JOAD se relevant. Vous faurez par quelle grace infigne, D'une mère en fureur Dieu trompant le dessein, Quand déja son poignard étoit dans votre sein, Vous choifit, vous fauva du milieu du carnage. Vous n'êtes pas encore échappé de sa rage. Avec la même ardeur qu'elle voulut jadis Perdre en vous le dernier des enfans de son fils, A vous faire périr sa cruauté s'attache, Et vous poursuit encor sous le nom qui vous cache. Mais sous vos étendarts j'ai déja sû ranger Un Peuple obéissant & prompt à vous venger. Entrez, généreux Chefs des familles sacrées, Du Ministère saint tour-à-tour honorées.
JOAS, JOAD, AZARIAS, ISMAEL, TROIS AUTRES CHEFS DE LÉVITES.
Ror, voilà vos vengeurs contre vos ennemis.
Prêtres, voilà le Roi que je vous ai promis.
Quoi, cet enfant aimable?.....
Eft des Rois de Juda l'héritier véritable, Dernier né des enfans du trifte Okofias, Nourri, vous le savez, sous le nom de Joas. De cette fleur fi tendre & fi-tôt moiffonnée, Tout Juda, comme vous, plaignant la destinée, Avec ses frères morts le crut enveloppé. Du perfide coûteau comme eux il fut frappé. Mais Dieu du coup mortel fut détourner l'atteinte, Conserva dans son cœur la chaleur presque éteinte, Permit que, des bourreaux trompant l'œil vigilant, Josabet dans son sein l'emportat tout fanglant, Et n'ayant de fon vol que moi seul pour complice, Dans le Temple cachât l'enfant & la nourrice.
Hélas, de tant d'amour & de tant de bienfaits, Mon père, quel moyen de m'acquitter jamais !
Gardez pour d'autres tems cette reconnoissance. Voilà donc votre Roi, votre unique espérance. J'ai pris foin jusqu'ici de vous le conserver, Ministres du Seigneur, c'est à vous d'achever. Bientôt de Jézabel la fille meurtrière, Instruite que Joas voit encor la lumière, Dans l'horreur du tombeau viendra le replonger. Déja, sans le connoître, elle veut l'égorger. Prêtres faints, c'est à vous de prévenir sa rage.. Il faut finir des Juifs le honteux esclavage
Venger nos Princes morts, relever votre Loi, Et faire aux deux Tribus reconnoître leur Roi.
L'entreprise, sans doute, est grande & périlleuse. J'attaque fur son trône une Reine orgueilleuse, Qui võit fous fes drapeaux marcher un camp nombreux
De hardis étrangers, d'infidèles Hébreux. Mais ma force est au Dieu, dont l'intérêt me guide. Songez qu'en cet enfant tout Ifraël réside. Déja ce Dieu vengeur commence à la troubler. Déja, trompant ses soins, j'ai sçu vous rassembler.. Elle nous croit ici sans armes, sans défense. Couronnons, proclamons Joas en diligence, De-là, du nouveau Prince intrépides soldats, Marchons, en invoquant l'arbitre des combats; Et, réveillant la foi dans les cœurs endormie, Jusques dans son Palais cherchons notre ennemie.. Eh quels cœurs si plongés dans un lâche sommeil, Nous voyant avancer dans ce saint appareil, Ne s'empressferont pas à suivre notre exemple ! Un Roi, que Dieu lui-même a nourri dans son Temple, Le successeur d'Aaron de ses Prêtres fuivi, Conduifant au combat les enfans de Lévi, Et dans ces mêmes mains, des peuples révérées, Les armes au Seigneur par David confacrées ? Dieu sur ses ennemis répandra fa terreur, Dans l'infidèle sang baignez-vous fans horreur. Frappez & Tyriens, & même Ifraélites. Ne descendez-vous pas de ces fameux Lévites,
Qui, lorsqu'au Dieu du Nil le volage Ifraël Rendit dans le désert un culte criminel, De leurs plus chers parens faintement homicides, Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l'honneur D'être seuls employés aux Autels du Seigneur ? Mais je vois que déja vous brûlez de me suivre. Jurez donc avant tout fur cet auguste Livre, A ce Roi que le Ciel vous redonne aujourd'hui, De vivre, de combattre, & de mourir pour lui.
AZARIAS au bout de la table, ayant la main fur le Livre faint.
Oui, nous jurons ici pour nous, pour tous nos frères, De rétablir Joas au trône de ses pères, De ne poser le fer entre nos mains remis, Qu'après l'avoir vengé de tous ses ennemis. Si quelque transgresseur enfreint cette promesse, Qu'il éprouve, grand Dieu, ta fureur vengeresse; Qu'avec lui ses enfans, de ton partage exclus, Soient au rang de ces morts, que tu ne connois plus.
Et vous, à cette Loi, votre régle éternelle, -Roi, ne jurez-vous pas d'être toujours fidèle ?
Pourrois-je à cette Loi ne me pas conformer ?
O mon fils, de ce nom j'ose encor vous nommer,
Souffrez cette tendresse, & pardonnez aux larmes Que m'arrachent pour vous de trop justes allarmes. Loin du trône nourri, de ce fatal honneur, Hélas! vous ignorez le charme empoisonneur. De l'absolu pouvoir vous ignorez l'yvrefsse, Et des lâches flatteurs la voix enchanteresse. Bientôt ils vous diront que les plus saintes Loix, Maîtresses du vil peuple, obéissent aux Rois; Qu'un Roi n'a d'autre frein que sa volonté même; Qu'il doit immoler tout à sa grandeur suprême ; Qu'aux larmes, au travail le peuple est condamné, Et d'un sceptre de fer veut être gouverné; Que s'il n'eft opprimé, tôt ou tard il opprime. Ainfi de piége en piége, & d'abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l'aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité ; Vous peindront la vertu fous une affreuse image. Hélas, ils ont des Rois égaré le plus sage! Promettez fur ce Livre & devant ces témoins, Que Dieu fera toujours le premier de vos soins; Que sévère aux méchans, & des bons le refuge, Entre le pauvre & vous, vous prendreż Dieu pour Juge; Vous souvenant, mon fils, que caché sous le lin, Comme eux vous fûtes pauvre, & comme eux orphelin. JOAS au milieu de la Table , ayant la main fur le Livre faint.
Je promets d'observer ce que la Loi m'ordonne. Mon Dieu, punissez-moi, si je vous abandonne.
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