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Je songeais cette nuit que, de mal consumé,
Côte à côte d'un pauvre on m'avait inhumé,
Et que n'en pouvant pas souffrir le voisinage,
En mort de qualité je lui tins ce langage :
Retire-toi, coquin, va pourrir loin d'ici;
Il ne t'appartient pas de m'approcher ainsi
- Coquin! ce me dit-il d'une arrogance extrême;
Va chercher tes coquins ailleurs; coquin toi-même :
Ici tous sont égaux; je ne te dois plus rien;
Je suis sur mon fumier comme toi sur le tien.

PATRIS.

LES ALPES.

Monts chantés par Haller, recevez un poète
Errant parmi ses monts, imposante retraite.
Au front du Guindelval, je m'élève et je voi....
Dieu! quel pompeux spectacle étalé devant moi!
Sous mes yeux enchantés, la nature rassemble
Tout ce qu'elle a d'horreurs et de beautés ensemble.
Dans un lointain qui fuit un monde entier s'étend.
Et comment embrasser ce mélange éclatant
De verdures de fleurs, de moissons ondoyantes,
De paisibles ruisseaux, de cascades bruyantes,
De fontaines, de lacs, de fleuves, de torrens,
D'hommes et de troupeaux sur les plaines errans,
Des terrains éboulés, des rocs usés par l'âge
Pendans sur des vallons où le printemps fleurit,
De coteaux esearpés où l'automne sourit,
D'abîmes ténébreux, de cimes éclairées,
De neiges couronnant de brûlantes contrées
Où règne sur son trône un éternel hiver?
Là, pressant sous ses pieds les nuages humides,
Il hérisse les monts de hautes pyramides,
Dont le bleuâtre éclat, au soleil s'enflammant,
Change ses prés glacés en rocs de diamant :
Là viennent expirer tous les feux du solstice.
En vain l'astre du jour, embrasant l'écrevisse,
D'un déluge de flamme assiége ces déserts,
La masse inébranlable insulte au roi des airs.
Mais trop souvent la neige, arrachée à leur cime,
Roule en blocs bondissans, court d'abîme en abîme,

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1.

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Il ne m'appartient pas d'entrer dans vos affaires,
Ce serait un peu trop de curiosité.

Cependant, l'autre jour, songeant à mes misères,
Je calculais le bien de Votre Majesté.
Tout bien compté, j'en ai la mémoire récente,
Il vous doit revenir cent millions de rente;
Ce qui fait, à peu près, cent mille écus par jour;
Cent mille écus par jour en font quatre par heure...
Pour réparer les maux pressans,
Que le tonnerre a faits à ma maison des champs,
Ne pourrai-je obtenir, Sire, avant que je meure,
Un quart-d'heure de votre temps?

SANGUIN.

VERSAILLES.

O Versaille, ô bois, ô portiques,
Marbres vivans, berceaux antiques,

Par les dieux et les rois élysée embelli,
A ton aspect, dans ma pensée,
Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée
Coule un peu de calme et d'oubli.

Paris me semble un autre empire,
Dès que pour toi je vois sourire
Mes pénates secrets, couronnés de rameaux,
D'où souvent les monts et les plaines
Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines
Sous de triples cintres d'ormeaux.

Les chars, les royales merveilles,

Des gardes les nocturnes veilles,

Tout a fui; des grandeurs tu n'es plus le séjour;
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts et l'étude,
Composent aujourd'hui ta cour.

Ah! témoin des succès du crime,
Si l'homme juste et magnanime
Pouvait ouvrir son cœur à la félicité,
Versailles, tes routes fleuries,
Ton silence, fertile en belles rêveries,
N'auraient que joie et volupté.

Mais souvent tes vallons tranquilles,
Tes sommets verts, tes frais asiles

Tout à coup à mes yeux s'enveloppent de deuil,
J'y vois errer l'ombre livide
D'un peuple d'innocens, qu'un tribunal perfide
Précipite dans le cercueil.

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Quel plaisir de voir les troupeaux,
Quand le midi brûle l'herbette,
Rangés autour de la houlette,
Chercher l'ombre sous ces ormeaux.

Puis sur le soir, à nos musettes,
Ouïr répondre les coteaux,
Et retentir tous nos hameaux
De hautbois et de chansonnettes!

Mais, hélas! ces paisibles jours
Coulent avec trop de vitesse;
Mon indolence et ma paresse
N'en peuvent arrêter le cours.

Fontenay, lieu délicieux,
Où je vis d'abord la lumière,
Bientôt, au bout de ma carrière,
Chez toi je joindrai mes aïeux.

Muses qui, dans ce lieu champêtre,
Avec soin me fites nourrir;
Beaux arbres, qui m'avez vu naître,
Bientôt vous me verrez mourir.

CHAULIEU.

LE CHEVAL,

Voyez ce fier coursier, noble ami de son maître,
Son compagnon guerrier, son serviteur champêtre,
Le traînant dans un char ou s'élançant sous lui,
Dès qu'a sonné l'airain, dès que le fer a lui,
Il s'éveille, il s'anime, et, redressant la tête,
Provoque à la mêlée, insulte à la tempête :
De ses naseaux brûlans il souffle la terreur;
Il bondit d'allégresse, il frémit de fureur;
On charge, il dit: allons, se courrouce et s'élance.
Il brave le mousquet, il affronte la lance;
Parmi le feu, le fer, les morts et les mourants,
Terrible, échevelé, s'enfonce dans les rangs,
Du bruit des chants guerriers fait retentir la terre,
Prête aux foudres de Mars les ailes du tonnerre :
Il prévient l'éperon, il obéit au frein,
Fracasse par son choc les cuirasses d'airain,
S'enivre de valeur, de carnage et de gloire,

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Italie, Italie! ah! pleure tes collines,
Où l'histoire du monde est écrite en ruines!
Où l'Empire, en passant de climats en climats,
A gravé plus avant l'empreinte de ses pas !
Où la gloire, qui prit ton nom pour son emblème,
Laisse un voile éclatant sur ta nudité même!
Voilà le plus parlant de tes sacrés débris !
Pleurs! un cri de pitié va répondre à tes cris!
Terre que consacra l'empire et l'infortune,
Source des nations, reine, mère commune !
Tu n'es pas seulement chère aux nobles enfans
Que ta verte vieillesse a portés dans ses flancs;
De tes ennemis même enviée et chérie,

De tout ce qui naît grand ton ombre est la patrie!
Et l'esprit inquiet, qui, dans l'antiquité,
Remonte vers la gloire et vers la liberté,
Et l'esprit résigné qu'un jour plus pur inonde,
Qui, dédaignant ces dieux qu'adore en vain le monde,
Plus loin, plus haut encor, cherche un unique autel
Pour le Dieu véritable, unique, universel,
Le cœur plein, tous les deux, d'une tendresse amère,
T'adorent dans ta poudre, et te disent: ma mère!
Le vent, en ravissant tes os à ton cercueil,
Semble outrager la gloire et profaner le deuil!
De chaque monument qu'ouvre le roc de Rome,
On croit voir s'exhaler les mânes d'un grand homme;
Et dans ce temple immense, où le Dieu du chrétien
Règne sur les débris du Jupiter payen,

Tout mortel, en entrant, prie et sent mieux encore
Que ton temple appartient à tout ce qui l'adore !...
Sur tes monts glorieux, chaque arbre qui périt,
Chaque rocher miné, chaque mine qui tarit,
Chaque fleur que le soc brise sur une tombe;
De tes sacrés débris chaque pierre qui tombe,
Au cœur des nations retentissent long-temps,
Comme un coup plus hardi de la bache du temps !

!

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