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et qu'il ne m'est point ennemi, j'anticipe son bon accueil; je le questionne sur sa disposition et santé; je lui fais offre de mes offices sans «< tant marchander sur le plus ou sur le moins, « ne être, comme disent aucuns, sur le qui-vive. << Celui-là me déplaît qui, par la connaissance que j'ai de ces coutumes et façons d'agir, me <«< tire de cette liberté et franchise: comment me <«< ressouvenir tout à propos, et d'aussi loin que je « vois cet homme, d'emprunter une contenance « grave et importante, et qui l'avertisse que je crois le valoir bien et au-delà; pour cela de me << ramentevoir de mes bonnes qualités et conditions, et des siennes mauvaises, puis en faire la comparaison? C'est trop de travail pour moi, <«<et ne suis du tout capable de si roide et si subite attention; et, quand bien même elle « m'aurait succédé une première fois, je ne lais« serais de fléchir et me démentir à une seconde « tâche je ne puis me forcer et contraindre « pour quelconque à être fier.

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C'est une faute contre la politesse que de louer immodérément, en présence de ceux que vous faites chanter ou toucher un instrument, quelque autre personne qui a ces mêmes talents; comme devant ceux qui vous lisent leurs vers, un autre poëte.

Dans les repas ou les fêtes que l'on donne aux autres, dans les présents qu'on leur fait, et dans tous les plaisirs qu'on leur procure, il y a faire bien et faire selon leur goût: le dernier est préférable.

Il y aurait une espèce de férocité à rejeter indifféremment toutes sortes de louanges: l'on doit être sensible à celles qui nous viennent des gens de bien, qui louent en nous sincèrement des choses louables.

Un homme d'esprit, et qui est né fier, ne perd rien de sa fierté et de sa roideur pour se trouver pauvre : si quelque chose au contraire doit amollir son humeur, le rendre plus doux et plus sociable, c'est un peu de prospérité.

Avec de la vertu, de la capacité, et une bonne conduite, l'on peut être insupportable. Les manières, que l'on néglige comme de petites choses, sont souvent ce qui fait que les hommes décident de vous en bien ou en mal; une légère attention à les avoir douces et polies prévient leurs mauvais jugements. Il ne faut presque rien pour être cru fier, incivil, méprisant, désobligeant; il faut encore moins pour être estimé tout le contraire. La politesse n'inspire pas toujours la bonté, L'on sait des gens qui avaient coulé leurs jours l'équité, la complaisance, la gratitude; elle en dans une union étroite : leurs biens étaient en donne du moins les apparences, et fait paraître commun; ils n'avaient qu'une même demeure; l'homme au dehors comme il devrait être inté-ils ne se perdaient pas de vue. Ils se sont aperçus rieurement. à plus de quatre-vingts ans qu'ils devaient se quitter l'un l'autre, et finir leur société; ils n'avaient plus qu'un jour à vivre, et ils n'ont osé entreprendre de le passer ensemble; ils se sont dépêchés de rompre avant que de mourir; ils n'avaient de fonds pour la complaisance que jusque-là. Ils ont trop vécu pour le bon exemple; un moment plus tôt ils mouraient sociables, et laissaient après eux un rare modèle de la persé

Ne pouvoir supporter tous les mauvais caractères dont le monde est plein, n'est pas un fort bon caractère : il faut, dans le commerce, des pièces d'or et de la monnaie.

Vivre avec des gens qui sont brouillés, et dont il faut écouter de part et d'autre les plaintes réciproques, c'est, pour ainsi dire, ne pas sortir de . l'audience, et entendre du matin au soir plaider et parler procès.

L'on peut définir l'esprit de politesse; l'on ne peut en fixer la pratique : elle suit l'usage et les coutumes reçues; elle est attachée aux temps, aux lieux, aux personnes, et n'est point la même dans les deux sexes, ni dans les différentes conditions: l'esprit tout seul ne la fait pas deviner; il fait qu'on la suit par imitation, et que l'on s'y perfectionne. Il y a des tempéraments qui ne sont susceptibles que de la politesse, et il y en a d'autres qui ne servent qu'aux grands talents, ou à une vertu solide. Il est vrai que les manières polies donnent cours au mérite, et le rendent agréable; et qu'il faut avoir de bien éminentes qualités pour se soutenir sans la politesse.

