352 MORALE. prison en prison, et finir par se voir étrangler, ou par mourir dans les fers! Le 21 février 1822, le geôlier vint me prendre à dix heures du matin, il me conduisit dans la salle de la commission, et se retira. Je trouvai sur leur siége, l'inquisiteur et les deux juges assesseurs, qui tous deux se levèrent. Le président, du ton d'une noble commisération, me dit que l'arrêt était déjà arrivé, qu'il avait été terrible; mais que l'empereur l'avait déjà adouci. Le chef des sbires nous mit les menottes; nous le suivîmes accompagnés du chef des autres sbires. En descendant le magnifique escalier des géans, nous nous rappelâmes le doge Marino Faliéro, décapité en ce lieu-même. Au milieu de la Piazetta était l'échafaud sur lequel nous devions monter. De l'escalier des géans à cet échafaud étaient rangées deux files de soldats autrichiens; il fallut passer entre les deux. Deboutsur l'échafaud, nous regardâmes autour de nous, et sur cette immense po L'inquisiteur me lut cette sentence: condamné à mort, puis il lut le rescrit | pulation nous vîmes planer la terreur ; on impérial. - La peine est commuée en quinze ans de carcere duro. -Je répondis: que la volonté de Dieu soit faite ! -Demain, me dit l'inquisiteur, il nous en coûtera d'avoir à vous annoncer publiquement la sentence; mais c'est une formalité inévitable. -Soit, répondis-je. -Dès ce moment, reprit-il, vous pourrez jouir de la compagnie de votre ami; ayant appelé le geolier, ils me consignèrent de nouveau entre ses mains, et lui ordonnèrent de me mettre avec Maroncelli. Les joies de l'amitié nous firent presque oublier notre condamnation. Le lendemain, à neuf heures du matin, on nous fit monter dans une gondole, Maroncelli et moi, pour nous mener à la ville; -la gondole aborda au palais du doge, et nous montames aux prisons. Neuf ou dix sbires étaient là pour nous garder; et nous, nous attendions, en nous promenant, le moment de paraître sur la place. Vers midi, l'inquisiteur vint nous annoncer qu'il fallait marcher. Le médecin vint aussi, et nous conseilla un verre d'eau de menthe; nous acceptâmes, et lui sûmes gré, moins encore de son attention que de la pitié que le bon vieillard nous témoignait : c'était le docteur Dosmo. apercevait dans l'éloignement d'autres soldats se former en pelotons sur divers points. On nous dit que là étaient les canons avec les mèches allumées. Le capitaine autrichien nous cria de nous tourner du côté du palais et de lever les yeux en haut. Nous obéîmes, et ce fut pour voir, sous les arcades de la terrasse, un homme du palais qui tenait un papier à la main: c'était la sentence. Il la lut à haute voix. Il se fit un profond silence jusqu'à cette expression condamnés à mort; alors s'éleva un murmure général; il y eut un nouveau silence pour écouter le reste de la lecture, et un nouveau murmure accueillit ces mots condamnés au carcere duro, Maroncelli pour vingt ans, et Pellico pour quinze. On nous fit descendre, remonter l'escalier, et retourner à la chambre d'où l'on nous avait tirés, enfin on nous ôta les menottes et nous fûmes ramenés à Saint-Michel. Nous partîmes dans la nuit du 25 an 26 mars, et nous arrivâmes le 12 avril au lieu de notre destination. Près des murs de Bruner, à l'occident, tricoter des bas avec l'obligation d'en livrer deux paires par semaine. s'élève une hauteur sur laquelle est située | dre du bois; en dernier lieu on nous fit cette fatale forteresse du Spielberg. Environ trois cents malheureux, voleurs ou assassins, pour la plupart, y sont détenus, condamnés les uns au carcere duro, les autres au carcere durissimo. Subir le carcere duro, c'est être obligé au travail, porter une chaîne aux pieds, dormir sur des planches nues, et vivre de la plus pauvre nourriture qu'on puisse imaginer. Nous autres prisonniers d'état nous étions condamnés au carcere duro. Subir le carcere durissimo, c'est être enchaîné d'une façon plus horrible encore, avec un cercle de fer autour des reins, s, et la chaîne fixée à la muraille, de telle sorte qu'on a grand'peine à se traîner autour de la planche qui sert de lit; la nourriture est la même, quoique la loi D'abord on nous occupa à faire de la charpie, ensuite on nous employa à fen- | dise du pain et de l'eau. FIN DE LA MORALE. POÉSIE. LES PLAISIRS DE LA SOLITUDE. Tircis, il faut penser à faire la retraite; Le bien de la fortune est un bien périssable; Des maisons de nos rois que les toits des bergers. Et bien heureux celui qui peut de sa mémoire Il laboure le champ que laboura son père, |