PRÉFACE Le présent volume a été composé dans le même esprit et suivant la même méthode que nos Principes raisonnés de Littérature. La part excessive faite, depuis plusieurs années, aux détails historiques, a réduit considérablement la théorie scientifique des Genres littéraires. Nos bacheliers n'ignorent pas que Corneille est né à Rouen, rue de la Pie; ils ne bronchent pas sur la date de sa naissance, ni sur celle de la représentation de ses pièces. Quant à savoir comment est construite une tragédie, ce qu'on entend, au théâtre, par action, caractère, « point de nouvelles », comme disait Montaigne. Les histoires de la littérature française enseignent que notre tragédie classique est une crise et un problème moral; mais on néglige généralement de définir ces deux mots, surtout le dernier. Et les élèves en sont réduits à répéter des formules creuses. Il en va, à peu près, de même pour l'épopée, le lyrisme, l'histoire, l'éloquence. Où est le rhétoricien capable de retrouver dans une harangue de Démosthène, dans un sermon de Bossuet, les parties constitutives du discours et de distinguer les diverses espèces d'arguments? On parle beaucoup de l'esprit scientifique. Il serait temps de faire pénétrer un peu de cet esprit dans l'enseignement des Lettres. L'érudition n'est pas la science. Nous formons des pédants au petit pied, si le pédantisme, dans son fond, est un demisavoir, qui n'approfondit rien et se contente de notions confuses et éparses. De la sorte, on a des amateurs, non des connaisseurs : la mémoire est farcie; l'intelligence reste inactive, ou s'exerce à vide. La théorie et l'histoire des Lettres doivent aller de pair. Donnons aux élèves des idées précises sur les choses dont ils parlent, souvent sans les comprendre. La Sorbonne semble nous y inviter. Voici des sujets de dissertation proposés, à Paris, aux examens du baccalauréat la théorie s'y mêle judicieusement à l'histoire (1) : Montrer, par un exemple, la justesse de cette observation d'un prédicateur célèbre : « Une oraison funèbre n'est pas un discours curieux, ce doit être une leçon utile ». Composition du 25 juillet 1899 (2). (1) La réponse à ces questions se trouve dans notre précédent volume ou dans celui-ci. (2) Théorie des genres littéraires, p. 239-240. Qu'est-ce qu'une épopée? Qu'est-ce qui distingue les épopées dites primitives des épopées dites savantes? Exemples de l'une et de l'autre. 20 juillet 1901 (1). Qu'entendez-vous par le style d'un auteur? Caractérisez successivement le style des principaux auteurs que vous connaissez. 20 juilet 1901 (2). Expliquer et discuter cette pensée de La Bruyère : « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. »> 26 juillet 1901 (3). Énoncer, expliquer et discuter la règle des trois unités, avec des exemples à l'appui. 2 août 1901 (4). Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs, Boileau, Art. poét., ch. 1, v. 401. Cette décision est-elle fondée en raison? Est-elle confirmée par l'histoire du théâtre français ? 26 octobre 1901 (5). Sans doute, la plupart des professeurs, en expliquant un auteur, traitent incidemment les questions que nous avons réunies en volume. Mais ces explications discontinues, fournies en passant, à propos (1) Théorie des genres littéraires, p. 60-65. 2) Principes raisonnés de littérature, p. 167-171, p. 174. (3) Ibid., p. 195-197. (4) Théorie des genres littéraires, p. 131-141. (5) Ibid., p. 12-14; p. 138-139: 20 Conception moderne et romantique; p. 162-165. |