Il me semble que l'esprit de politesse est une certaine attention à faire que, par nos paroles et par nos manières, les autres soient contents de nous et d'eux-mêmes.

vérance dans l'amitié.

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mière. Les plus sages sont souvent menés par le plus fou et le plus bizarre : l'on étudie son faible, son humeur, ses caprices; l'on s'y accommode: l'on évite de le heurter; tout le monde lui cède: la moindre sérénité qui paraît sur son visage lui attire des éloges; on lui tient compte de n'être pas toujours insupportable. Il est craint, ménagé, obéi, quelquefois aimé.

Il n'y a que ceux qui ont eu de vieux collatéraux, ou qui en ont encore, et dont il s'agit d'hériter, qui puissent dire ce qu'il en coûte.

Cléante' est un très-honnête homme; il s'est choisi une femme qui est la meilleure personne du monde, et la plus raisonnable : chacun, de sa part, fait tout le plaisir et tout l'agrément des sociétés où il se trouve; l'on ne peut voir ailleurs plus de probité, plus de politesse: ils se quittent demain, et l'acte de leur séparation est tout dressé chez le notaire. Il y a, sans mentir, de certains mérites qui ne sont point faits pour être ensemble, de certaines vertus incompatibles.

L'on peut compter sûrement sur la dot, le douaire et les conventions, mais faiblement sur les nourritures; elles dépendent d'une union fragile de la belle-mère et de la bru, et qui périt souvent dans l'année du mariage.

Un beau-père aime son gendre, aime sa bru; une belle-mère aime son gendre, n'aime point sa bru: tout est réciproque.

Ce qu'une marâtre aime le moins de tout ce qui est au monde, ce sont les enfants de son mari: plus elle est folle de son mari, plus elle est marâtre.

Les marâtres font déserter les villes et les bourgades, et ne peuplent pas moins la terre de mendiants, de vagabonds, de domestiques et d'esclaves, que la pauvreté.

G** et H**3 sont voisins de campagne, et leurs

1Ce passage en rappelle un de Plutarque, que nous allons rapporter ici : « Il y a quelquefois de petites hargnes et riottes souvent répétées, procédantes de quelques fàcheuses conditions, ou de quelque dissimilitude ou incompatibilité de naature, que les étrangers ne connoissent pas, lesquelles par « succession de temps engendrent de si-grandes aliénations de < volontés entre des personnes, qu'elles ne peuvent plus vivre « ni habiter ensemble. » (Vie de Paulus Emilius, ch. III de la version d'Amyot.)

Un beau-père aime son gendre, aime sa bru: telle est la leçon de toutes les éditions publiées par l'auteur; mais il a sans doute voulu dire, un beau-père n'aime point son gendre, aime sa bru. Nous nous sommes fait une loi de ne pas changer le texte. (Lef.)

Ici, les auteurs de clefs donnent des noms qui se rapportent aux initiales du texte, ce qui pourrait faire croire qu'ils ont rencontré juste. Voici comme ils racontent l'aventure : Vedeau de Grammont, conseiller de la cour en la seconde « des enquêtes, eut un très-grand procès avec M. Hervé, doyen ⚫ du parlement, au sujet d'une beche. Ce procès, commencé

| terres sont contiguës; ils habitent une contrée déserte et solitaire : éloignés des villes et de tout commerce, il semblait que la fuite d'une entière solitude ou l'amour de la société eût dû les assujettir à une liaison réciproque; il est cependant difficile d'exprimer la bagatelle qui les a fait rompre, qui les rend implacables l'un pour l'autre, et qui perpétuera leurs haines dans leurs descendants. Jamais des parents, et même des frères, ne se sont brouillés pour une moindre chose.

Je suppose qu'il n'y ait que deux hommes sur la terre qui la possèdent seuls, et qui la partagent toute entre eux deux ; je suis persuadé qu'il leur naîtra bientôt quelque sujet de rupture, quand ce ne serait que pour les limites.

Il est souvent plus court et plus utile de cadrer aux autres, que de faire que les autres s'ajustent à nous.

