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temps, et qu'en le cachant elle fait qu'on ne pense pas à le guérir véritablement. Ainsi, par un étrange renversement de la nature de l'homme, if se trouve que l'ennui, qui est son mal le plus sensible, est, en quelque sorte, son plus grand bien, parce qu'il peut contribuer plus que toutes choses à lui faire chercher sa véritable guérison; et que le divertissement, qu'il regarde comme son plus grand bien, est, en effet, son plus grand mal, parce qu'il l'éloigne plus que

toutes choses de chercher le remède à ses maux : et l'un et l'autre sont une preuve admirable de la misère et de la corruption de l'homme, et en même temps de sa grandeur; puisque l'homme ne s'ennuie de tout, et ne cherche cette multitude d'occupations, que parce qu'il a l'idée du bonheur qu'il a perdu, lequel ne trouvant point en soi, il le cherche inutilement dans les choses. extérieures, sans pouvoir jamais se contenter, parce qu'il n'est ni dans nous, ni dans les créatures, mais en Dieu seul.

V.

La nature nous rendant toujours malheureux en tous états, nos désirs nous figurent un état heureux, parce qu'ils joignent à l'état où nous sommes les plaisirs de l'état où nous ne sommes pas; et quand nous arriverions à ces plaisirs, nous ne serions pas heureux pour cela, parce que nous aurions d'autres désirs conformes à un nouvel état.

VI.

Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour; c'est l'image de la condition des hommes.

ARTICLE VIII.

Raisons de quelques opinions du peuple.

I.

J'écrirai ici mes pensées sans ordre, et non pas peut-être dans une confusion sans dessein: c'est le véritable ordre, et qui marquera toujours mon objet par le désordre même.

peuple sont très-saines; que le peuple n'est pas si vain qu'on le dit; et ainsi l'opinion qui détruisait celle du peuple sera elle-même détruite.

II.

monde est dans l'illusion: car encore que les Il est vrai, en un sens, de dire que tout le opinions du peuple soient saines, elles ne le sont pas dans sa tête, parce qu'il croit que la vérité est où elle n'est pas. La vérité est bien dans leurs opinions, mais non pas au point où ils se le figurent.

III.

Le peuple honore les personnes de grande naissance. Les demi-habiles les méprisent, disant que la naissance n'est pas un avantage de la personne, mais du hasard. Les habiles les honorent, non par la pensée du peuple, mais par une pensée plus relevée. Certains zélés, qui n'ont pas grande connaissance, les méprisent, malgré cette considération qui les fait honorer par les habiles; parce qu'ils en jugent par une nouvelle lumière que la piété leur donne. Mais les chrétiens parfaits les honorent par une autre lumière supérieure. Ainsi vont les opinions se succédant du pour au contre, selon qu'on a de lumière.

IV.

Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres, si on veut récompenser le mérite; car tous diraient qu'ils méritent. Le mal à craindre d'un sot, qui succède par droit de naissance, n'est ni si grand, ni si sûr.

V.

Pourquoi suit-on la pluralité? est-ce à cause qu'ils ont plus de raison? non, mais plus de force. Pourquoi suit-on les anciennes lois et les anciennes opinions? est-ce qu'elles sont plus saines? non, mais elles sont uniques, et nous ôtent la racine de diversité.

VI.

L'empire fondé sur l'opinion et l'imagination règne quelque temps, et cet empire est doux et volontaire celui de la force règne toujours. Ainsi l'opinion est comme la reine du monde, Nous allons voir que toutes les opinions du mais la force en est le tyran.

VII.

Que l'on a bien fait de distinguer les hommes par l'extérieur plutôt que par les qualités intérieures! Qui passera de nous deux? qui cèdera la place à l'autre? le moins habile? Mais je suis aussi habile que lui. Il faudra se battre sur cela. Il a quatre laquais, et je n'en ai qu'un : cela est visible; il n'y a qu'à compter; c'est à moi à céder, et je suis un sot si je conteste. Nous voilà en paix par ce moyen : ce qui est le plus grand

des biens.

VIII.

La coutume de voir les rois accompagnés de gardes, de tambours, d'officiers, et de toutes les choses qui plient la machine vers le respect et la terreur, fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ces accompagnements, imprime dans leurs sujets le respect et la terreur, parce qu'on ne sépare pas dans la pensée leur personne d'avec leur suite, qu'on y voit d'ordinaire jointe. Le monde, qui ne sait pas que cet effet a son origine dans cette coutume, croit qu'il vient d'une force naturelle et de là ces mots : Le caractère de la Divinité est empreint sur son visage, etc.

