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Prof. Alex. Ziwet

3 vols.

10-25-1922.

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AVERTISSEMENT.

Presque tous les détails que l'on connaît sur la personne de Pascal sont dus à la biographie écrite par sa sœur, Mme Périer, et que l'on trouvera en tête de notre édition. Nous n'avons donc pas à faire ici l'histoire de Pascal; mais nous ferons en quelques mots l'histoire de ses

œuvres.

Il est vrai que pour un tel homme, ces deux histoires ne se séparent guère. Vivre, pour lui, c'était penser. A douze ans, il avait trouvé, sans livres, les trente-deux premières propositions d'Euclide. Il composa, à seize ans, un Traité des sections coniques; à dix-huit ans, il inventa sa machine arithmétique, tour de force inutile, mais qui, à cet âge et avant le dernier perfectionnement des méthodes, prouve une force de combinaison extraordinaire; ses expériences sur le vide, son Traité de l'équilibre des liqueurs, l'invention du haquet et de la brouette, la théorie de la roulette, quelques aperçus féconds d'où sortit plus tard le calcul des probabilités, occupèrent son âge mûr. Il avait trente-trois ans, lorsqu'il publia pour la première fois un livre étranger aux études mathématiques; et ce livre, dû presque au hasard, dont l'idée lui vint à la suite d'une conversation, et dont il ne voulait faire d'abord qu'une courte brochure, n'est rien moins que les Provinciales. Voilà, par ce grand coup, le géomètre qui s'improvise un des créateurs et des maîtres de la langue française, un des plus puissants théologiens, et sans comparaison le plus redoutable polémiste de son siècle. Il eut en un instant toute la gloire qui s'attache au génie, et toute celle qui suit le courage. Quand on était Pascal, on ne se mêlait pas à la lutte contre les jésuites, on s'en chargeait. Ce qui le rendait un lutteur si terrible, c'est qu'il combattait en homme de foi profonde et non en sceptique. Nous ne comprenons pas aujourd'hui, avec notre triste indifférence des questions religieuses, qu'en écrivant un pamphlet contre les jésuites et une apologie du christianisme, Pascal obéissait à la même pensée et à la même foi. Cette apologie, qui remplit les dernières années de sa vie, demeura à peine ébauchée, Pascal étant mort à trente-neuf ans. Il avait contre lui les jésuites, Rome qui condamna les Provinciales en 1657, une santé perdue, un esprit hanté par des terreurs, des doutes, des scrupules, et une passion toujours bouillonnante. Teilc

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était l'activité de son esprit, qu'il s'y trouva place un moment pour des préoccupations industrielles. L'auteur des Pensées fonda et dirigea la première entreprise de transport en commun qui fut essayée à Paris. Au fait, abréger et faciliter les voyages, c'est simplifier la vie, et créer une méthode.

Voilà une nomenclature des travaux de Pascal. Joignons-y une courte appréciation.

On peut distinguer deux hommes en lui, le philosophe et le géomètre. L'importance des œuvres philosophiques de Pascal est telle qu'on ne songe ordinairement qu'au penseur et à l'écrivain; son nom ne rappelle à la plupart des hommes que les Provinciales et les Pensées. Ce n'est pourtant là qu'une partie de sa gloire. Le même esprit qui a lancé contre les jésuites le plus éloquent et le plus vigoureux de tous les pamphlets, et qui a enfermé dans un petit nombre de sentences toute une profonde doctrine religieuse et philosophique, a marqué à jamais sa place dans l'histoire de la géométrie par des travaux de premier ordre. Pascal est peut-être notre plus grand écrivain; il est certainement un de nos penseurs les plus éminents, et l'un de nos plus ingénieux et de nos plus profonds mathématiciens. Cependant il est mort à trenteneuf ans.

Les œuvres mathématiques de Pascal sont intéressantes à plus d'un titre instructives par elles-mêmes, elles sont surtout un curieux spécimen des méthodes abstraites en usage dans la première partie du XVIIe siècle; on y voit dans tout son développement le génie mathématique aux prises avec les difficultés et les surmontant sans l'aide d'aucun artifice analytique.

Il ne semble pas que Pascal puisse être rangé parmi les inventeurs ou même parmi les précurseurs du calcul différentiel; tout au contraire on ne peut se garder au premier abord d'une sorte d'étonnement en voyant ce génie si subtil et si pénétrant se refuser aux progrès de la science, dédaigner d'en faire usage et de concourir à leur développement il n'employa jamais la géométrie de Descartes, quoiqu'il la connût bien; comme s'il n'eût pas apprécié la valeur de cette admirable conception, qui, de son vivant même, allait ouvrir carrière aux plus sublimes inventions analytiques. C'est qu'en effet Pascal, et c'est là certainement un des traits caractéristiques de ses travaux en mathėmatiques, dédaignait toute aide étrangère, toute méthode algébrique ; il recherchait le travail pour lui-même encore plus que pour ses résultats; d'ailleurs, comme on le voit par des lettres, écrites, il est vrai, sur la fin de sa vie, il ne croit pas à la science: « elle doit-être, dit-il, l'essai mais non l'emploi de nos forces; » il ne croit pas surtout à la

méthode mathématique; le fond de sa pensée c'est qu'elle est absolument incapable d'aucune application utile; et dès lors elle n'est pou lui qu'une sorte d'exercice violent de l'esprit, un moyen d'échapper pour quelques instants à des douleurs incessantes, à des préoccupations plus terribles encore. C'est là une circonstance particulière qui seule peut expliquer ce qu'il y a de décousu dans les travaux de Pascal, et le caractère absolument spéculatif qu'ils présentent.

