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Quel funeste artifice il me fallut chercher!
D'Achille, qui l'aimoit, j'empruntai le langage.
J'écrivis en Argos, pour hater ce voyage,
Que ce guerrier, pressé de partir avec nous,
Vouloit revoir ma fille et partir son époux.

ARCAS.

Et ne craignez-vous point l'impatient Achille?
Avez-vous prétendu que, muct et tranquille,
Ce Héros, qu'armera l'amour et la raison,
Vous laisse pour ce meurtre abuser de son nom?
Verra-t-il à ses yeux son amante immolée?

AGAMEΜΝΟΝ.

Achille étoit absent, et son pere Pélée,
D'un voisin enneni redoutant les efforts,
L'avoit, tu t'en souviens, rappelé de ces bords;
Et cette guerre, Arcas, selon toute apparence,
Auroit dû plus long-tems prolonger son absence.
Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent?
Achille va combattre et triomphe en courant;
Et ce vainqueur, suivant de près sa renommée,
Hier avec la nuit arriva dans l'armée...

Mais des nœuds plus puissans me retiennent le bras.
Ma fille qui s'approche et court à son trépas,
Qui, loin de soupçonner un arrêt si sévere,
Peut-être s'applaudit des bontés de son pere.
Ma fille !... Ce nom seul, dont les droits sont si saints,
Sa jeunesse, mon sang n'est pas ce que je plains:
Je plains mille vertus, une amour mutuelle,
sa piété pour moi, ma tendresse pour elle,

Un respect, qu'en son cœur rien ne peut balancer,
Et que j'avois promis de mieux récompenser !...

(A part.)

Non, je ne croirai point, ô Ciel! que ta justice
Approuve la fureur de ce noir sacrifice!
Tes oracles, sans doute, ont voulu m'éprouver;
Et tu m'en punirois si j'osois l'achever....

(A Arcas.)

Areas, je t'ai choisi pour cette confidence.
Il faut montrer ici ton zele et ta prudence.
La Reine, qui dans Sparte avoit connu ta foi,
T'a placé dans le rang que tu tiens près de moi....
(Lui donnant la lettre à la main.)
Prends cette lettre. Cours au-devant de la Reine;
Et suis, sans t'arrêter, le chemin de Mycene.
Dès que tu la verras, défends-lui d'avancer,
Et rends-lui ce billet que je viens de tracer.
Mais ne t'écarte point; prends un fidele guide.
Si ma fille une fois met le pied dans l'Aulide,
Elle est morte. Calchas, qui l'attend en ces lieux,
Fera taire nos pleurs, fera parler les Dieux;
Et la religion, contre nous itritée,
Par les timides Grecs sera seule écoutée.

Ceux mêmes dont ma gloire aigrit l'ambition,
Réveilleront leur brigue et leur prétention,
M'arracheront, peut-être, un pouvoir qui les blesse....
Va, dis-je, sauve-la de ma propre foiblesse.
Mais, sur-tout, ne va point, par un zele indiscree
Découvrir à ses yeux mon funeste secret.
Que, s'il se peut, ma fille, à jamais abusée,

Ignore à quel péril je l'avois exposée.
D'une mere en fureur épargne-moi les cris,
Et que ta voix s'accorde avec ce que j'écris.
Pour renvoyer la fille et la mere offensée,

Je leur écris qu'Achille a changé de pensée,
Et qu'il veut désormais, jusques à son retour,
Différer cet hymen que pressoit son amour.
Ajoute, tu le peux, que des froideurs d'Achille
On accuse en secret cette jeune Eriphile,
Que lui même captive amena de Lesbos,
Et qu'auprès de ma fille on garde dans Argos.
C'est leur en dire assez, le reste, il le faut taire....
Déja le jour plus grand nous frappe et nous éclaire....
Déja même l'on entre, et j'entends quelque bruit....
C'est Achille. Va, pars.... Dieux! Ulysse le suit!
(Arcas sort.)

SCENE II.

ACHILLE, ULYSSE, AGAMEMNON. AGAMEMNON, à Achille.

QUO

UOI! Seigneur, se peut-il que d'un cours si rapide La victoire vous ait ramené dans l'Aulide? D'un courage naissant sont-ce là les essais? Quels triomphes suivront de si nobles succès? La Thessalie entiere ou vaincue, ou calmée, Lesbos même conquise, en attendant l'armée,

De toute autre valeur éternels monumens,
Ne sont d'Achille oisif que les amusemens!

ACHILLE.

Seigneur, honorez moins une foible conquête,
Et que puisse bientôt le Ciel, qui nous arrête,
Ouvrir un champ plus noble à ce cœur excité
Par le prix glorieux dont vous l'avez flatté.
Mais cependant, Seigneur, que faut-il que je croie
D'un bruit qui me surprend et me comble de joie?
Daignez-vous avancer le succès de mes vœux;
Et bientôt des mortels suis-je le plus heureux?
On dit qu'Iphigénie, en ces lieux amenée,
Doit bientôt à son sort unir ma destinée.

AGAMEMNON.

Ma fille?... Qui vous dit qu'on la doit amener?

ACHILLE.

Seigneur, qu'a donc ce bruit qui vous doive étonner?
AGAMEMNON, bas, à Ulysse.

Juste Ciel! sauroit-il mon funeste artifice?
ULYSSE, à Achille.

Seigneur, Agamemnon s'étonne, avec justice.
Songez-vous aux malheurs qui nous menacent tous?
O Ciel! pour un hymen quel tems choisissez-vous?
Tandis qu'à nos vaisseaux la mer toujours fermée,
Trouble toute la Grece et consume l'armée,
Tandis que, pour fléchir l'inclémence des Dieux,
Il faut du sang, peut-être, et du plus précieux,
Achille seul, Achille à son amour s'applique?
Voudroit-il insulter à la crainte publique,
Et que le chef des Grecs, irritant les destins,

Préparât d'un hymen la pompe et les festins?
Ah! Seigneur, est-ce ainsi que votre ame attendrie
Plaint le malheur des Grecs et chérit la patrie?

CHILLE.

Dans les champs Phrygiens les effets feront foi
Qui la chérit le plus ou d'Ulysse ou de moi.
Jusques-là je vous laisse étaler votre zele.
Vous pouvez à loisir faire des vœux pour elle.
Remplissez les Autels d'offrandes et de sang,
Des victimes, vous-même, interrogez le flanc,
Du silence des vents demandez-leur la cause;
Mais moi, qui de ce soin sur Calchas me repose,
Souffrez, Seigneur, souffrez que je coure hâter
Un hymen dont les Dieux ne sauroient s'irriter.
Transporté d'une ardeur qui ne peut être oisive,
Je rejoindrai bientôt les Grecs sur cette rive.
J'aurois trop de regret si quelqu'autre guerrier
Au rivage Troyen descendoit le premier.
AGAMEMNON, à part.

Ciel! pourquoi faut-il que ta secrette envie
Ferme à de tels Héros le chemin de l'Asie?
N'aurai-ie vu briller cette noble chaleur

Que pour m'en retourner avec plus de douleur?
ULYSSE.

Dieux qu'est-ce que j'entends?

ACHILLE, à Agamemnon.

Seigneur, qu'osez-vous dire

AGAMEΜΝΟΝ.

Qu'il faut, Princes, qu'il faut que chacun se retire; Que d'un crédule espoir trop long-tems abusés,

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