La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie. La plus grande et la plus importante chose du monde a pour fondement la faiblesse : et ce fondement-là est admirablement sûr; car il n'y a rien de plus sûr que cela, que le peuple sera faible; ce qui est fondé sur la seule raison est bien mal fondé, comme l'estime de la sagesse.

IX.

Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillottent en chats fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis; tout cet appareil auguste était nécessaire : et si les médecins n'a

vaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés, et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde, qui ne peut résister à cette montre authentique. Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte, parce qu'en effet leur part est plus essentielle. Ils s'établissent par la force, les autres par gri

maces.

C'est ainsi que nos rois n'ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués

d'habits extraordinaires pour paraître tels; mais ils se font accompagner de gardes et de hallebardes, ces trognes armées, qui n'ont de mains et de force que pour eux : les trompettes et les tambours qui marchent au-devant, et ces légions qui les environnent, font trembler les plus fermes. Ils n'ont pas l'habit seulement, ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le grandseigneur, environné dans son superbe sérail de quarante mille janissaires.

Si les magistrats avaient la véritable justice, si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés. La majesté de ces sciences serait assez vénérable d'ellemême. Mais, n'ayant que des sciences imaginai

res,

il faut qu'ils prennent ces vains ornements qui frappent l'imagination, à laquelle ils ont affaire; et par là en effet ils s'attirent le respect.

Nous ne pouvons pas voir seulement un avocat en soutane et le bonnet en tête, sans une opinion avantageuse de sa suffisance.

Les Suisses s'offensent d'être dits gentils hommes, et prouvent la roture de race pour être jugés dignes de grands emplois.

X.

On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui des voyageurs qui est de meilleure maison.

Tout le monde voit qu'on travaille pour l'incertain, sur mer, en bataille, etc.; mais tout le monde ne voit pas la règle des partis qui démontre qu'on le doit. Montaigne a vu qu'on s'offense d'un esprit boiteux, et que la coutume fait tout; mais il n'a pas vu la raison de cet effet. Ceux qui ne voient que les effets, et qui ne voient pas les causes, sont, à l'égard de ceux qui découvrent les causes, comme ceux qui n'ont que des yeux à l'égard de ceux qui ont de l'esprit. Car les effets sont comme sensibles, et les raisons sont visibles seulement à l'esprit. Et quoique ce soit par l'esprit que ces effets-là se voient, cet esprit est, à l'égard de l'esprit qui voit les causes, comme les sens corporels sont à l'égard de l'esprit.

XI.

D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite pas, et qu'un esprit boiteux nous irrite? C'est à cause qu'un boiteux reconnaît que nous allons

que

c'est nous

droit, et qu'un esprit boiteux dit différence il y a, d'admirer qu'on y en trouve, et qui boitons; sans cela nous en aurions plus de d'en demander la raison. pitié que de colère.

Épictète demande aussi pourquoi nous ne nous fâchons point si on dit que nous avons mal à la tête, et que nous nous fâchons de ce qu'on dit que nous raisonnons mal, ou que nous choisissons mal? Ce qui cause cela, c'est que nous sommes bien certains que nous n'avons pas mal à la tête, et que nous ne sommes pas boiteux; mais nous ne sommes pas aussi assurés que nous choisissions le vrai. De sorte que, n'en ayant d'assurance qu'à cause que nous le voyons de toute notre vue, quand un autre voit de toute sa vue le contraire, cela nous met en suspens et nous étonne, et encore plus quand mille autres se moquent de notre choix; car il faut préférer nos lumières à celles de tant d'autres, et cela est hardi et difficile. Il n'y a jamais cette contradiction dans les sens, touchant un boiteux.

XII.

Le respect est, incommodez-vous : cela est vain en apparence, mais très-juste; car c'est dire: Je m'incommoderais bien, si vous en aviez besoin, puisque je le fais sans que cela vous serve: outre que le respect est pour distinguer les grands. Or, si le respect était d'être dans un fauteuil, on respecterait tout le monde, et ainsi on ne distinguerait pas; mais étant incommodés, on distingue fort bien.

XIII.

Être brave n'est pas trop vain : c'est montrer qu'un grand nombre de gens travaillent pour soi; c'est montrer, par ses cheveux, qu'on a un valet de chambre, un parfumeur, etc.; par son rabat, le fil et le passement, etc.

