Dout le titre souvent est l'unique soutien, Et qui parlant beaucoup, ne disent jamais rien.
Mais peut-être enivré des vapeurs de ma Muse, Moi-même en ma faveur, Seignelay, je, m'abuse. Cessons de nous flatter. Il n'est esprit si droit Qui ne soit imposteur et faux par quelque endroit. Sans cesse on prend le masque, et, quittant la nature, On craint de se montrer sous sa propre figure.
Par là le plus sincère assez souvent déplait.
Rarement un esprit ose être ce qu'il est.
- tu cet importun que tout le monde évite;
Cet homme à toujours fuir, qui jamais ne vous quitte? Il n'est pas sans esprit: mais né triste et pesant, Il veut être folâtre, évaporé, plaisant:
Il s'est fait de, sa joie une loi nécessaire,
Et ne déplait enfin que pour vouloir trop plaire.
La simplicité plait sans étude et sans art.
Tout charme en un enfant, dont la langue sans fard,
A peine du filet encor débarrassée,
Sait d'un air innocent bégayer sa pensée.
Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant, Mais la nature est vraie, et d'abord on la sent, C'est elle seule en tout qu'on admire et qu'on aime. Un esprit né chagrin plait par son chagrin même, Chacun pris dans son air est agréable en soi: Ce n'est que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi. Ce Marquis étoit né doux, commode, agréable; On vantoit en tous lieux soh'ignorance aimable. Mais, depuis quelques mois, devenu grand Docteur, Il a pris un faux air, une sotte hauteur:
Il ne veut plus parler que de rime et de prose: Des auteurs décriés il prend en main la cause Il rit du mauvais goût de tant d'hommes divers, Et va voir l'opéra seulement pour les vers. Voulant se redresser, soi-même on s'estropie, Et d'un original on fait une copie. L'ignorance vaut mieux qu'un savoir affecté. Rien n'est beau, je reviens, que par la vérité..
C'est par elle qu'on plait, et qu'on peut longtemps plaire. L'esprit lasse aisément, si le coeur n'est sincère.
Amitiés, amours et amourettes ist der Titel eines ga lanten Werks von René le Pays.
En vain par sa grimace, un bouffon odieux, A table nous fait rire, et divertit nos yeux;
Ses bons mots ont besoin de farine et de plâtre: Prenez le tête-à-tête, ôtez-lui son théatre;
Ce n'est plus qu'un coeur bas, un coquin ténébreux; Son visage essuyé n'a plus rien que d'affreux. J'aime un esprit aisé qui se montre, qui s'ouvre, Et qui plait d'autant plus, que plus il se découvre. Mais la seule vertu peut souffrir la clarté.
Le vice, toujours sombre, aime l'obscurité:
Pour paroître au grand jour, il faut qu'il se déguise; C'est lui qui de nos moeurs a banni la franchise. Jadis l'homme vivoit au travail occupé; Et ne trompant jamais, n'étoit jamais trompé. *) On ne connoissoit point la ruse et l'imposture: Le Normand **) même alors ignoroit le parjure. Aucun rhéteur encor arrangeant les discours, 'N'avoit d'un art menteur enseigné les détours. Mais sitốt qu'aux humains, faciles à séduire, L'abondance eut donné le loisir de se nuire, La mollesse amena la fausse vanité,
Chacun chercha pour plaire un visagé emprunté. Pour éblouir les yeux la fortune arrogante Affecta d'étaler une pompe insolente: L'or éclata par-tout sur les riches habits; On polit l'émeraude, on tailla le rubis:
Et la laine et la soie, en cent façons nouvelles, Apprirent à quitter leurs couleurs naturelles. La trop courte beauté monta sur des patins; La coquette tendit ses lacs tous les matins ; Et, mettant la céruse et le plâtré en usage, Composa de sa main les fleurs de son visage. L'ardeur de s'enrichir chassa la bonne foi: Le courtisan n'eut plus de sentimens à soi, Tout ne fut plus que fard, qu'erreur, que tromperie: On vit par-tout régner la basse flatterie.
Le Parnasse sur-tout, fécond en imposteurs, Diffama le papier par ses propos menteurs.
*) Je date de loin, pflegte Boileau bey dieser Stelle zu sagen, c'étoit deux cens ans avant le déluge. **) Schon in alten französischen Werken werden die Normänner der Treulosigkeit beschuldigt.
De la vint cet amas d'ouvrages mercenaires, Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires, Où toujours le Héros passe pour sans pareil, Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil.
Ne crois pas toutefois, sur ce discours bizarre, Que, d'un frivole encens malignement avare, J'en veuille sans raison frustrer tout l'univers. La louange agréable est l'ame des beaux vers: Mais je tiens, comme toi, qu'il faut qu'elle soit vraie, Et que son tour adroit n'ait rien qui nous effraie. Alors, comme j'ai dit, tu la sais écouter,
Et sans crainte à tes yeux l'on pourroit t'exalter. Mais, sans t'aller chercher des vertus dans les nues,
Il faudroit peindre en toi des vérités connues;
Décrire ton esprit ami de la raison;
Ton ardeur pour ton Roi puisée en ta maison; A servir ses desseins, ta vigilance heureuse;
Ta probité sincère, utile, officieuse.