J'approche d'une petite ville, et je suis déjà sur une hauteur d'où je la découvre. Elle est située à mi-côte; une rivière baigne ses murs, et coule ensuite dans une belle prairie : elle a une forêt épaisse qui la couvre des vents froids et de l'aquilon. Je la vois dans un jour si favorable, que je compte ses tours et ses clochers : elle me paraît peinte sur le penchant de la colline. Je me, récrie, et je dis: Quel plaisir de vivre sous un si beau ciel et dans ce séjour si délicieux ! Je descends dans la ville, où je n'ai pas couché deux nuits, que je ressemble à ceux qui l'habitent : j'en veux sortir.

Il y a une chose qu'on n'a point vue sous le ciel, et que selon toutes les apparences on ne verra jamais c'est une petite ville qui n'est divisée en aucuns partis; où les familles sont unies, et où les cousins se voient avec confiance; où un mariage n'engendre point une guerre civile; où la querelle des rangs ne se réveille pas à tous moments par l'offrande, l'encens et le pain bénit, par les processions et par les obsèques; d'où l'on a banni les caquets, le mensonge et la médisance; où l'on voit parler ensemble le bailli et le président, les élus et les assesseurs; où le doyen vit bien avec ses chanoines, où les chanoines ne dédaignent pas les chapelains, et où ceux-ci souffrent les chantres.

Les provinciaux et les sots sont toujours prêts

« pour une bagatelle, donna lieu à une inscription en faux de « titre de noblesse dudit Vedeau, et cette affaire alla si loin, «< qu'il fut dégradé publiquement, sa robe déchirée sur lui; « outre cela, condamné à un bannissement perpétuel, depuis «< converti en une prison à Pierre-Encise: ce qui le ruina ab «< solument. Il avait épousé la fille de M. Genou, conseiller en « la grand'chambre.

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à se fâcher, et à croire qu'on se moque d'eux, ou | donne, et inutile à celui à qui il est donné: sur

qu'on les méprise : il ne faut jamais hasarder la plaisanterie, même la plus douce et la plus permise, qu'avec des gens polis ou qui ont de l'esprit. On ne prime point avec les grands, ils se défendent par leur grandeur; ni avec les petits, ils vous repoussent par le qui-vive?

Tout ce qui est mérite se sent, se discerne, se devine réciproquement: si l'on voulait être estimé, il faudrait vivre avec des personnes estimables.

Il y a de petits défauts que l'on abandonne volontiers à la censure, et dont nous ne haïssons pas à être raillés; ce sont de pareils défauts que nous devons choisir pour railler les autres.

les mœurs, vous faites remarquer des défauts ou que l'on n'avoue pas, ou que l'on estime des vertus; sur les ouvrages, vous rayez les endroits qui paraissent admirables à leur auteur, où il se complaît davantage, où il croît s'être surpassé lui-même. Vous perdez ainsi la confiance de vos amis, sans les avoir rendus ni meilleurs ni plus habiles.

L'on a vu, il n'y a pas longtemps, un cercle de personnes' des deux sexes, liées ensemble par Celui qui est d'une éminence au-dessus des la conversation et par un commerce d'esprit : ils autres qui le met à couvert de la répartie, ne laissaient au vulgaire l'art de parler d'une madoit jamais faire une raillerie piquante. nière intelligible; une chose dite entre eux peu clairement en entraînait une autre encore plus obscure, sur laquelle on enchérissait par de vraies énigmes, toujours suivies de longs applaudissements, par tout ce qu'ils appelaient. délicatesse, sentiments, tour et finesse d'expres sion; ils étaient enfin parvenus à n'être plus entendus, et à ne s'entendre pas eux-mêmes. Il ne fallait, pour fournir à ces entretiens, ni bon sens, ni jugement, ni mémoire, ni la moindre capacité; il fallait de l'esprit, non pas du meilleur, mais de celui qui est faux, et où l'imagination a trop de part.

Rire des gens d'esprit, c'est le privilége des sots: ils sont dans le monde ce que les fous sont à la cour, je veux dire sans conséquence.

La moquerie est souvent indigence d'esprit. Vous le croyez votre dupe : s'il feint de l'être, qui est plus dupe de lui ou de vous?

Si vous observez avec soin qui sont les gens qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne sont contents de personne, vous reconnaîtrez que ce sont ceux mêmes dont personne n'est

content.