Or, ce n'est pas une simple superficie, ni un simple harnois, d'avoir plusieurs bras à son service.

XIV.

Cela est admirable: on ne veut pas que j'ho

nore un homme vêtu de brocatelle et suivi de

sept à huit laquais! Eh quoi! il me fera donner les étrivières, si je ne le salue. Cet habit, c'est une force; il n'en est pas de même d'un cheval bien enharnaché à l'égard d'un autre.

XV.

Le peuple a des opinions très-saines, par exemple, d'avoir choisi le divertissement et la chasse plutôt que la poésie : les demi-savants s'en moquent, et triomphent à montrer là-dessus sa folie; mais, par une raison qu'ils ne pénètrent pas, il a raison. Il fait bien aussi de distinguer les hommes par le dehors, comme par la naissance ou le bien le monde triomphe encore à montrer combien cela est déraisonnable; mais cela est très-raisonnable.

XVI.

C'est un grand avantage que la qualité, qui, dès dix-huit ou vingt ans, met un homme en passe, connu et respecté, comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans : ce sont trente ans gagnés sans peine.

XVII.

Il y a de certaines gens qui, pour faire voir qu'on a tort de ne pas les estimer, ne manquent jamais font cas d'eux. Je voudrais leur répondre : Mond'alléguer l'exemple de personnes de qualité qui trez-nous le mérite par où vous avez attiré l'estime de ces personnes-là, et nous vous estimerons de même.

XVIII.

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir? Non; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime une personne à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non; car la petite vérole, qui ôtera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus et si on m'aime pour mon jugement, ou pour ma mémoire, m'aime-t-on, moi? Non; car je puis perdre ces qualités sans cesser d'être. ni dans l'âme? Et comment aimer le corps ou Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, l'âme, sinon pour ces qualités qui ne sont point ce qui fait ce moi, puisqu'elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent? Cela ne se peut, et serait injuste. On mais seulement

Montaigne est plaisant de ne pas voir quelle n'aime donc jamais la personne,

1 Bien mis.

les qualités; ou, si on aime la personne, il faut

dire que c'est l'assemblage des qualités qui fait | à l'un, on est malheureux; et en désobéissant à l'autre, on est un sot.

la personne.

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Les choses qui nous tiennent le plus au cœur Pourquoi me tuez-vous ? Eh quoi ! ne demeune sont rien le plus souvent; comme, par exem- rez-vous pas de l'autre coté de l'eau? Mon ami, ple, de cacher qu'on ait peu de bien. C'est un si vous demeuriez de ce côté, je serais un assasnéant que notre imagination grossit en monta-sin, cela serait injuste de vous tuer de la sorte; gne. Un autre tour d'imagination nous le fait mais puisque vous demeurez de l'autre côté, je découvrir sans peine. suis un brave, et cela est juste'.

XX.

Ceux qui sont capables d'inventer sont rares; ceux qui n'inventent point sont en plus grand nombre, et par conséquent les plus forts; et l'on voit que, pour l'ordinaire, ils refusent aux inventeurs la gloire qu'ils méritent et qu'ils cherchent par leurs inventions. S'ils s'obstinent à la vouloir, et à traiter avec mépris ceux qui n'inventent pas, tout ce qu'ils y gagnent, c'est qu'on leur donne des noms ridicules, et qu'on les traite de visionnaires. Il faut donc bien se garder de se piquer de cet avantage, tout grand qu'il est; et l'on doit se contenter d'être estimé du petit nombre de ceux qui en connaissent le prix.

ARTICLE IX.

Pensées morales détachées.

I.

Toutes les bonnes maximes sont dans le monde, on ne manque qu'à les appliquer. Par exemple, on ne doute pas qu'il ne faille exposer sa vie pour défendre le bien public, et plusieurs le font; mais presque personne ne le fait pour la religion. Il est nécessaire qu'il y ait de l'inégalité parmi les hommes; mais cela étant accordé, voilà la porte ouverte, non-seulement à la plus haute domination, mais à la plus haute tyrannie. Il est nécessaire de relâcher un peu l'esprit ; mais cela ouvre la porte aux plus grands débordements. Qu'on en marque les limites; il n'y a point de bornes dans les choses : les lois veulent y en mettre, et l'esprit ne peut le souffrir.

II.

La raison nous commande bien plus impérieusement qu'un maître car, en désobéissant

IV.

