Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se retrouve pas ? Je sais de quels appas son enfance était pleine, Et n'ai pas entrepris, Injurieux ami, de soulager ta peine Avecque son mépris. Mais elle était du monde où les plus belles choses Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles : La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre, Et la garde qui veille aux barrières du Louvre MALHERBE, liv. ter. LE GÉNIE DES TEMPÊTES. Ce hardi Portugais, Gama 2, dont le courage D'un nouvel océan nous ouvrit le passage, De l'Afrique déjà voyait fuir les rochers; Un fantôme, du sein de ces mers inconnues S'élevant jusqu'aux nues, D'un prodige sinistre effraya les nochers. Il étendait son bras sur l'élément terrible; Des nuages épais chargeaient son front horrible, Autour de lui grondaient le tonnerre et les vents; il ébranla d'un cri les demeures profondes, Et sa voix sur les ondes Fit retentir au loin ces funestes accents: ⚫ Arrête (disait-il ), arrête, peuple impie; Reconnais de ces bords le souverain génie, Le dieu de l'Océan dont tu foules les flots! Crois-tu qu'impunément, ô race sacrilége, Ta fureur qui m'assiége Ait sillonné ces mers qu'ignoraient tes vaisseaux? Tremble, tu vas porter ton audace_profane Aux rives de Mélinde, aux bords de Taprobane 3, Qu'en vain si loin de toi placèrent les destins. Vingt peuples t'y suivront; mais ce nouvel empire Où tu vas les conduire N'est qu'un tombeau de plus creusé pour les humains. J'entends des cris de guerre au milieu des naufrages, Et les sons de l'airain se mêlant aux orages, Et les foudres de l'homme au tonnerre des cieux. Les vainqueurs, les vaincus, deviendront mes victimes; 1 Pallida mors æquo pulsat pede pauperum tabernas, Regumque turres... HOR. Od., liv. 1, od. 4. 2 Vasco de Gama, célèbre navigateur portugais, né dans le xye siècle, commandait la flotte qui, la première, doubla le cap de Bonne - Espérance, à l'extrémité méridionale de l'Afrique, et s'ouvrit ainsi la voie des Indes orientales par le grand Ocean. (N. E.) 3 Melinde, royaume de Zanguebar; Il s'étend le long de l'océan Indien. Taprobane, ancien nom de l'ile de Ceylan, à l'entrée du golfe de Bengale. (N. E.) 4 Ce morceau est imité du poëme portugais de Camoëns Os Lusíadas. (N. E.) LA STATUE DE HENRI IV. Assis près de la Seine, en mes douleurs amères, Nous ne verrons jamais l'image vénérée Sans saluer Henri nous irons aux batailles, Et l'étranger viendra chercher dans nos murailles Un héros qu'il ne verra pas! » Où courez-vous?-Quel bruit nail, s'élève et s'avance? O ma lyre! tais-toi dans la publique ivresse; Par mille bras traîné, le lourd colosse roule : Tout un peuple a voué ce bronze à ta mémoire, Des Bayard et des Duguesclin! De l'amour des Français reçois la noble preuve ; A l'obole de l'orphelin. N'en doutez pas : l'aspect de cette image auguste Et, quand on parlera de ses vertus si chères, Jeunes amis, dansez autour de cette enceinte; Mêlez vos pas joyeux, mêlez vos heureux chants. Henri, car sa bonté dans ses traits est empreinte, Bénira vos transports touchants. Près des vains monuments que des tyrans s'élèvent, Qu'il est beau cet airain où d'un roi tutélaire VICTOR HUGO. LES GÉANTS VAINCUS. Les efforts d'un géant qu'on croyait accablé Ont fait encor gémir le ciel, la terre et l'onde; Mon empire s'en est troublé ↑ Allusion au mot prononcé, dit-on, par Charles X, à son entrée dans Paris en 1814. C'est Pluton qui parle. Jusqu'au centre du monde; L'affreux Typhée, avec sa vaine rage, Le ciel ne craindra plus que ces fiers ennemis QUINAULT. Opéra de Proserpine. BACCHUS. C'est toi, divin Bacchus, dont je chante la gloire; Nymphes, faites silence, écoutez mes concerts. Qu'un autre apprenne à l'univers Du fier vainqueur d'Hector la glorieuse histoire; Des enfants de Pélops l'odieuse mémoire: De pampres, de festons, couronnant mes cheveux, Des dons les plus rares Tu combles les cieux; C'est toi qui prépares Le nectar des dieux. La céleste troupe, Tu prêtes tes armes Du fier Polyphème Mais quels transports involontaires Saisissent tout à coup mon esprit agité? Sur