Le dédain et le rengorgement dans la société attire précisément le contraire de ce que l'on cherche, si c'est à se faire estimer.

Le plaisir de la société entre les amis se cultive par une ressemblance de goût sur ce qui regarde les mœurs, et par quelque différence d'opinions sur les sciences: par là, ou l'on s'affermit dans ses sentiments, ou l'on s'exerce et l'on s'instruit par la dispute.

L'on ne peut aller loin dans l'amitié, si l'on n'est pas disposé à se pardonner les uns aux autres les petits défauts.

Combien de belles et inutiles raisons à étaler à celui qui est dans une grande adversité, pour essayer de le rendre tranquille! Les choses de dehors, qu'on appelle les événements, sont quelquefois plus fortes que la raison et que la nature. Mangez, dormez, ne vous laissez point mourir de chagrin, songez à vivre : harangues froides, et qui réduisent à l'impossible. Êtes-vous raisonnable de vous tant inquiéter? n'est-ce pas dire: Êtes-vous fou d'être malheureux?

Le conseil, si nécessaire pour les affaires, est quelquefois, dans la société, nuisible à qui le |

Je le sais, Theobalde, vous êtes vieilli; mais voudriez-vous que je crusse que vous êtes baissé, que vous n'êtes plus poëte ni bel esprit, que vous êtes présentement aussi mauvais juge de tout genre d'ouvrage que méchant auteur, que vous n'avez plus rien de naïf et de délicat dans la conversation? Votre air libre et présomptueux me rassure, et me persuade tout le contraire. Vous êtes donc aujourd'hui tout ce que vous fûtes jamais, et peut-être meilleur; car, si à votre âge vous êtes si vif et si impétueux, quel nom, Théobalde, fallait-il vous donner dans votre jeunesse, et lorsque vous étiez la coqueluche ou l'entêtement de certaines femmes qui ne juraient que par vous et sur votre parole, qui disaient : Cela est délicieux; qu'a-t-il dit?

L'on parle impétueusement dans les entretiens, souvent par vanité ou par humeur, rarement avec assez d'attention: tout occupé du désir de répondre à ce qu'on n'écoute point, l'on suit ses idées, et on les explique sans le moindre égard pour les raisonnements d'autrui; l'on est bien éloigné de trouver ensemble la vérité, l'on n'est pas encore convenu de celle que l'on cherche. Qui pourrait écouter ces sortes de conver

Les précieuses et leurs alcovistes.

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sations, et les écrire, ferait voir quelquefois de bonnes choses qui n'ont nulle suite.

Il a régné pendant quelque temps une sorte de conversation fade et puérile, qui roulait toute sur des questions frivoles qui avaient relation au cœur, et à ce qu'on appelle passion ou tendresse. La lecture de quelques romans les avait introduites parmi les plus honnêtes gens de la ville et de la cour; ils s'en sont défaits, et la bourgeoisie les a reçues avec les pointes et les équivoques.

Quelques femmes de la ville ont la délicatesse de ne pas savoir ou de n'oser dire le nom des rues, des places, et de quelques endroits publics qu'elles ne croient pas assez nobles pour être connus. Elles disent le Louvre, la place Royale: mais elles usent de tours et de phrases plutôt que de prononcer de certains noms; et, s'ils leur échappent, c'est du moins avec quelque altération du mot, et après quelques façons qui les rassurent en cela moins naturelles que les femmes de la cour, qui, ayant besoin, dans le discours, des Halles, du Châtelet, ou de choses semblables, disent les Halles, le Châtelet.

Si l'on feint quelquefois de ne se pas souvenir de certains noms que l'on croit obscurs, et si l'on affecte de les corrompre en les prononçant, c'est par la bonne opinion qu'on a du sien '.

