Ainsi donc un perfide, après tant de miracles, Pourroit anéantir la foi de tes oracles?
Raviroit aux Mortels le plus cher de tes dons, Le Saint que tu promets, & que nous attendons ? Non, non, ne fouffre pas que ces peuples farouches, Ivres de notre fang, ferment les seules bouches Qui dans tout l'Univers célèbrent tes bienfaits, Et confonds tous ces Dieux qui ne furent jamais. Pour moi, que tu retiens parmi ces infidèles, Tu fais combien je hais leurs fêtes criminelles, Et que je mets au rang des profanations Leur table, leurs festins, & leurs libations. Que même cette pompe où je suis condamnée, Ce bandeau, dont il faut que je paroisse ornée, Dans ces jours folemnels à l'orgueil dédiés, Seule & dans le secret, je le foule à mes pieds; Qu'à ces vains ornemens je préfère la cendre, Et n'ai de goût qu'aux pleurs que tu me vois répandre. J'attendois le moment marqué dans ton arrêt, Pour ofer de ton peuple embrasser l'intérêt. Ce moment est venu. Ma prompte obéissance Va d'un Roi redoutable affronter la présence. C'est pour toi que je marche. Accompagne mes pas Devant ce fier lion qui ne te connoît pas. Commande, en me voyant, que fon courroux s'appaise, Et prête à mes discours un charme qui lui plaise. Les orages, les vents, les Cieux te sont soumis, Tourne enfin sa fureur contre nos ennemis. Tome III.
SCENE V.
Toute cette Scène est chantée. LE CHEUR.
UNE ISRAÉLITE seule.
LEURONS & gémissons, mes fidelles Compagnes. A nos fanglots donnons un libre cours. Levons les yeux vers les saintes montagnes, D'où l'innocence attend tout son secours. O mortelles allarmes!
Tout Ifraël périt. Pleurez, mes tristes yeux. Il ne fut jamais sous les Cieux Un fi juste sujet de larmes.
TOUT LE CHEUR, O mortelles allarmes!
UNE AUTRE ISRAÉLITE, N'étoit-ce pas affez qu'un vainqueur odieux, De l'auguste Sion eût détruit tous les charmes, Et traîné ses enfans captifs en mille lieux ?
TOUT LE CHEUR. O mortelles allarmes!
LA MÊME ISRAÉLITE. Foibles agneaux, livrés à des loups furieux, Nos foupirs font nos seules armes, TOUT LE CHEUR. O mortelles allarmes!
Arrachons, déchirons tous ces vains ornemens
Qui parent notre tête.
UNE AUTRE.
Revêtons-nous d'habillemens Conformes à l'horrible fête
Que l'impie Aman nous apprête.
TOUT LE CHEUR.
Arrachons, déchirons tous ces vains ornemens
Qui parent notre tête.
UNE ISRAÉLITE.
Quel carnage de toutes parts!
On égorge à la fois les enfans, les vieillards,
Et la fœur & le frère,
Et la fille & la mère,
Le fils dans les bras de son père.
Que de corps entassés ! Que de membres épars, Privés de sépulture!
Grand Dieu, tes Saints font la pâture Des Tigres & des Léopards!
UNE DES PLUS JEUNES ISRAELITES.
Hélas! fi jeune encore,
Par quel crime ai-je pû mériter mon malheur? Ma vie à peine a commencé d'éclore.
Je tomberai comme une fleur
Qui n'a vu qu'une aurore.
Hélas! fi jeune encore,
Par quel crime ai-je pû mériter mon malheur ?
Des offenses d'autrui malheureuses victimes, Que nous fervent, hélas, ces regrets superflus! Nos pères ont péché, nos pères ne font plus,
Et nous portons la peine de leurs crimes.
TOUT LE CHEUR,
Le Dieu que nous servons est le Dieu des combats; Non, non, il ne fouffrira pas Qu'on égorge ainsi l'innocence.
UNE ISRAÉLITE seule.
Hé quoi, diroit l'Impiété, Où donc eft-il ce Dieu fi redouté, Dont Ifraël nous vantoit la puissance?
Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux, Frémissez, peuples de la terre; Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux,
Est le seul qui commande aux Cieux. Ni les éclairs, ni le tonnerre,
N'obéissent point à vos Dieux.
UNE AUTRE.
Il renverse l'audacieux.
UNE AUTRE.
Il prend l'humble sous sa défense.
TOUT LE CHEUR.
Le Dieu que nous fervons est le Dieu des combatst
Non, non, il ne fouffrira pas
Qu'on égorge ainsi l'innocence.
DEUX ISRAÉLITES. O Dieu, que la gloire couronne ! Dieu, que la lumière environne! Qui voles sur l'aîle des vents,
Et dont le trône est porté par les Anges. DEUX AUTRES DES PLUS JEUNES.
Dieu, qui veux bien que de fimples enfans Avec eux chantent tes louanges!
TOUT LE CHEUR. Tu vois nos pressans dangers. Donne à ton nom la victoire. Ne fouffre point que ta gloire Passe à des Dieux étrangers. UNE ISRAÉLITE seule. Arme-toi. Viens nous défendre.
Descends, tel qu'autrefois la mer te vit descendre. Que les méchans apprennent aujourd'hui
Qu'ils foient comme la poudre & la paille légère,
Que le vent chafsse devant lui.
TOUT LE CHEUR.
Tu vois nos pressans dangers. Donne à ton nom la victoire. Ne fouffre point que ta gloire Passe à des Dieux étrangers.
Fin du premier Acte.
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