Tel, qui hait à se voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer ses véritables traits.
Condé même, Condé, ce Héros formidable,
Et non moins qu'aux Flamands, aux flatteurs redoutable, Ne s'offenseroit pas, si quelque adroit pinceau
Traçoit de ses exploits. le fidèle tableau:
Et, dans Senef*) en feu contemplant sa peinture, Ne désavoueroit pas Malherbe, ni Voiture. Mais malheur au Poète insipide, odieux, Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuyeux. Il auroit beau crier: premier Prince du monde, Courage sans pareil, lumière sans seconde: **) Ses vers jetés d'abord, sans tourner le feuillet, Iroient dans l'anti-chambre amuser Pacolet. ***)
Condé schlug den Prinzen Wilhelm von Nassau - Oranien den 11 Aug. 1674 bey Senef in Flandern. **) Der Anfang des dem Prinzen gewidmeten Gedichts Charlemagne von Bailli du Duché de Montmorenci, ***) Ein Bedienter des Prinzen.
3) L'ART POÉTIQUE. *)
CHANT PREMIER.
Dans ce premier Chant, l'Auteur donne des règles générales pour la Poésie; mais ces règles n'appartiennent point si proprement à cet art, qu'elles ne puissent aussi étre pratiquées utilement dans les autres genres d'écriture. Une courte digression renferme l'histoire de la Poésie Françoise, depuis Villon jusqu'à Malherbe.
C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire Auteur, Pense de l'art des vers atteindre la hauteur, S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète, Si son astre en naissant ne l'a formé Poète, Dans son génie étroit il est toujours captif; Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif.
O vous donc, qui brûlant d'une ardeur périlleuse, Courez du bel esprit la carrière épineuse,
N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer, Ni prendre pour génie un amour de rimer; Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces Et consultez long-temps votre esprit et vos forces. La Nature, fertile en esprits excellens,
Sait entre les Auteurs partager les talens. L'un peut tracer en vers une amoureuse flamme: L'autre, d'un trait plaisant aiguiser l'épigramme. Malherbe d'un Héros peut vanter les exploits; Racan, chanter Philis, les bergers, et les bois. Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime, Méconnoît son génie, et s'ignore soi-même. Ainsi tel ** autrefois qu'on vit avec Faret, ***) Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret,
*) Der eingeschränkte Raum erlaubt uns nicht, die Stellen aus Horazens Ars poetica beyzubringen, die unser Dichter nachgeahmt hat, so lehrreich auch eine solche Zusammenstellung seyn würde. **) Saint Amant, Verfasser des Moise sauvé. Dieser mehr als mittelmäfsige Dichter, dessen Boileau öfters, z. B. Sat. I. 97, nicht sehr rühmlich gedenkt, wurde zu den 40 der französischen Akademie gezählt, eine Ehre, die einem Molière und Chaulieu nicht widerfahren ist. ***) Nicolas Faret, gleichfalls ein poeta minorum gentiam und Mitglied gedachter Akademie. Sein Freund Saint-Amant stellt ihn in seinen Gedichten als einen Wüstling auf, nicht weil er es wirklich war, sondern weil sich der Name Faret sehr bequem mit dem Worte Cabaret reimt.
S'en va mal-à-propos, d'une voix insolente, Chanter du peuple hébreu la fuite triomphante, Et poursuivant Moïse au travers des déserts, Court avec Pharaon se noyer dans les mers.
Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant ou sublime, Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime :: L'un l'autre vainement ils semblent se haïr; La rime est une esclave et ne doit qu'obéir. Lorsqu'à la bien chercher d'abord on s'évertue, L'esprit à la trouver aisément s'habitue; Au joug de la raison sans peine elle fléchit, Et loin de la gêner, la sert et l'enrichit. Mais, lorsqu'on la néglige, elle devient rebelle; Et pour la rattraper, le sens court après elle. Aimez donc la raison. Que toujours vos écrits Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix. La plupart, emportés d'une fougue insensée, Toujours loin du droit sens vont chercher leur pensée; Ils croiroient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux, S'ils pensoient ce qu'un autre a pu penser comme eux. Evitons ces excès: laissons à l'Italie,
De tous ces faux brillans *) l'éclatante folie. / Tout doit tendre au bon sens : mais pour y parvenir, Le chemin est glissant et pénible à tenir; Pour peu qu'on s'en écarte, aussi-tôt on se noie. La raison pour marcher, n'a souvent qu'une voie.
Un Auteur quelquefois trop plein de son objet, Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet. S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face: Il me promène après de terrasse en terrasse; Ici s'offre un perron, là règne un corridor; -Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or, Il compte des plafonds les ronds et les ovales; Ce ne sont que festons," ce ne sont qu'astragales. **) Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin;
*) Diese faux brillans kann man unter andern aus den bekannten Gedichten des Cavalier Marini, z. B. seinem Adóne, kennen lernen. ** Boileau zielt hier auf das Gedicht Alaric von Scudéri, aus welchem auch dieser Vers entlehnt ist, nur dafs das Wort couronnės mit astragales vertauscht ist, um den Kleinigkeitsgeist des Dichters besser zu bezeichnen. Scudéri verwendet gegen 500 Verse auf die Beschreibung Ei nes Pallastes,
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