Et tout ce qui flétrit ta majesté suprême
Semble, en te dégradant, nous dégrader nous-même! Le malheur pour toi seule a doublé le respect, ... Tout cœur s'ouvre à ton nom, tout œil à ton aspect ! Ton soleil, trop brillant pour une humble paupière, Semble épancher sur toi la gloire et la lumière Et la voile qui vient de sillonner tes mers, Quand tes grands horizons se montrent dans les airs, Sensible et frémissante à ces grandes images,. S'abaisse d'elle-même en touchant tes rivages! Ah! garde-nous long-temps, veuve des nations, Garde, au pieux respect des générations, Ces titres mutilés de la grandeur de l'homme Qu'on retrouve à tes pieds dans la cendre de Rome! Respecte tout, de toi, jusques à tes lambeaux ! Ne porte point envie à des destins plus beaux ! Mais, semblable à Gésar à son heure suprême, Qui du manteau sanglant s'enveloppe lui-même, Quel que soit le destin que couve l'avenir ! Terre ! enveloppe-toi de ton grand souvenir ! Que t'importe où s'en vont l'empire et la victoire? Il n'est point d'avenir égal à ta mémoire !
De la dépouille de nos bois L'automne avait jonché la terre, Le bocage était sans mystère, Le rossignol était sans voix. Triste, et mourant à son aurore, Un jeune malade à pas lents, Parcourait une fois encore,
Le bois cher à ses premiers ans :
<< Bois que j'aime ! adieu.... Je succombe.
Ton deuil m'avertit de mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe, Je vois un présage de mort. Fatal oracle d'Épidaure
Tu m'as dit : « les feuilles des bois
>> A tes yeux jauniront encore, >> Mais c'est pour la dernière fois.
» L'éternel cyprès se balance;
» Déjà sur ta tête en silence,
» Il incline ses longs rameaux, >> Ta jeunesse sera flétrie
» Avant l'herbe de la prairie, » Avant le pampre des coteaux. » Et je meurs! De leur froide haleine. M'ont touché les sombres autans; Et j'ai vu comme une ombre vaine S'évanouir mon beau printemps. Tombe, tombe, feuille éphémère, Couvre, hélas ! ce triste chemin ; Cache au désespoir de ma mère La place où je serai demain. Mais si mon épouse voilée.
Vient dans la solitaire allée Pleurer à l'heure où le jour fuit, Éveille par un léger bruit
Mon ombre un instant consolée. »
Il dit, s'éloigne..... et sans retour! La dernière feuille qui tombe
A signalé son dernier jour.
Sous le chêne on creusa sa tombe.
Mais son épouse ne vint
Visiter cette sombre allée,
Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.
Je le tiens ce nid de fauvette! Ils sont deux, trois, quatre petits! Depuis si long-temps je vous guette; Pauvres oiseaux, vous voilà pris!
Criez, sifflez, petits rebelles, Débattez-vous; oh! c'est en vain : Vous n'avez pas encore d'ailes?
Comment vous sauver de ma main?
Mais, quoi, n'entends-je point leur mère,
Qui pousse des cris douloureux?
Oui, je le vois; oui, c'est leur père
Qui vient voltiger auprès d'eux.
Vous parlez de changer nos lois et nos usages : Qu'allez-vous demander à ces climats sauvages? Du savoir et des arts les bienfaits décevans? Il vous faut des soldats et non pas des savans! Écoutez nos conseils, et regardez Bizance : De ses fiers habitans on vantait la science; Aux fers de Mahomet les a-t-elle ravis? Amollis par les arts, ils furent asservis.
Ah! loin de pénétrer je ne sais quels mystères, Ils auraient dû s'instruire à défendre leurs terres, Apprendre à vaincre enfin !... Je ne le cache pas, Je les vois à regret porter ici leurs pas ! Des vaincus oseront se proclamer nos maîtres! Ils altèrent déjà les mœurs de nos ancêtres ;
Leurs leçons dans les cœurs germent de toutes parts, Par l'ame de Rurick! que nos jeunes boyards,
Au lieu d'un vain savoir montrent des cicatrices!
On veut les policer, qu'y gagnent-ils? des vices! Il leur faut aujourd'hui, dans le luxe élevés, Reposer sous un toit leurs membres énervés; Des frivoles désirs la foule les assiège.
Nous, vainqueurs du Mongol, nous dormions dans la neige; On ne nous avait pas inventé des besoins,
Et nous nous battions mieux, si nous raisonnions moins! Avec de beaux discours vaincrons-nous le Tartare?
Je suis barbare! eh bien ! je veux rester barbare! Des peuples du midi méprisons la langueur : Les sciences, les arts ont détruit leur vigueur; Ne les imitons pas : restons ce que nous sommes, Afin que sur la terre on trouve encor des hommes !
A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers?
Pour qui ces torches qu'on excite?
L'airain sacré tremble et s'agite.
D'où vient ce bruit lugubre? où courent ces guerriers, Dont la foule, à longs flots, roule et se précipite?
La joie éclate sur leurs traits,
Sans doute l'honneur les enflamme;
Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais : Non, ces guerriers sont des Anglais
Qui vont voir mourir une femme.
Qu'ils sont nobles dans leur courroux! Qu'il est beau d'insulter au bras chargé d'entraves! La voyant sans défense, ils s'écriaient, ces braves: Qu'elle meure! elle a contre nous
Des esprits infernaux suscité la magie.... Lâches, que lui reprochez-vous?
D'un courage inspiré la brûlante énergie, L'amour du nom français, le mépris du danger; Voilà sa magie et ses charmes ;
En faut-il d'autres que des armes,
Pour combattre, pour vaincre et punir l'étranger?
Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l'image; Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents: Au pied de l'échafaud, sans changer de visage, Elle s'avançait à pas lents.
Ainsi, dans l'âge des amours, Finit ta chaste destinée;
Et tu finis abandonnée
Par ceux dont tu sauvas les jours.
Tu ne reverras plus tes riantes montagnes,
Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs, Et ta chaumière et tes compagnes,
Et ton père expirant sous le poids des douleurs. Chevaliers, parmi vous qui combattra pour elle? N'osez-vous entreprendre une cause aussi belle ? Quoi! vous restez muets! aucun ne sort des rangs! Aucun, pour la sauver, ne descend dans la lice!
Puisqu'un forfait si noir les trouve indifférens, Tonnez, confondez l'injustice,
Cieux, obscurcissez-vous de nuages épais; Éteignez sous leurs flots les feux du sacrifice, Ou guidez au lieu du supplice,
A défaut du tonnerre un chevalier français.
Après quelques instans d'un horrible silence, Tout à coup le feu brille, il s'irrite, il s'élance.... Le cœur de la guerrière alors s'est ranimé; A travers les vapeurs d'une fumée ardente,
Jeanne, encor menaçante,
Montre aux Anglais son bras à demi-consumé. Pourquoi reculer d'épouvante,
Anglais? son bras est désarmé.
Qu'un monument s'élève aux lieux de ta naissance, O toi, qui des vainqueurs renversas les projets!
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