Ceux qui sont dans le déréglement disent a ceux qui sont dans l'ordre que ce sont eux qui s'éloignent de la nature, et ils croient la suivre : comme ceux qui sont dans un vaisseau croient que ceux qui sont au bord s'éloignent. Le langage est pareil de tous côtés. Il faut avoir un point fixe pour en juger. Le port règle ceux qui sont dans le vaisseau : mais où trouverons-nous ce point dans la morale?

V.

Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle la justice. Si l'homme connaissait réellement la justice, il n'aurait pas établi cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes Que chacun suive les mœurs de son pays : l'éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples, et les législateurs n'auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des Allemands; on la verrait plantée par tous les états du monde et dans tous les temps'.

VI.

La justice est ce qui est établi; et ainsi toutes nos lois établies seront nécessairement tenues pour justes sans être examinées, puisqu'elles sont établies.

VII.

Les seules règles universelles sont les lois du pays, aux choses ordinaires; et la pluralité aux autres. D'où vient cela? De la force qui y est.

Et de là vient que les rois, qui ont la force

'Pour l'intelligence de cette pensée, voyez part. I, art. VI, § 9. 2 Cette pensée et la suivante sont tirées de Montaigne. On est fondé à croire que Pascal, en les rappelant, avait le projet ou de les réfuter, ou d'en faire sentir le sophisme et le paradoxe.

d'ailleurs, ne suivent pas la pluralité de leurs ministres.

VIII.

Sans doute que l'égalité des biéns est juste; mais ne pouvant faire que l'homme soit forcé d'obéir à la justice, on l'a fait obéir à la force; ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que la justice et la force fussent ensemble, et que la paix fût : car elle est le souverain bien: Summum jus, summa injuria.

La pluralité est la meilleure voie, parce qu'elle est visible, et qu'elle a la force pour se faire obéir; cependant c'est l'avis des moins habiles.

Si on avait pu, on aurait mis la force entre les mains de la justice; mais comme la force ne se laisse pas manier comme on veut, parce que c'est une qualité palpable, au lieu que la justice est une qualité spirituelle dont on dispose comme on veut, on a mis la justice entre les mains de la force, et ainsi on appelle justice ce qu'il est force d'observer.

IX.

Il est juste que ce qui est juste soit suivi : il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante: la puissance sans la justice est tyrannique. La justice sans la force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants : la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, et que ce qui est fort soit juste.

La justice est sujette à disputes la force est très-reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n'a qu'à donner la force à la justice. Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.

X.

Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'obéit qu'à cause qu'il les croit justes. C'est pourquoi il faut lui dire en même temps qu'il doit obéir parce qu'elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes, mais parce qu'ils sont supérieurs. Par là toute sédition est prévenue, si on peut faire entendre cela. Voilà tout ce que c'est proprement que la définition de la justice.

XI.

Il serait bon qu'on obéît aux lois et coutumes parce qu'elles sont lois, et que le peuple comprît que c'est là ce qui les rend justes. Par ce moyen, on ne les quitterait jamais : au lieu que quand on fait dépendre leur justice d'autre chose, il est aisé de la rendre douteuse; et voilà ce qui fait que les peuples sont sujets à se révolter.

XII.

Quand il est question de juger si on doit faire la guerre et tuer tant d'hommes, condamner tant d'Espagnols à la mort, c'est un homme seul qui en juge, et encore intéressé : ce devrait être un tiers indifférent.

XIII.

Ces discours sont faux et tyranniques : Je suis beau, donc on doit me craindre; je suis fort, donc on doit m'aimer. Je suis..... La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut avoir que par une autre. On rend différents devoirs aux différents mérites: devoir d'amour à l'agrément; devoir de crainte à la force; devoir de croyance à la science, etc. On doit rendre ces devoirs-là; on est injuste de les refuser, et injuste d'en demander d'autres. Et c'est de même être faux et tyran de dire: Il n'est pas fort, donc je ne l'estimerai pas; il n'est pas habile, donc je ne le craindrai pas. La tyrannie consiste au désir de domination universelle et hors de son ordre.

XIV.

Il y a des vices qui ne tiennent à nous que par d'autres, et qui, en ôtant le tronc, s'emportent comme des branches.

XV.

Quand la malignité a la raison de son côté, elle devient fière, et étale la raison en tout son lustre quand l'austérité ou le choix sévère n'a pas réussi au vrai bien, et qu'il faut revenir à suivre la nature, elle devient fière par le retour.

XVI.

Ce n'est pas être heureux que de pouvoir être réjoui par le divertissement; car il vient d'ailleurs et de dehors et ainsi il est dépen

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