, les fleurs vos alphabets, et Flore votre institutrice BERNARDIN DE saint-pierre. Harmonies do la Nature, tome jer. LA FRANCE. Sous quels traits intéressants, sous quels divers attributs la poésie et la peinture, dont le privi lége est de tout animer, ne pourraient-elles point | représenter la France ! Tantôt on la verrait, intrépide amazone, portat la hache du Sicambre, les bracelets du Celte, la lance des paladins, l'éperon d'or, le faucon, et le cor retentissant des nobles et des châtelains; Tantôt, errante pèlerine, revenant des lieux crés avec le rosaire des ermites, le bourdon, Fécharpe brodée par les jouvencelles, la harpe du troubadour et la cithare des romanciers; Tantôt, puissante fée, couronnée de la verveine dont les prophétesses des Germains et des Gaulois ceignaient leur front, armée de la baguette des nécromans, de l'anneau merveilleux, de la coupe aux philtres magiques; transportée sur un char aérien, et telle qu'apparurent à nos crédules aïeux les Oberon, les Morgane et les Mélusine '. ་ Mais plus souvent encore on la verrait, auguste divinité, élevée sur un trône, dont les étrangers même ont reconnu la prééminence sur tous les autres, et recevant les productions du génie, les vœux, les serments, les sacrifices d'une foule de héros, fiers de répandre leur sang et de mourir pour elle. A son autel, sont suspendus les oriflammes de Clovis; les faisceaux que Charlemagne rapporta du Capitole, les bannières des Louis et des Philippe, le panache blanc des Henri IV, et les épées des Duguesclin, des Nemours, des Bayard, des Condé, des Turenne, des Catinat, des Villars. Parmi ces trophées éclate son vaste bouclier, que parent les armoiries de cent familles illustres, les couleurs, les chiffres et les devises des chevaliers et des bannerets. Autour de ces nobles écussons, s'entrelacent les rameaux du chêne qu'adoraient nos druides; l'olivier que les Phocéens transplantèrent sur nos rivages; le peuplier d'Italie, emblème des colonies romaines dans les Gaules; le pampre dont les soldats de Probus enrichirent nos coteaux; les palmes de l'Idumée, et les lis couverts d'abeilles: sur ces images symboliques, la galanterie et les amours effeuillent les roses et les myrtes cueillis dans les voluptueux bosquets d'Anet, de Blois et de Versailles 2. DE MARCHANGY. Gaule poetique. LES QUATRE SAISONS. LE PRINTEMPS. L'âme de la nature, l'aimable déesse du printemps, a rompu les chaînes qui la retenaient Oberon, le roi des génies dans la féerie; Morgane et Verusine, deux fées célèbres dans les contes populaires de France et d'italie. (N. E.) 1 Blois, théâtre des amours de François Ier, comme Ver captive; balacée sur l'alle des zéphyrs, elle des cend du haut des cieux épurés par son haleine et réjouis de sa présence. Une vapeur légère, émanée d'elle et comme imprégnée de verdure, décèle sa trace vivifiante; sa taille efface celle de la messagère des dieux; ses traits, ceux de la plus jeune des Grâces : l'éclat de la rose nouvellement épanouie le cède à celui de son teint. Une gazo verdoyante, et dont la transparence laisse deviner les appas qu'elle couvre, badine autour de son beau corps, et en caresse amoureusement les contours arrondis. Une de ses mains voltige sur la lyre de Cupidon, où ce Dieu lui-même a gravé ses triomphes. Soudain, aux doux accords de l'harmonie créatrice, deux âmes, l'une par l'autre attirées, se rapprochent et s'unissent revêtues des formes sveltes que l'antiquité a prêtées à Psyché et à l'Amour, elles paraissent se pénétrer, et confondre, dans l'ivresse extatique d'une ineffable félicité, leurs plus vives affections. L'immortelle s'applaudit: ses regards, où brille unc douce majesté, se reposent avec complaisanco sur ces heureux objets de sa sollicitude. Mais tout ce qui respire a des droits assurés à son amour : à l'ombre des plis de sa robe flottante, et comme au fond d'un bosquet mystérieux, deux blanches tourterelles, émues par les sons de la lyre enchan teresse, se prodiguent de doux baisers. Leurs ailes à demi déployées s'agitent voluptueusement; chaque plume semble frissonner de plaisir. Un des replis du voile, à l'abri des caprices des zéphyrs, sert d'asile à un nid de fauvettes; la mère y couve les précieux fruits de ses amours, retenus encore dans leur prison. La fille de Vénus s'écoute préluder avec complaisance : elle incline sa belle tête, où mille fleurs variées s'épanouissent et se renouvellent sans cesse; elles lui tiennent lieu de tresses ondoyantes; elles forment seules son diadème et sa coiffure. Ici le narcisse majestueux, la renoncule, l'anémone et la tulipe orgueilleuse, rivalisent de magnificence, et se disputent le prix de la beauté ; là l'humble violette et la flexible hyacinthe brillent d'un plus doux éclat, et rehaussent, par le suave mélange de leurs teintes azurées, la pourpre et l'or de la rose naissante. De volages papillons, des essaims bourdonnants, s'enivrent des parfums qu'exhalent leurs calices. La jeune déesse, à la vue des prodiges qu'elle-même a opérés, sent une joie secrète inonder son cœur. Le sourire du bonheur siége sur ses lèvres vermeilles; mais son but est atteint tout jouit, tout est heureux par sailles le fut de ceux de Louis XIV. Anct, bourg du départe. ment d'Eure-et-Loir, où Henri II fit bâtir pour Diane de Poitiers un superbe château qui a été détruit depuis 1792. 