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rité ou la mort. Voilà ce qu'il fallait dire; et, ce que vous n'avez pas dit.

Querelles de district, de cantons, dites-vous, dans le grand empire de la civilisation moderne. »

(Discours prononcé à Lyon en 1839.)

Civilisation moderne! Hélas! Monsieur; il eût été mieux de dire : barbarie moderne. Car, le comble de la barbarie est évidemment : de n'avoir d'autre droit que la force brutale : et, entre les nations; et, au sein de chacune d'elles. La barbarie ancienne avait au moins un droit, tenu pour rationnel au sein de chaque nationalité. Notre barbarie n'a donc fait que doubler.

Mais, voyons si, la guerre est inhérente au contact des nationalités; et pourquoi?

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Si, dit Platon, nous voulons avoir assez de terres et de pâturages, il nous faudra empiéter sur nos voisins, nos voisins en feront autant. Il faudra nous faire la guerre. »

(République, liv. II.)

-

- Voilà, la guerre inévitable: au contact des nationalités. Pourquoi? Parce que les nationalités, en contact, n'existent pas sous le même droit.

Ce que nous venons de dire s'applique à l'extérieur des États. Voyons pour l'intérieur!

— « Tous les États, dit Machiavel, sont partagés en deux partis : celui du peuple qui ne veut être ni gouverné, ni opprimé par les grands; et celui des grands qui veulent faire la loi au peuple et le tenir dans l'oppression. >>

(Du Princ., ch. 1x.)

Et, pourquoi cela existe-t-il ? C'est que,

tant qu'il y a des nationalités, il n'y a évidemment d'autre droit que celui de la force; et, que la force, alors, est nécessairement le seul droit, au sein de chaque nationalité. Alors, il y a nécessairement des forts et des faibles. Les faibles veulent devenir forts; les forts ne veulent pas devenir faibles. GUERRE!

Ainsi, la cause des guerres, ce qui les rend inévitables; c'est, la différence de droit constituant les nationalités.

Et, qui formule le droit?

Le souverain, c'est-à-dire celui en qui réside la sanction; en dehors de laquelle le droit n'a aucune valeur d'ordre, aucune valeur sociale.

Combien y a-t-il d'espèces de souveraineté ?

:

Autant qu'il y a d'époques principales dans l'humanité époque d'ignorance et de 'compressibilité d'examen; époque d'ignorance et d'incompressibilité d'examen; époque de connaissance ou incontestabilité rationnelle. A l'époque d'ignorance et de compressibilité d'examen correspond nécessairement la souveraineté relative à une foi dans la sanction du droit, sanction relative à un anthropomorphisme quelconque ; à l'époque d'ignorance et d'incompressibilité d'examen, destructrice de toute foi, correspond nécessairement la souveraineté de la force, hypothétiquement représentée par les majorités, la souveraineté dite du peuple, en réalité la souveraineté de la force brutale, seule sanction possible pour cette époque ; à l'époque de connaissance, ou d'incontestabilité rationnelle, cor

respond: la souveraineté de la vérité, ayant sa sanction : dans la justice éternelle, rendue rationnellement incontestable vis-à-vis de tous et de chacun; dans l'intérêt de tous et de chacun.

Ce que nous venons de dire, si les préjugés n'aveuglaient point les esprits, devrait être suffisant pour rendre les propositions suivantes tellement claires : que, ce fût seulement à Charenton, qu'elles pussent se trouver contestées :

1o En époque d'ignorance et de compressibilité d'examen, l'ordre, le droit peut seulement reposer : sur la souveraineté relative à une foi; sur la souveraineté de droit dit divin; souveraineté d'une force masquée de sophisme, et constituant essentiellement : le despotisme.

2o En époque d'ignorance et d'incompressibilité d'examen, l'ordre, le droit ne peut plus reposer : ni sur une force masquée de raison, l'incompressibilité de l'examen arrachant alors tout masque possible; ni sur la vérité dominant la force, la vérité ne pouvant encore être démontrée d'une manière incontestablement rationnelle. L'ordre alors est donc impossible si, ce n'est comme reposant sur la force brutale, dont on cherche à masquer la brutalité sous le nom de souveraineté des majorités, de souveraineté du peuple. Cette époque, où tout masque de raison est toujours plus ou moins vite arraché, se trouve donc être : anarchique, par essence.

3o En époque de connaissance ou d'incontestabilité rationnelle, l'ordre, le droit, repose sur la souveraineté

de la vérité, rendue incontestablement rationnelle visà-vis de tous et de chacun, dans l'intérêt de tous et de chacun. Cette souveraineté est, alors, librement et nécessairement acceptée : librement, parce que rationnellement; nécessairement, parce que la raison ne peut se refuser à reconnaître la vérité. Cette souveraineté, constitue l'ère de liberté réelle, dont la durée, alors, est égale à celle de l'humanité.

Il est évident que, sous le règne de la vérité, il n'existe plus de nationalités; celles-ci n'étant l'expression de l'absence de vérité.

que,

Avant de passer aux différentes souverainetés, commençons par examiner le droit.

Au mot Droit le dictionnaire dit juste raison. C'est à peu près comme s'il disait il bondocani: tant, qu'il n'y a pas une mesure, incontestablement rationnelle, pour distinguer : la raison juste ; de celle qui ne l'est pas.

Au mot Juste le dictionnaire vous dit : conforme au droit, conforme à la raison. D'un bout à l'autre le dictionnaire est de même force. Cela doit être, le dictionnaire est l'expression de l'ignorance sociale. Voyons: si, tous ceux qui se sont fait un nom dans le monde, ont été, à propos de droit, plus sages que ne l'est le dictionnaire lui-même.

Remarquez, je vous prie : que, le mot loi n'est nullement distingué du mot droit. Au mot Loi, le dictionnaire vous dit règle établie par l'autorité divine ou humaine. Cela signifie règle établie par le souverain; et, le mot droit n'a pas d'autre signification. Aussi, pendant plu

:

:

sieurs années, j'ai entendu le professeur de l'histoire du droit à la faculté de Paris, commencer son cours par ces mots : Messieurs! Nous ne savons pas encore si la loi vient du droit ; ou si le droit vient de la loi. Il eût mieux valu dire: Messieurs! A propos de droit et de loi nous ne savons rien du tout; sinon que, meilleur droit et la meilleure loi, c'est la force, parée du meilleur masque de raison.

le

Aussi, celui que l'antiquité avait présenté, comme personnification de la sagesse, avait donné, comme base d'ordre, le précepte suivant :

- << Jeune homme! n'examine point la loi. »

(Lois de Minos.)

Cette nécessité de ne pas examiner provient : de ce que l'ignorance ne peut offrir que des choses : que, l'examen rejetterait nécessairement comme déraisonnables.

« Une des commodités du christianisme moderne, dit Jean-Jacques, est de s'être fait un certain jargon de mots sans idées avec lesquels on satisfait à tout, hors à la raison. »>

(Lettre à M. de Beaumet.)

« Le langage humain, dit-il encore, n'est pas assez clair. Dieu luimême, s'il daignait nous parler dans nos langues, ne nous dirait rien sur quoi l'on ne pût disputer..... Il n'y a point de vérité si clairement énoncée, il n'y a point de si grossier mensonge qu'on ne puisse étayer de quelque fausse raison. »

(Id., ibid.)

Au lieu de dire le langage humain, le seul qui puisse exister, Rousseau aurait dû dire: le langage de l'ignorance. Lorsque la vérité existe, pour rendre les erreurs évidentes, il n'y a plus de mensonge qui puisse

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