Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Les enfans sans raison disputent de la foi,
Et tout à l'abandon va sans force et sans loi.
L'artisan par ce monstre a laissé sa boutique,
Le pasteur ses brebis, l'avocat sa pratique,
La nef le marinier, son trafic le marchand,
Et par lui le prud'homme est devenu méchant;
L'écolier se débauche; et de sa faux tortue
Le laboureur façonne une dague pointue.

Morte est l'autorité; chacun vit à sa guise.
Au vice déréglé la licence est permise ;
Tout va de pis en pis : le sujet a brisé
Le serment qu'il devait à son roi méprisé.

RONSARD.

ÉPITAPHE DE RÉGNIER.

J'ai vécu sans nul pensement,
Me laissant aller doucement

A la bonne loi naturelle ;
Et je m'étonne fort pourquoi
La mort daigná penser à moi
Qui ne m'occupai jamais d'elle.

PAR LUI-MÈME.

ÉPIGRAMME.

Un de ces médecins qui font tant de visites,
Au malade gisant disait toujours: Tant mieux.
Et le malade, fait à ce style ennuyeux,
Disait

Mes héritiers pensent comme vous dites.

Benserade.

À UN PÈRE SUR LA MORT DE SA FILLE.

Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle;
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle,
L'augmenteront toujours.

Le malheur de ta fille, au tombeau descendue.
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque du mépris.

Mais, elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses :
L'espace d'un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;

Et la garde, qui veille aux barrières du Louvre,
N'en défend point nos rois.

MALHERBE.

!

CLÉOPATRE S'ANIMANT A SON DERNIER FORFAIT.

Enfin, grâces aux dieux, j'ai moins d'un ennemi ;
La mort de Séleucus m'a vengée à demi.
Son ombre, en attendant Rodogune et son frère,
Peut déjà, de ma part, les promettre à son père;
Ils le suivront de près, et j'ai tout préparé

Pour réunir bientôt ce que j'ai séparé.

O toi, qui n'attends plus que la cérémonie

Pour jeter à mes pieds ma rivale punie,

Et par qui deux amans vont, d'un seul coup du sort,
Recevoir l'hyménée et le trône et la mort,
Poison, me sauras-tu rendre mon diadême?
Le fer m'a bien servie, en feras-tu de même?
Me seras-tu fidèle? Et toi, que me veux-tu,
Ridicule retour d'une sotte vertu,
Tendresse dangereuse autant comme importune?
Je ne veux point pour fils l'époux de Rodogune,

340

Et ne vois plus en lui les restes de mon sang
S'il m'arrache du trône, et la met en mon rang.
Reste du sang ingrat d'un époux infidèle,
Héritier d'une flamme envers moi criminelle,
Aime mon ennemie, et péris comme lui.
Pour la faire tomber, j'abattrai son appui ;
Aussi bien sous mes pas c'est creuser un abîme,
Que retenir ma main sur la moitié du crime.
En te faisant mon roi, c'est trop me négliger
Que te laisser sur moi père et frère à venger.
Qui se venge à demi court lui-même à sa peine,
Il faut ou condamner ou couronner sa haine !

Dût le peuple en fureur, pour ses maîtres nouveaux,

De mon sang odieux arroser leurs tombeaux;
Dût le Parthe vengeur me trouver sans défense;
Dût le ciel égaler le supplice à l'offense;
Trône! à t'abandonner je ne puis consentir.
Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir.
Il vaut mieux mériter le sort le plus étrange.
Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge!
J'en recevrai le coup d'un visage remis.
Il est doux de mourir après ses ennemis !
Et de quelque rigueur que le destin me traite,

Je perds moins à mourir qu'à vivre leur sujette.

CORNEILLE.

LE PHILANTROPE.

Mon Dieu! des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,

Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
Ne l'examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts avec quelque douce ur.
A force de sagesse on peut être blâmable:
Il faut parmi le monde une vertu traitable.
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l'on soit sage avec sobriété.
Cette grande roideur des vertus des vieux âges
Heurte trop notre siècle et les communs usages;
Elle veut aux mortels trop de perfection.
Il faut fléchir au temps sans obstination;
Et c'est une folie à nulle autre seconde,
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J'observe, comme vous, cent choses tous les jours
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours.

Mais, quoique à chaque pas je puisse voir paraître,
En honneur, comme vous, l'on ne me voit pas être ;
Je prends tout doucement les hommes comme ils sont,
J'accoutume mon ame à souffrir ce qu'ils font ;
Et je crois qu'à la cour, de même qu'à la ville,
Mon flegme est philosophe autant que votre bile.

MOLIÈRE, le Misanthrope.

LE CHENE ET LE ROSEAU.

La Fontaine mettait au rang de ses meilleures fables celle du chêne et du roseau. Avant que de la lire, essayons nous-mêmes quelles seraient les idées que la nature nous présenterait sur ce sujet. Prenons les devans, pour voir si l'auteur suivra la même route que nous.

Dès qu'on nous annonce le chêne et le roseau, nous sommes frappés par le contraste du grand avec le petit, du fort avec le faible. Voilà une première idée qui nous est donnée par le seul titre du sujet. Nous serions choqués si, dans le récit du poète, elle se trouvait renversée de manière qu'on accordât la force et la grandeur au roseau, et la petitesse avec la faiblesse au chêne, nous ne manquerions pas de réclamer les droits de la nature, et de dire qu'elle n'est pas rendue, qu'elle n'est pas imitée. L'auteur est donc lié par le seul titre.

Si on suppose que ces deux plantes se parlent, la supposition une fois accordée, on sent que le chêne doit parler avec hauteur et confiance, le roseau avec modestie et simplicité; c'est encore la nature qui le demande. Cependant, comme il arrive presque toujours que ceux qui prennent le ton haut sont des sots, et que les gens modestes ont raison, on ne serait point surpris ni fàché de voir l'orgueil du chêne abattu, et la modestie du roseau préservée. Mais cette idée est enveloppée dans les circonstances d'un événement qu'on ne conçoit pas encore. Hâtons-nous de voir comment l'auteur le développera.

Le Chêne un jour dit au Roseau :

Vous avez bien sujet d'accuser la nature.

Le discours est direct. Le chêne ne dit point au roseau qu'il avait bien sujet d'accuser la nature; mais vous avez... cette manière est beaucoup plus vive; on croit entendre les acteurs mêmes : le discours est ce qu'on appelle dramatique. Ce second vers d'ailleurs contient la proposition du sujet, et marque quel sera le ton de tout le discours. Le chêne montre déjà du sentiment et de la compassion, mais de cette compassion orgueilleuse par laquelle on fait sentir au malheureux les avantages qu'on a sur lui.

Un roitelet pour vous est un pesant fardeau.

Cette idée que le chêne donne de la faiblesse du roseau est bien vive et bien humi

« PrécédentContinuer »