L'on dit par belle humeur, et dans la liberté de la conversation, de ces choses froides qu'à la vérité l'on donne pour telles, et que l'on ne trouve bonnes que parce qu'elles sont extrêmement mauvaises. Cette manière basse de plaisanter a passé du peuple, à qui elle appartient, jusque dans une grande partie de la jeunesse de la cour, qu'elle a déjà infectée. Il est vrai qu'il y entre trop de fadeur et de grossièreté pour devoir craindre qu'elle s'étende plus loin, et qu'elle fasse de plus grands progrès dans un pays qui est le centre du bon goût et de la politesse; l'on doit cependant en inspirer le dégoût à ceux qui la pratiquent : car, bien que ce ne soit jamais sérieusement, elle ne laisse pas de tenir la place dans leur esprit, et dans le commerce ordinaire, de quelque chose de meilleur.

Entre dire de mauvaises choses ou en dire de bonnes que tout le monde sait, et les donner pour nouvelles, je n'ai pas à choisir.

«Lucain a dit une jolie chose; il y a un beau

C'est ce que faisait, dit-on, le maréchal de Richelieu, qui estropiait impitoyablement les noms de tous les roturiers de sa connaissance, même de ses confrères à l'Académie française.

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« mot de Claudien; il y a cet endroit de Séné‹que : » et là-dessus une longue suite de latin que l'on cite souvent devant des gens qui ne l'entendent pas, et qui feignent de l'entendre. Le secret serait d'avoir un grand sens et bien de l'esprit ; car ou l'on se passerait des anciens, ou, après les avoir lus avec soin, l'on saurait encore choisir les meilleurs, et les citer à propos.

Hermagoras ne sait pas qui est roi de Hongrie; il s'étonne de n'entendre faire aucune mention du roi de Bohême : ne lui parlez pas des guerres de Flandre et de Hollande, dispensezle du moins de vous répondre; il confond les temps, il ignore quand elles ont commencé, quand elles ont fini: combats, siéges, tout lui est nouveau. Mais il est instruit de la guerre des géants, il en raconte le progrès et les moindres détails; rien ne lui est échappé : il débrouille de même l'horrible chaos des deux empires, le babylonien et l'assyrien; il connaît à fond les Egyptiens et leurs dynasties. Il n'a jamais vu Versailles, il ne le verra point; il a presque vu la tour de Babel; il en compte les degrés; il sait combien d'architectes ont présidé à cet ouvrage; il sait le nom des architectes. Dirai-je qu'il croit Henri IV' fils de Henri III? Il néglige du moins de rien connaître aux maisons de France, d'Autriche, de Bavière : quelles minuties! dit-il, pendant qu'il récite de mémoire toute une liste des rois des Mèdes ou de Babylone, et que les noms d'Apronal, d'Hérigebal, de Noesnemordach, de Mardokempad, lui sont aussi familiers qu'à nous ceux de VALOIS et de BOURBON. Il demande si l'Empereur a jamais été marié; mais personne ne lui apprendra que Ninus a eu deux femmes. On lui dit que le roi jouit d'une santé parfaite; et il se souvient que Thetmosis, un roi d'Égypte, était valétudinaire, et qu'il tenait cette complexion de son aïeul Alipharmutosis. Que ne sait-il point? quelle chose lui est cachée de la vénérable antiquité? Il vous dira que Sémiramis, ou, selon quelques-uns, Sérimaris, parlait comme son fils Ninyas; qu'on ne les distinguait pas à la parole: si c'était parce que la mère avait une voix mâle comme son fils, ou le fils une voix efféminée comme sa mère, qu'il n'ose pas le décider. Il nous révèlera que Nembrot était gaucher, et Sésostris ambidextre; que c'est une erreur de s'imaginer qu'un Artaxerce ait été appelé Longuemain parce que les bras lui tombaient jusqu'aux genoux, et non à cause

Henri le Grand. (La Bruyère).

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cien et à Sénèque1, se met au-dessus de Platon, de Virgile et de Théocrite; et son flatteur a soin de le confirmer tous les matins dans cette opinion. Uni de goût et d'intérêt avec les contempteurs d'Homère, il attend paisiblement que les hommes détrompés lui préfèrent les poëtes modernes; il se met en ce cas à la tête de ces der

C'est, en un mot, un composé du pédant et du précieux, fait pour être admiré de la bourgeoisie et de la province, en qui néanmoins on n'aperçoit rien de grand que l'opinion qu'il a de luimême.

C'est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu'il vient d'apprendre luimême; celui qui sait beaucoup pense à peine que ce qu'il dit puisse être ignoré, et parle plus indifféremment.

