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Mathan d'ailleurs, Mathan, ce Prêtre sacrilège,
Plus méchant qu'Athalie, à toute heure l'assiège;
Mathan de nos Autels infâme déserteur,

Et de toute vertu zélé perfécuteur.

C'est peu que, le front ceint d'une mître étrangère,
Ce Lévite à Baal prête son ministère,
Ce Temple l'importune, & fon impiété
Voudroit anéantir le Dieu qu'il a quitté.

Pour vous perdre, il n'est point de ressorts qu'il n'invente;
Quelquefois il vous plaint, souvent même il vous vante,
Il affecte pour vous une fausse douceur;
Et par-là, de son fiel colorant la noirceur,
Tantôt à cette Reine il vous peint redoutable,
Tantôt, voyant pour l'or sa foif infatiable,
Il lui feint qu'en un lieu, que vous seul connoissez,
Vous cachez des trésors par David amassés.
Enfin, depuis deux jours, la superbe Athalie
Dans un sombre chagrin paroît enfevelie.
Je l'observois hier, & je voyois ses yeux
Lancer sur le lieu faint des regards furieux;
Comme fi, dans le fond de ce vaste édifice,
Dieu cachoit un vengeur armé pour fon fupplice.
Croyez-moi, plus j'y pense & moins je puis douter
Que fur vous fon courroux ne foit prêt d'éclater;
Et que de Jézabel la fille fanguinaire

Ne vienne attaquer Dieu jusqu'en son fanctuaire.

JOA

Celui qui met un frein à la fureur des flots,

L

Sait auffi des méchans arrêter les complots.
Soumis avec respect à sa volonté sainte,

Je crains Dieu, cher Abner, & n'ai point d'autre crainte.
Cependant je rends grace au zèle officieux
Qui sur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux.
Je vois que l'injustice en fecret vous irrite,
Que vous avez encor le cœur Ifraélite.
Le Ciel en soit béni. Mais ce secret courroux,
Cette oifive vertu, vous en contentez-vous?
La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère !
Huit ans déja passés, une impie étrangère
Du fceptre de David ufurpe tous les droits,
Se baigne impunément dans le sang de nos Rois;
Des enfans de son fils détestable homicide,
Et même contre Dieu lève son bras perfide.
Et vous, l'un des foutiens de ce tremblant Etat,
Vous, nourri dans les camps du faint Roi Jofaphat,
Qui sous fon fils Joram commandiez nos armées,
Qui rassurâtes seul nos Villes allarmées,
Lorsque d'Okofias le trépas imprévu
Dispersa tout fon camp à l'aspect de Jéhu;
Je crains Dieu, dites-vous, sa vérité me touche.
Voici comme ce Dieu vous répond par ma bouche:
Du zèle de ma Loi que fert de vous parer ?
Par de stériles vœux pensez-vous m'honorer?
Quel fruit me revient-il de tous vos facrifices?
Ai-je besoin du fang des boucs & des génisses?
Le fang de vos Rois crie, & n'est point écouté.

Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété.
Du milieu de mon peuple exterminez les crimes,
Et vous viendrez alors m'immoler vos victimes.

ABNER.

Hé, que puis-je au milieu de ce peuple abattu ?
Benjamin est sans force, & Juda sans vertu.
Le jour qui de leurs Rois vit éteindre la race,
Eteignit tout le feu de leur antique audace.
Dieu même, disent-ils, s'eft retiré de nous.
De l'honneur des Hébreux autrefois si jaloux,
Il voit fans intérêt leur grandeur terrassée,
Et fa miféricorde à la fin s'est lafsée.

On ne voit plus pour nous fes redoutables mains
De merveilles sans nombre effrayer les humains.
L'Arche fainte est muette, & ne rend plus d'oracles.

JOAD.

Et quel tems fut jamais fi fertile en miracles?
Quand Dieu, par plus d'effets, montra-t-il son pouvoir?
Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point-voir,
Peuple ingrat? Quoi, toujours les plus grandes merveilles,
Sans ébranler ton cœur frapperont tes oreilles ?
Faut-il, Abner, faut-il vous rappeller le cours
Des prodiges fameux accomplis en nos jours?
Des tyrans d'Israël les célèbres disgraces,
Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces;
L'impie Achab détruit, &, de son sang trempé,
Le champ que par le meurtre il avoit ufurpé;
Près de ce champ fatal Jézabel immolée,

Sous les pieds des chevaux cette Reine foulée;
Dans fon fang inhumain les chiens défaltérés,
Et de fon corps hideux les membres déchirés;
Des Prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du Ciel sur l'Autel descendue;
Elie aux Elémens parlant en fouverain,
Les Cieux par lui fermés & devenus d'airain,
Et la terre trois ans sans pluie & fans rofée;
Les morts se ranimant à la voix d'Elisée :
Reconnoifssez, Abner, à ces traits éclatans,
Un Dieu, tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les tems.
Il fait, quand il lui plaît, faire éclater sa gloire,
Et fon peuple est toujours présent à sa mémoire.

ABNER.

Mais où sont ces honneurs à David tant promis,
Et prédits même encor à Salomon son fils?
Hélas! nous espérions que de leur race heureuse
Devoit fortir de Rois une suite nombreuse;
Que, fur toute Tribu, sur toute Nation,
L'un d'eux établiroit sa domination,

Feroit cesser par-tout la difcorde & la guerre,
Et verroit à ses pieds tous les Rois de la terre.

JOAD.

Aux promesses du Ciel pourquoi renoncez-vous ?

ABNER.

Ce Roi, fils de David, où le chercherons-nous?
Le Ciel même peut-il réparer les ruines

De cet arbre féché jusques dans ses racine?

Athalie Athalie étouffa l'enfant même au berceau.

Les morts, après huit ans, fortent-ils du tombeau? Ah! fi dans sa fureur elle s'étoit trompée;

Si du fang de nos Rois quelque goutte échappée...

JOAD.

Hé bien, que feriez-vous?

ABNER.

O jour heureux pour moi!

De quelle ardeur j'irois reconnoître mon Roi!
Doutez-vous qu'à ses pieds nos Tribus empressées...
Mais pourquoi me flatter de ces vaines pensées?
Déplorable héritier de ces Rois triomphans,
Okofias restoit seul avec ses enfans.

Par les traits de Jéhu je vis percer le père;
Vous avez vu les fils massacrés par la mère.

JOAD.

Je ne m'explique point. Mais quand l'Astre du jour
Aura fur l'horison fait le tiers de son tour,
Lorsque la troisième heure aux prières rappelle,
Retrouvez-vous au Temple avec ce même zèle.
Dieu pourra vous montrer, par d'importans bienfaits,
Que sa parole est stable, & ne trompe jamais.
Allez, pour ce grand jour il faut que je m'apprête,
Et du Temple déja l'aube blanchit le faîte.

ABNER.

Quel sera ce bienfait que je ne comprends pas?
L'illustre Jofabet porte vers vous ses pas.
Tome III.

E

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