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Vous, miniftre de paix dans les tems de colère,
Couvrant d'un zèle faux votre ressentiment,
Le sang, à votre gré, coule trop lentement?
Vous m'avez commandé de vous parler sans feinte,
Madame. Quel est donc ce grand sujet de crainte?
Un fonge, un foible enfant, que votre œil prévenu
Peut-être sans raison croit avoir reconnu.

ATHALIE.

Je le veux croire, Abner, je puis m'être trompée.
Peut-être un songe vain m'a trop préoccupée.
Hé bien, il faut revoir cet enfant de plus près;
Il en faut à loifir examiner les traits.

Qu'on les faffe tous deux paroître en ma présence.

Je crains...

ABNER.

ATHALIE.

Manqueroit-on pour moi de complaisance?

De ce refus bisarre où seroient les raisons ?
Il pourroit me jetter en d'étranges soupçons.
Que Jofabet, vous dis-je, ou Joad les amène.
Je puis, quand je voudrai, parler en Souveraine.
Vos Prêtres, je veux bien, Abner, vous l'avouer,
Des bontés d'Athalie ont lieu de se louer.
Je fais fur ma conduite & contre ma puissance,
Jusqu'où de leurs discours ils portent la licence.
Ils vivent cependant, & leur Temple est deboat.
Mais je sens que bientôt ma douceur eft à bout.

Que Joad mette un frein à fon zèle sauvage,
Et ne m'irrite point par un second outrage,
Allez.

SCENE

VI.

ATHALIE, MATHAN, Suite d'Athalie.

MATHAN.

ENFIN, je

puis parler en liberté.
Je puis dans tout fon jour mettre la vérité.
Quelque monftre naissant dans ce Temple s'élève,
Reine. N'attendez pas que le nuage crève.
Abner chez le Grand-Prêtre a devancé le jour.
Pour le fang de ses Rois vous favez son amour.
Et qui fait fi Joad ne veut point en leur place
Substituer l'enfant dont le Ciel vous menace ?

Soit fon fils, soit quelqu'autre...

ATHALIE.

Oui, vous m'ouvrez les yeux.

Je commence à voir clair dans cet avis des Cieux,
Mais je veux de mon doute être débarraffée.
Un enfant eft peu propre à trahir sa pensée.
Souvent d'un grand dessein un mot nous fait juger.
Laifsez-moi, cher Mathan, le voir, l'interroger.
Vous cependant, allez; &, fans jetter d'allarmes,
A tous mes Tyriens faites prendre les armes.

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JOAS, JOSABET, ATHALIE, ZACHARIE,

ABNER, SALOMITH, DEUX LÉVITES,

LE CHŒUR, Suite d'Athalie.

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Vous, fur ces enfans si chers, si précieux,

Miniftres du Seigneur, ayez toujours les yeux.

ABNER à Jofabet.

Princesse, assurez-vous, je les prends sous ma garde.

ATHALIE.

O Ciel, plus j'examine, & plus je le regarde!
C'est lui! D'horreur encor tous mes sens sont saisis.

(Montrant Joas.)

Epouse de Joad, est-ce là votre fils?

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Jeune enfant, répondez.

JOSABET.

Le Ciel jusqu'aujourd'hui...

ATHALIE à Jofabet.

Pourquoi vous pressez-vous de répondre pour lui?

C'est à lui de parler.

JOSAВЕТ.

Dans un âge fi tendre,

Quel éclaircissement en pouvez-vous attendre!

ATHALIE.

Cet âge est innocent. Son ingénuité

N'altère point encor la simple vérité.

Laissez-le s'expliquer fur tout ce qui le touche.

JOSABET bas à part.

Daigne mettre, grand Dieu, ta sagesse en sa bouche!

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Je suis, dit-on, un orphelin,

Entre les bras de Dieu jetté dès ma naissance,

Et qui de mes parens n'eus jamais connoifance.

ATHALIE.

Vous êtes sans p arens?

Tome III.

F

JOAS.

Ils m'ont abandonné,

ATHALIE.

Comment? Et depuis quand ?

JOAS.

Depuis que je suis né.

ATHALIE.

Ne fait-on pas, au moins, quel pays est le vôtre?

JOAS.

Ce Temple est mon pays, je n'en connois point d'autre,

ATHALIE.

Où dit-on que le fort vous a fait rencontrer!

JOAS.

Parmi des loups cruels prêts à me dévorer.

ATHALIE.

Qui vous mit dans ce Temple?

JOAS.

Une femme inconnue,

Qui ne dît point son nom, & qu'on n'a point revue.

ATHALIE.

Mais de vos premiers ans quelles mains ont pris soin?

JOAS.

Dieu laissa-t-il jamais ses enfans au besoin?
Aux petits des oiseaux il donne leur pâture,
Et fa bonté s'étend fur toute la Nature.

Tous les jours je l'invoque, &, d'un soin paternel,
Il me nourrit des dons offerts sur son Autel.

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