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Quand mon père à Lutzen succomba triomphant,
Éveillée en sursaut dans mon berceau d'enfant
Faible, je me levai, j'avais quatre ans à peine,
Je regardai mon peuple; - Il dit, voilà la Reine!
Je grandis vite, car, avec son bras puissant,
La gloire paternelle était la me berçant;

Je grandis vite, dis-je, et j'endurcis mon ame
A ces travaux qui font que je ne suis point femme :
Je suis le roi Christine! Et dites-moi, plus fort,
Mon trône a-t-il pesé sur vous de cet effort?
Non. Quand le ciel était noir et chargé d'orages,
Qnand pâlissaient les fronts, quand pliaient les courages,

Je vous disais : « Enfans, dormez, le ciel est beau; »

Et je vous abritais sous mon vaste manteau ;

Mais comme ce géant qui soutient les deux pôles
J'ai courbé sous leur poids mon front et mes épaules.
Je voudrais maintenant, pour les jours qui viendront,
Relever mon épaule et redresser mon front,

Car je suis fatiguée; eh bien ! qu'un autre porte
La charge qui me lasse et me paraît trop forte.
Mon rôle est achevé. Le tien commence.-A toi
La couronne. Salut, Charles-Gustave, roi.

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C'est un mal salutaire

Que perdre un nouveau-né ;

Aux larmes d'une mère

Tout sera pardonné!

MADAME ÉMILE De Girardin (DELPHINE GAY).

SUR LA MORT DE J.-B. ROUSSEAU.

Quand le premier chantre du monde
Expira sur les bords glacés,

Où l'Elbe effrayé dans son onde

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Reçut ses membres dispersés,

Le Thrace, errant sur les montagnes,
Remplit les bois et les campagnes
Du cri perçant de ses douleurs :
Les champs de l'air en retentirent ;
Et dans les antrès qui gémirent
Le lion répandit des pleurs.

La France a perdu son Orphée.
Muses, dans ces momens de deuil
Élevez le pompeux trophée
Que vous demande son cerceuil;
Laissez par de nouveaux prodiges
D'éclatans et dignes vestiges
D'un jour marqué par vos regrets;
Ainsi le tombeau de Virgile
Est couvert du laurier fertile
Qui par vos soins në meurt jamais.

D'une brillante et triste vie
Rousseau quitte aujourd'hui les fers,
Et loin du ciel de sa patrie
La mort termine ses revers.
D'où ses maux prirent-ils leur source?
Quelles épines dans sa course
Étouffaient les fleurs sous ses pas?
Quels ennuis! quelle vie errante!
Et quelle foule renaissante
D'adversaires et de combats!

Oui, la mort seule nous délivré

Des ennemis de nos vertus,

Et notre gloire ne peut vivre
Que lorsque nous ne vivons plus.
Le chantre d'Ulysse et d'Achille,
Sans protecteur et sans asile
Fut ignoré jusqu'au tombeau.
Il expire, le charme cesse,
Et tous les peuples de la Grèce
Entr'eux disputent son berceau.

Le Nil a vu sur ses rivages
De noirs habitans des déserts
Insulter par leurs cris sauvages
L'astre éclatant de l'univers.
Crime impuissant! fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares
Poussaient d'insolentes clameurs,
Le Dieu, poursuivant sa carrière
Versait des torrens de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.

LE FRANC DE POMPIGNAN.

A MON HABIT.

Ah! mon habit, que je vous remercie!
Que je valus hier, grâce à votre valeur!
Je me connais, et plus je m'apprécie,
Plus j'entrevois que mon tailleur,
Par une secrète magie,

A caché dans vos plis un talisman vainqueur,
Capable de gagner et l'esprit et le cœur.

Dans ce cercle nombreux de bonne compagnie
Quels honneurs je reçus! quels égards! quel accueil!
Auprès de la maîtresse, et dans un grand fauteuil,
Je ne vis que des yeux toujours prêts à sourire.
J'eus le droit d'y parler, et parler sans rien dire.
Cette femme à grands falbalas,

Me consulta sur l'air de son visage;

Un blondin sur un mot d'usage;
Un robin sur des opéras :

Ce que je décidai fut le nec plus ultrà;
On applaudit à tout : j'avais tant de génie!
Ah! mon habit, que je vous remercie,

C'est vous qui me valez cela.

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