Ces travaux renferment du reste des résultats d'une grande importance, résultats, il est vrai, devenus aujourd'hui presque vulgaires par leur célébrité même, mais dont la finesse et l'élégance ne gardent pas. moins tout leur intérêt, augmenté encore par le charme d'une exposition si nette, si précise et si simple, qu'elle est restée absolument intacte pour tous ceux des travaux de Pascal qui sont maintenant entrés dans l'enseignement élémentaire.

Pascal a successivement abordé trois parties de la science : la théorie des nombres et le calcul des probabilités, la géométrie infinitésimale, et la théorie des sections coniques; et sur chacun de ces points il a laissé des traces ineffaçables de son génie. C'est probablement par l'étude des sections coniques qu'il a débuté dans la science; mais il ne nous reste malheureusement de son grand Traité sur les coniques qu'une courte notice de Leibnitz et un fragment de quelques pages où se trouve le fameux théorème sur l'hexagone inscrit. Ce théorème consistant dans une propriété de six points quelconques pris sur une conique, on conçoit que, puisque cinq points suffisent à déterminer la courbe, il peut servir à la décrire, et la définit complétement. De là la possibilité de ce fait rapporté par le P. Mersenne: « qu'un seul théorème fournissait plus de quatre cents corollaires. » Toute propriété caractéristique peut ainsi remplacer l'équation de Descartes. Le traité, dans son ensemble, paraît avoir été fondé sur une méthode dont l'idée première appartenait à Desargues, la méthode perspective.

α

Les propriétés des nombres semblent avoir été l'étude favorite de Pascal, et les différents traités qu'il a laissés à ce sujet forment la majeure partie de ses œuvres. Rien n'est plus connu que le fameux triangle arithmétique, mais, ce qui l'est beaucoup moins, c'est que c'est dang Pascal qu'on trouve pour la première fois la théorie complète de la divisibilité; et même, quant au triangle arithmétique, maintenant que son emploi a été restreint à un fort petit nombre d'usages, on imaginerait difficilement toutes les différentes applications que lui avait trouvées son auteur. Non-seulement il l'avait appliqué à toutes les questions de combinaisons qui paraissent sa destination naturelle, mais il en fit usage dans la résolution de problèmes relatifs aux chances et fut ainsi un des

créateurs du calcul des probabilités; il en fit un usage qui n'a pas été assez remarque: il l'employa au développement d'une puissance quelconque d'un binôme, en sorte que, s'il eût consenti à employer l'algorithme algébrique, la fameuse formule du binôme devrait porter le nom de Pascal et non celui de Newton. Il en fit un usage encore plus curieux, sinon plus important, quand il l'appliqua à la géométrie infinitésimale, à la détermination des centres de gravité, aux quadratures, aux cubatures. On ne saurait trop admirer la finesse et la pénétration d'esprit qu'il a fallu pour résoudre par la seule force du raisonnement les problèmes qu'il avait abordés, problèmes qui tous reviennent à opérer des intégrations. Au reste, ce n'est pas la seule occasion dans laquelle Pascal ait appliqué à la géométrie les résultats fournis par la théorie des nombres dans un de ses traités, relatifs à la sommation des puissances semblables des termes d'une progression arithmétique, il termine en faisant remarquer que cette sommation conduit à trouver l'aire de toutes les courbes paraboliques, en appliquant aux quantités continues les résultats trouvés pour les nombres. Il formula ainsi réellement les premières règles d'intégration.

Pour résumer l'impression que fait éprouver la lecture des travaux mathématiques de Pascal, il nous semble que, si l'on ne peut trop admirer tout ce qu'il a fallu de pénétration et de puissance d'esprit pour les produire, l'on ne peut en même temps se défendre d'un profond regret en songeant à tout ce que ce puissant génie aurait produit encore s'il avait consenti à ne pas se dédaigner lui-même.

Les deux grands ouvrages philosophiques de Pascal présentent le même caractère. Ils donnent l'idée d'une force dont le développement est demeuré incomplet cela est vrai, même des Provinciales, quoiqu'elles forment un monument achevé, et qui sera à jamais le modèle du genre. On comprend, en les lisant, que cette éloquence, cette ironie sans égale, ces ressources infinies de dialectique, auraient pu foudroyer des adversaires plus puissants qu'Escobar, et on souffre de voir ce grand génie enfermé si souvent dans de vaines subtilités sur la grâce Quant aux Pensées, tout le monde sait qu'elles devaient entrer dans une vaste apologie de la religion chrétienne que Pascal préparait. Nous n'avons là que des pierres taillées à l'avance, éparses sans ordre dans le chantier; et nul ne peut présumer ce que serait devenu l'édifice élevé par un tel architecte. Un des traits caractéristiques de Pascal, c'est le mépris du convenu; c'est ce qui frappe à chaque pas chez lui, et ce qui lui fait trouver des vérités si frappantes, et les exprimer avec tant d'originalité et de force. Il est royaliste, comme tout le monde l'était de son temps; et pourtant, il sait à fond ce que c'est que la royauté, et il

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