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SCENE IV.

ASSUÉRUS, HYDASPE, ASAP H.

HYDASPE.

SEIGNEUR.

ASSUÉRUS.

Regarde à cette porte.

Vois s'il s'offre à tes yeux quelque Grand de ma Cour.

HYDASPE.

Aman à votre porte a devancé le jour.

ASSUÉRUS.

Qu'il entre. Ses avis m'éclaireront peut-être.

SCENE

V.

ASSUÉRUS, AMAN, HYDASPE,

A

ASAPH.

ASSUÉRUS.

PPROCHE, heureux appui du trône de ton Maître, Ame de mes conseils, & qui seul tant de fois Du sceptre dans ma main as foulagé le poids. Un reproche secret embarrasse mon ame. Je fais combien est pur le zèle qui t'enflamme. Le menfonge jamais n'entra dans tes discours, Et mon intérêt seul est le but où tu cours.

Dis-moi donc. Que doit faire un Prince magnanime
Qui veut combler d'honneurs un Sujet qu'il estime?
Par quel gage éclatant, & digne d'un grand Roi,
Puis-je récompenser le mérite & la foi?
Ne donne point de borne à ma reconnoiffance.
Mesure tes conseils sur ma vaste puissance.

AMAN bas à part.

C'est pour toi-même, Aman, que tu vas prononcer,
Et quel autre que toi peut-on récompenfer?

Que penses-tu?

ASSUÉRUS.

AMAN.

Seigneur, je cherche, j'envisage

Des Monarques Persans la conduite & l'usage.
Mais à mes yeux en vain je les rappelle tous.
Pour vous régler sur eux, que font-ils près de vous ?
Votre règne aux neveux doit servir de modèle.
Vous voulez d'un Sujet reconnoître le zèle.
L'honneur seul peut flatter un esprit généreux.
Je voudrois donc, Seigneur, que ce Mortel heureux,
De la pourpre aujourd'hui paré comme vous-même,
Et portant fur le front le sacré diadême,

!

Sur un de vos courfiers pompeusement orné,
Aux yeux de vos Sujets dans Suze fût mené;
Que pour comble de gloire & de magnificence,
Un Seigneur éminent en richefse, en puissance,
Enfin de votre Empire, après vous le premier,

L

Par la bride guidat son superbe coursier;

Et lui-même marchant en habits magnifiques,
Criât à haute voix dans les places publiques:
Mortels, prosternez-vous. C'est ainsi que le Roi
Honore le mérite, & couronne la foi.

ASSUÉRUS.

Je vois que la sagesse elle-même t'inspire.
Avec mes volontés ton sentiment confpire.
Va, ne perds point de tems. Ce que tu m'as dicté,
Je veux, de point en point, qu'il foit exécuté.
La vertu dans l'oubli ne sera plus cachée.
Aux portes du Palais prends le Juif Mardochée,
C'est lui que je prétends honorer aujourd'hui.
Ordonne son triomphe, & marche devant lui.
Que Suze par ta voix de fon nom retentisse,
Et fais à fon aspect que tout génou fléchisse.
Sortez tous.

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Jama's d'un tel honneur un Sujet n'a joui.

Mais plus la récompense est grande & glorieufe, Plus même de ce Juif la race est odieuse,

Plus j'assure ma vie, & montre avec éclat
Combien Affuérus rédoute d'être ingrat.
On verra l'innocent difcerné du coupable.
Je n'en perdrai pas moins ce peuple abominable.
Leurs crimes...

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ASSUÉRUS, ESTHER s'appuyant fur Elife;

quatre Ifraélites foutiennent sa robe ; ELISE,

THAMAR, UNE PARTIE DU CHŒUR.

ASSUÉRUS.

SANS

ANS mon ordre on porte ici ses pas!

Quel mortel infolent vient chercher le trépas?

Gardes. C'est vous, Efther? Quoi, sans être attendue!

ESTHER.

Mes filles, foutenez votre Reine éperdue.
Je me meurs.

(Elle tombe évanouie.)

ASSUERUS.

Dieux puissans, quelle étrange pâleur

De fon teint tout-à-coup efface la couleur!
Esther, que craignez-vous? Suis-je pas votre frère?
Eft-ce pour vous qu'est fait un ordre si sévère ?
Vivez. Le sceptre d'or que vous tend cette main,
Pour vous de ma clémence est un gage certain.

ESTHER.

Quelle voix falutaire ordonne que je vive,
Ét rappelle en mon sein mon ame fugitive ?

ASSUÉRUS.

Ne connoissez-vous pas la voix de votre époux,
Encore un coup, vivez, & revenez à vous.

ESTHER.

:

Seigneur, je n'ai jamais contemplé qu'avec crainte
L'auguste majesté sur votre front empreinte.
Jugez combien ce front, irrité contre moi,
Dans mon ame troublée a dû jetter d'effroi.
Sur ce trône sacré qu'environne la foudre,
J'ai cru vous voir tout prêt à me réduire en poudre.
Hélas, fans frissonner, quel cœur audacieux
Soutiendroit les éclairs qui partoient de vos yeux?
Ainfi du Dieu vivant la colère étincelle...
ASSUÉRUS.

O Soleil! O flambeau de lumière immortelle !
Je me trouble moi-même, & sans frémissement
Je ne puis voir sa peine & fon saisissement.
Calmez, Reine, calmez la frayeur qui vous prefsse.
Du cœur d'Afsuérus souveraine maîtresse,
Eprouvez seulement son ardente amitié.
Faut-il de mes Etats vous donner la moitié?

ESTHER.

Hé, se peut-il qu'un Roi, craint de la terre entière,
Devant qui tout fléchit, & baife la poufssière,
Jette sur son esclave un regard fi ferein,
Et m'offre fur fon cœur un pouvoir fouverain!

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