Les plus grandes choses n'ont besoin que d'être dites simplement; elles se gåtent par l'emphase: il faut dire noblement les plus petites; elles ne se soutiennent que par l'expression, le ton, et la manière.

Il me semble que l'on dit les choses encore plus finement qu'on ne peut les écrire.

qu'il avait une main plus longue que l'autre ; et il ajoute qu'il y a des auteurs graves qui affirment que c'était la droite; qu'il croit néanmoins être bien fondé à soutenir que c'est la gauche. Ascagne est statuaire, Hégion fondeur, Eschine foulon, et Cydias bel esprit; c'est sa profession. Il a une enseigne, un atelier, des ouvrages de commande, et des compagnons quiniers, et il sait à qui il adjuge la seconde place. travaillent sous lui; il ne vous saurait rendre de plus d'un mois les stances qu'il vous a promises, s'il ne manque de parole à Dosithée qui l'a engagé à faire une élégie; une idylle est sur le métier : c'est pour Crantor qui le presse, et qui lui laisse espérer un riche salaire. Prose, vers, que voulez-vous? il réussit également en l'un et en l'autre. Demandez-lui des lettres de consolation, ou sur une absence, il les entreprendra; prenez-les toutes faites et entrez dans son magasin, il y a à choisir. Il a un ami qui n'a point d'autre fonction sur la terre que de le promettre longtemps à un certain monde, et de le présenter enfin dans les maisons comme homme rare et d'une exquise conversation; et là, ainsi que le musicien chante et que le joueur de luth touche son luth devant les personnes à qui il a été promis, Cydias, après avoir toussé, relevé sa manchette, étendu la main et ouvert les doigts, débite gravement ses pensées quintessenciées et ses raisonnements sophistiqués. Différent de ceux qui, convenant de principes, et connaissant la raison ou la vérité qui est une, s'arrachent la parole l'un à l'autre pour s'accorder sur leurs sentiments, il n'ouvre la bouche que pour contredire : « Il me semble, dit-il gracieusement, que c'est tout le contraire de ce que vous dites; » ou, « je ne saurais être de votre opinion; » ou bien, « c'a été autrefois << mon entêtement, comme il est le vôtre; mais... «< il y a trois choses, ajoute-t-il, à considérer.... » et il en ajoute une quatrième : fade discoureur qui n'a pas mis plutôt le pied dans une assemblée, qu'il cherche quelques femmes auprès de qui il puisse s'insinuer, se parer de son bel esprit ou de sa philosophie, et mettre en œuvre ses rares conceptions: car, soit qu'il parle ou qu'il écrive, il ne doit pas être soupçonné d'avoir en vue ni le vrai ni le faux, ni le raisonnable ni le ridicule; il évite uniquement de donner dans le sens des autres, et d'ètre de l'avis de quelqu'un : ⚫ aussi attend-il dans un cercle que chacun se soit expliqué sur le sujet qui s'est offert, ou souvent qu'il a amené lui-même, pour dire dogmatiquement des choses toutes nouvelles, mais à son gré décisives et sans réplique. Cydias s'égale à Lu

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Il n'y a guère qu'une naissance honnête, ou une bonne éducation, qui rende les hommes capables de secret.

Toute confiance est dangereuse, si elle n'est entière: il y a peu de conjonctures où il ne faille tout dire ou tout cacher. On a déjà trop dit de son secret à celui à qui l'on croit devoir en dérober une circonstance.

Des gens vous promettent le secret, et ils le révèlent eux-mêmes, et à leur insu; ils ne remuent pas les lèvres, et on les entend on lit sur leur front et dans leurs yeux; on voit au travers de leur poitrine; ils sont transparents: d'autres ne disent pas précisément une chose qui leur a été confiée; mais ils parlent et agissent de manière qu'on la découvre de soi-même : enfin quelques-uns méprisent votre secret, de quelque conséquence qu'il puisse être : « C'est un mystère, un tel m'en a fait part, et m'a défendu « de le dire; » et ils le disent.

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Toute révélation d'un secret est la faute de celui qui l'a confié.

Nicandre s'entretient avec Élise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa femme, depuis le jour qu'il en fit le choix jus

Philosophe et poëte tragique. ( La Bruyère.)

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