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LE CHEUR chante au fon de toute la symphonie des

instrumens.

Que du Seigneur la voix se fasse entendre,
Et qu'à nos cœurs fon oracle divin

Soit ce qu'à l'herbe tendre

Est au Printems la fraîcheur du matin.

JOAD.

Cieux, écoutez ma voix. Terre, prête l'oreille.
Ne dis plus, ô Jacob, que ton Seigneur sommeille.
Pécheurs, difparoissez, le Seigneur se réveille.

Ici recommence la symphonie, & Joad auffi-tôt
reprend la parole.

Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé ?
Quel est dans le lieu faint ** ce Pontife égorgé?
Pleure, Jérufalem, pleure, Cité perfide,
Des Prophètes divins malheureuse homicide.
De fon amour pour toi ton Dieu s'eft dépouillé.
Ton encens à ses yeux est un encens fouillé.

Où menez-vous *** ces enfans & ces femmes ?
Le Seigneur a détruit la Reine des Cités.
Ses Prêtres font captifs, ses Rois font rejettés.
Dieu ne veut plus qu'on vienne à fes folemnités.
Temple, renverse-toi. Cèdres, jettez des flammes.
Jérusalem, objet de ma douleur,

* Joas.

** Zacharie.

*** Captivité de Babylone,

Quelle main en un jour t'a ravi tous tes charmes? Qui changera mes yeux en deux sources de larmes,

Pour pleurer ton malheur?

AZARIAS.

O faint Temple!

JOSABET.

O David!

LE CHEUR.

Dieu de Sion, rappelle,

Rappelle en sa faveur tes antiques bontés.

La symphonie recommence encore, & Joad un moment

après l'interrompt.

JOAD.

Quelle Jérusalem nouvelle

Sort du fond du désert brillante de clartés,
Et porte fur le front une marque immortelle a
Peuples de la terre, chantez.
Jérusalem renaît plus charmante & plus belle.
D'où lui viennent de tous côtés

Ces Enfans ** qu'en son sein elle n'a point portés !
Leve, Jérufalem, leve ta tête altière.
Regarde tous ces Rois de ta gloire étonnés.
Les Rois des Nations, devant toi prosternés,
De tes pieds baisent la poussière.

* L'Eglife. ** Les Gentils.

Les peuples à l'envi marchent à ta lumière.
Heureux qui, pour Sion, d'une sainte ferveur,

Sentira fon ame embrasée!

Cieux, répandez votre rofée,

Et que la terre enfante son Sauveur.

JOSAВЕТ.

Hélas, d'où nous viendra cette infigne faveur,
Si les Rois de qui doit descendre ce Sauveur!...

JOAD.

Préparez, Jofabet, le riche diadême

Que fur fon front sacré David porta lui-même.

(Aux Lévites.)

Et vous, pour vous armer, suivez-moi dans ces lieux
Où se garde caché, loin des profanes yeux,
Ce formidable amas de lances & d'épées,

Qui du fang Philistin jadis furent trempées,
Et que David vainqueur, d'ans & d'honneurs chargé,
Fit consacrer au Dieu qui l'avoit protégé.

Peut-on les employer pour un plus noble usage?
Venez, je veux moi-même en faire le partage.

SCENE

VIII.

SALOMITH, LE CHŒUR.

SALOMITH.

UE de crainte, mes fœurs, que de troubles mortelsl
Dieu tout-puissant, font-ce là les prémices,
Les parfums & les facrifices

Qu'on devoit en ce jour offrir fur tes Autels?

UNE DES FILLES DU CHEUR.

Quel spectacle à nos yeux timides? Qui l'eût cru qu'on dût voir jamais Les glaives meurtriers, les lances homicides, Briller dans la maison de paix ?

UNE AUTRE.

D'où vient que pour fon Dieu, pleine d'indifférence, Jérusalem se tait en ce pressant danger?

D'où vient, mes fœurs, que, pour nous protéger, Le brave Abner, au moins, ne rompt pas le filence?

SALOMITH.

Hélas, dans une Cour où l'on n'a d'autres loix
Que la force & la violence,

Où les honneurs & les emplois

Sont le prix d'une aveugle & basse obéissance,

Ma fœur, pour la triste innocence,

Qui voudroit élever sa voix?

UNE AUTRE.

Dans ce péril, dans ce désordre extrême,

Pour qui prépare-t-on le sacré diadême ?

SALOMITH.

Le Seigneur a daigné parler.
Mais ce qu'à son Prophète il vient de révéler,
Qui pourra nous le faire entendre?
S'arme-t-il pour nous défendre?

S'arme-t-il pour nous accabler?

TOUT LE CHEUR chante.

O promesse! O menace! O ténébreux mystère!
Que de maux, que de biens sont prédits tour-à-tour!
Comment peut-on avec tant de colère
Accorder tant d'amour?

UNE VOIX seule.

Sion ne fera plus. Une flamme cruelle
Détruira tous ses ornemens.

UNE AUTRE VOIX.

Dieu protège Sion. Elle a pour fondemens
Sa parole éternelle.

LA PREMIÈRE.

Je vois tout son éclat disparoître à mes yeux.

LA SECONDE.

Je vois de toutes parts sa clarté répandue,

LA PREMIÈRE.

Dans un gouffre profond Sion est descendue.

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