quel vallon sacré, dans quels bois solitaires Suis-je en ce moment transporté? Bacchus à mes regards dévoile ses mystères. Un mouvement confus de joie et de terreur M'échauffe d'une sainte audace; Et les Ménades en fureur N'ont rien vu de pareil dans les antres de Thrace. Descendez, mère d'amour, Déjà le jeune Syivain, Et les nymphes des forêts D'un jus petillant et frais Arrosent le vieux Silène. Descendez, mère d'amour, Mars trop longtemps vous arrête. Profanes, fuyez de ces lieux! Je cède aux mouvements que ce grand jour m'inspire. Qu'une aveugle vapeur attire. Mêler dans leurs banquets le meurtre et le carnage; Ne doivent pas souiller nos innocentes mains 1. Bannissons l'affreuse Bellone Malheur aux mortels sanguinaires Bannissons l'affreuse Bellone Veut-on que je fasse la guerre? Suivez-moi, mes amis; accourez, combattez. Je ne vois que buveurs étendus sur l'arène Triomphe! victoire! Honneur à Bacchus! Publions sa gloire. Triomphe! victoire! Buvons aux vaincus. Bruyante trompette, Secondez nos voix, Sonnez leur défaite; Bruyante trompette, Chantez nos exploits. Triomphe! victoire! Honneur à Bacchus! Publions sa gloire. Triomphe! victoire ! Buvons aux vaincus 2. . J.-B. ROUSSEAU. A PHILOMÈLE. Pourquoi, plaintive Philomèle, Songer encore à vos malheurs, Quand, pour apaiser vos douleurs, Tout cherche à vous marquer son zèle? L'univers, à votre retour, Loin de vous l'aquilon fougueux Pour vous l'amante de Céphale 3 Pour entendre vos doux accents Cependant votre âme attendrie Hélas! que mes tristes pensées Et, quand la nature attentive FONTENAY. Désert, aimable solitude, Séjour du calme et de la paix, Asile où n'entrèrent jamais Le tumulte et l'inquiétude. LE MÊME. Quoi! j'aurai tant de fois chanté Et, plein de la reconnaissance Tes agréments et tes bienfaits! C'est toi qui me rends à moi-même : Tu calmes mon cœur agité, Et de ma seule oisiveté Tu me fais un bonheur extrême. Parmi ces bois et ces hameaux, C'est là que je commence à vivre, 1 Natis in usum lætitiæ scyphis. HOR. Od., 1. 1, od. 27. (N. E.) Pugnare Thracum est, etc. 2 Voyez Tableaux. 3 L'Aurore. (N. E.) 4 Procné, fille de Pandion et sœur de Philomèle, poursuivie par Térée son époux, qui voulait se venger de sa jalousie, fut changée cn birondelle. (N. E) Et j'empêcherai de m'y suivre Emplois, grandeurs tant désirées, La cour ne peut plus m'éblouir; De louer qui je dois haïr. Fils des dieux, qui de flatteries Ne s'entend que dans nos prairies. Grotte, d'où sort ce clair ruisseau, De mousse et de fleurs tapissée, N'entretiens jamais ma pensée Que du murmure de ton eau. Ah! quelle riante peinture! Chaque jour se pare à mes yeux Des trésors dont la main des dieux Se plait d'enrichir la nature ! Quel plaisir de voir les troupeaux, Quand le midi brûle l'herbette, Rangés autour de la houlette, Chercher l'ombre sous ces ormeaux! Puis, sur le soir, à nos musettes Mais hélas! ces paisibles jours Déjà la vieillesse s'avance, Fontenay, lieu délicieux, Muses, qui dans ce lieu champêtre Cependant du frais de votre ombre Il faut sagement profiter, Sans regret prêt à vous quitter Pour le manoir terrible et sombre; Où des arbres dont tout exprès, Pour un plus doux et long usage, Mes mains ornèrent ce bocage, Nul ne me suivra qu'un cyprès1. CHAULIEU. AVEUGLEMENT DES HOMMES. Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille: L'homme en sa propre force a mis sa confiance. Mais, o moment terrible, ô jour épouvantable, Que deviendront alors, répondez, grands du monde, Vous avez vu tomber les plus illustres têtes, D'avides étrangers, transportés d'allégresse, Ces terres, ces palais, de vos noms ennoblis. Les hommes éblouis de leurs honneurs frivoles, Un précipice affreux devant eux se présente; Là, s'anéantiront ces titres magnifiques, Justes,ne craignez point le vain pouvoir des hommes; J.-B. ROUSSEAU. 1 Neque harum, quas colis, arborum Te, præter invisas cupressos, Ulla brevem dominum sequetur. HOR. Od., I. II, od. 14. (N. E.) LA MORT DE J.-B. Rousseau. Quand le premier chantre du monde Expira sur les bords glacés Où l'Ebre, effrayé, dans son onde |