5. E.) Observez maintenant ces agents empressés, qui, d'un vol aussi rapide, aussi inquiet que celui de l'hirondelle, rasent la terre, et portent de tous côtés des regards avides et perçants : ce sont les inspecteurs des choses humaines; les uns répandent leurs douces influences sur les mortels qu'ils protégent; les autres détachent contre les forfaits l'implacable Némésis. Voyez ces médiateurs, ces interprètes, qui montent et descendent sans cesse; ils portent aux dieux vos vœux et vos offrandes, ils vous rapportent les songes heureux ou funestes et les secrets de l'avenir, qui vous sont ensuite révélés par la bouche des oracles. › O mon protecteur! m'écriai-je tout à coup, voici des êtres dont la taille et l'air sinistre inspirent la terreur; ils viennent à nous. Fuyons, me dit-il; ils sont malheureux, le bonheur des autres les irrite, et ils n'épargnent que ceux qui passent leur vie dans les souffrances et dans les pleurs. > ་ Échappés à leur furcur, nous trouvâmes d'autres objets non moins affligeants. Até, la détestable Até, source éternelle des dissensions qui tourmentent les hommes, marchait fièrement audessus de leur tête, et soufflait dans leur cœur l'outrage et la vengeance. D'un pas timide, les yeux baissés, les Prières se trainaient sur ses traces, et tachaient de ramener le calme partout où la Discorde venait de se montrer. La Gloire était poursuivie par l'Envie, qui se déchirait elle-même les flancs; la Vérité, par l'Imposture, qui changeait à chaque instant de masque; chaque vertu, par plusieurs vices, qui portaient des filets ou des poignards. ་ La Fortune parut tout à coup ; je la félicitai des dons qu'elle distribuait aux mortels. « Je ne donne point, me dit-elle d'un ton sévère, mais je prête à grosse usure. En proférant ces paroles, elle trempait les fleurs et les fruits qu'elle tenait d'une main, dans une coupe empoisonnée qu'elle tenait de l'autre. Alors passèrent auprès de nous deux puissantes divinités, qui laissaient après elles de longs sillons de lumière. C'est l'impétueux Mars et la sage Minerve, me dit mon conducteur. Deux armées se rapprochent en Béotie; la déesse va se placer auprès d'Epaminondas, chef des Thébains; et le dieu court se joindre aux Lacédémoniens, qui seront vaincus car la sagesse doit triompher de la valeur. « Voyez en même temps se précipiter sur la terre ce couple de génies, l'un bon, l'autre mauvais. Ils doivent s'emparer d'un enfant qui vient de naître; ils l'accompagneront jusqu'au tombeau. Dans ce premier moment, ils chercheront, à l'envi, à le douer de tous les avantages ou de toutes les difformités du cœur et de l'esprit; dans le cours de sa vie, à le porter au bi suivant que l'influence de l'un préva de l'autre... › J'espérais entrevoir le souverain entouré des assistants de son tròne purs que nos philosophes appellent éternelles, génies immortels. Il h inaccessibles aux mortels, me dit le lui votre hommage, et descendons BARTHÉLEMY. Voya, FLORE. Présidez aux jeux de nos enfant fille de l'Aurore, aimable Flore; couvrez de roses les champs du ciel votre mère, soit qu'elle s'élève cl notre horizon, soit qu'elle s'avai temps, vers le sommet de notre li qu'elle rejette ses rayons d'or et leurs régions de neige. Pour vo au-dessus de nos vertes campagi. l'arc-en-ciel au sein des nuages versez les fleurs à pleine corbeill lons et sur nos forêts: le Zéphire suit, haletant après vous, et vo son haleine chaude et humide. D. sur la terre les actes de votre p cieux; à travers les rais lointains landes apparaissent toutes jaunes ris, les prairies brumeuses, de 1 et les corniches des vieilles tour safranées. Au milieu du jour le › on croirait que les rayons du sole sur les croupes des collines, au f au sommet des antiques monumer de violettes e: de primevères parf et le lilas couvre de ses grappes murs du château lointain. Aimab! tez dans les campagnes, Flore sein des prairies: tout vous y in les eaux, les rocs arides; chaque sente ses plantes, et chaque pl Jouissez du mois qui vous les d votre frère, il est à l'aurore de vous à celle de la vie; connaissez comme votre âge. Les prairies ser les fleurs vos alphabets, et Flore vo BERNARDIN DE SAINT-PIE la Nature, tome jer. |