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PHEDRE, à Hippolyte.
On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,
Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes.
Je vous viens pour un fils expliquer mes alarmes.
Mon fils n'a plus de pere, et le jour n'est pas loin
Qui de ma mort encor deit le rendre témoin.
Déja mille enneinis attaquent son enfance.
Vous scul pouvez contre eux embrasser sa défense....
Mais un secret remords agite mes esprits:
Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris.

Je tremble que sur lui votre juste colere
Ne poursuive bientôt une odieuse mere.

HIPPOLYTE.

Madame, je n'ai point des sentimens si bas.

PHEDRE.

Quand vous me haïriez je ne m'en plaindrois pas,
Seigneur. Vous m'avez vue, attachée à vous nuire....
Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire!...
A votre inimitié j'ai pris soin de m'offrir.
Aux bords que j'habitois je n'ai pu vous souffrir.
En public, en secret, contre vous déclarée,
J'ai voulu par des mers en être séparée.
J'ai même défendu, par une expresse loi,
Qu'on osât prononcer votre nom devant moi....
Si pourtant à l'offense on mesure la peine;
Si la haine peut seule attirer votre haine,
Jamais femme ne fut plus digne de pitié,
Et moins digne, Seigneur, de votre inimitié!

HIPPOLYTE.

Des droits de ses enfans une mere jalouse

Pardonne rarement aux fils d'une autre épouse,
Madame je le sais. Les soupçons importuns
Sont d'un second hymen les fruits les plus communs.
Toute autre auroit pour moi pris les mêmes ombrages,
Et j'en aurois peut-être essuyé plus d'outrages.

PHEDRE.

Ah! Seigneur, que le Ciel, j'ose ici l'attester,
De cette loi commune a voulu m'excepter!
Qu'un soin bien différent me trouble et me dévore!

HIPPOLYTE.

Madame, il n'est pas tems de vous troubler encore.
Peut-être votre époux voit encore le jour.
Le Ciel peut à nos pleurs accorder son retour.
Neptune le protége, et ce Dieu tutélaire
Ne sera pas en vain imploré par mon pere.

PHEDRE.

On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur Puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un Dieu vous le renvoie;
Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie...

Que dis-je? il n'est point mort puisqu'il respire en

vous.

Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
Je le vois, je lui parle, et mon cœur.... Je m'égare,
Seigneur. Ma folle ardeur, malgré moi, se déclare!

HIPPOLYTE.

Je vois de votre amour l'effet prodigieux:
Tout mort qu'il est, Thésée est présent à vos yeux.
Toujours de son amour votre ame est embrâsée ?

PHEDRE.

P

PHEDRE.

Qui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche;
Mais fidele, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu'on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous voi.
Il avoit votre port, vos yeux, votre langage;
Cette noble pudeur coloroit son visage
Lorsque de notre Crete il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.
Que faistez vous alors? Pourquoi, sans Hippolyte,
Des Héros de la Grece assembla-t-il l'élite?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords?
Par vous auroit péri le monstre de la Crete,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal cût armé votre main....
Mais non, dans ce dessein je l'aurois devancée.
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
C'est moi, Prince, c'est moi dont l'utile secours
Vous eût du labyrinths enseigné les détours
Que de soins m'eût coûté cette tête charmante!
Un fil n'eût point assez rassuré votre amante.
Compagne du péril qu'il vous falloit chercher,
Moi-même devant vous j'aurois voulu marcher;
Et Phedre, au labyrinthe avec vous descendue,
Se seroit avec vous retrouvée ou perdue.

D

HIPPOLYTE.

Dieux! qu'est-ce que j'entends? Madame, oubliez-vous Que Thésée est mon pere, et qu'il est votre époux?

PHEDRE.

Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire,
Prince? Aurois-je perdu tout le soin de ma gloire?
HIPPOLYTE,

Madame, pardonnez !... J'avoue, en rougissant.
Que j'accusois à tort un discours innocent.
Ma honte ne peut plus soutenir votre vue;
Et je vais....

PHEDRE, l'interrompant.

Ah! cruel! tu m'as trop entendue!

Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
Eh! bien, connois done Phedre et toute sa fureur.
J'aime.... Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même
Ni que du fol amour qui trouble ma raison,
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes!
Les Dieux m'en sont témoms, ces Dieux qui, dans mon

flanc,

Ont allumé le feu fatal à tout mon sang;
Ces Dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d'une fo ble mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
C'est peu de t'avor fui, cruel! je t'ai chassé.
J'ai voulu te paroître odieuse, inhumaine.

Pour mieux te résister, j'ai recherché ta hajne.

De quoi m'ont profité mes inutiles soins?
Tu me haïssois plus.... je ne t'aimois pas moins!
Tes malheurs te prêtoient encor de nouveaux charmes.
J'ai langui, j'ai séché dans les feux, dans les larmes.
Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,
Si tes yeux, un moment, pouvoient me regarder....
Que dis-je? Cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n'osois trahir,
Je te venois prier de ne le point haïr.
Foibles projets d'un cour trop plein de ce qu'il aime!
Hélas! je ne t'ai pu parler que de toi-même!
Venge toi, punis-moi d'un odieux amour.
Digne fils du Héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite !....
La veuve de Thesée ose aimer Hippolyte!
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échap-

per:

Voilà mon cœur. C'est là que ta main doit frapper. Inpatient déja d'expier son offense,

Au devant de ton bras je le sens qui s'avance. Frappe !.... ou si tu le crois indigne de tes coups, Si ta haine m'envie un supplice si doux,

Ou si d'un sang trop vil ta main seroit trempée, Au défaut de ton bras, prête-moi ton épée.

Donne....

(Elle lui arrache son épée hors du fourreau,

frapper.)

ENONE, l'arrêtant.

et veut s'en

Que faites-vous, Madame!... Justes Dieux !...

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