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- lut,) est un homme qui par un acte continuel de méditations & d'actions pieuses a furmonté cette pente que la Nature nous donne pour le crime.

Quand je verrai un homme affecter de ne voir que des gens au dessus de lui, quand je le verrai donner son Portrait au public, & n'étant pas content de l'avoir fait graver par PICART, le faire encore graver à Paris, pour le publier ensuite à la tête de ses Ouvrages, je ne croirai point qu'il le fafle par humilité, fut-il auffi beau que ce Ministre, aussi laid qu'un autre, aussi savant qu'un autre. Si je vois de même un homme ignorant & hautain regarder les autres avec mépris, parce que fix bêtes le traînent dans un Char bien doré, ou parce que ses Peres, souvent des Coquins, ont pourtant été chargez de Titres & d'Emplois, je ne dois point croire que cet hommela ait beaucoup d'humanité, & qu'il foit digne de la moindre estime. Mais dans le moment que je quitte ces fortes de personnes, ou que je ne les vois plus, j'aurois tort de juger à leur desavantage de ce qu'ils font actuellement, quoi que j'aye lieu de juger de ce qu'ils ont été. Et quoi que ces personnes-là ayent quelque action noire, quelque trahifon fur leur leur compte, bien que je ne doive pas juger qu'ils font actuellement traîtres, & Icélérats, je dois pourtant être fur mes gardes, & n'agir pas avec eux comme avec un homme qui n'auroit rien à se reprocher. Voilà le moyen, ce me semble, d'accorder la Raison avec la Charité, d'être charitable sans être fot.

Je finis fur ce sujet. Les bornes de mon travail ne me permettent pas d'en dire davantage, & ceci d'ailleurs paroît suffifant pour faire voir qu'on auroit grand tort de juger mal de la conduite de COLIN & de CATOS.

CINQUIEME STROPHE.

F'entends l'Alouette qui chante
Au point du jour,

35. Amant, si vous eft' honěte
Retirez-vous.

Marchez tout doux, parlez tout

bas,

Mon doux AMI,

Car fi mon Papa vous entend

40. Morte je suis.

REMARQUES.

LXIII. Esr maintenant que je fens

Cle besoin que nous aurions d'un Manufcrit, pour décider de quelle maniére on doit lire ces quatre premiers Vers. La différente ponctuation dont ils font fufceptibles, & que la Tradition n'a pû nous conserver, y peut faire deux leçons si différentes, que l'une ne fera qu'une Prose toute pure, au lieu que P'autre feroit une Poësie admirable & fublime.

Si l'on 'met un point après le second Vers, c'est simplement CATOs qui parle. Mais si on ne le met qu'après le 4: c'est le Poëte. C'est lui qui par un enthousiasme digne du grand PINDARE fe transporte, pour ainsi dire, aux fenêtres de nos Amans, les voit, leur parle, & les avertit qu'il est jour. Comme cette derniére leçon me paroît la plus digne de ce CHEF-D'OEUVRE, je la suivrai ici. J'avoue pourtant que quelques Savans que j'ai consultez sur ce fujet, ont été de differens avis; mais je crus que ceux qui étoient de mon fentiment avoient plus de goût pour la Poëfie que les autres.

En effet, qu'on relife ces quatre Vers en se représentant que c'est le Poëte qui parle, & l'on verra combien la narration paroît alors vive & agissante. Le recit qu'il vient de faire est si naturel, fi beau, que c'est plûtôt peindre que parler. Ainsi l'idée du Poëte échauffée doit lui présenter si vivement ce qu'il raconte, qu'il lui semble après cela le voir de ses propres yeux, faire un tiers dans l'intrigue de nos deux Amans, & s'y intéresser jusques au point de veiller pour leur fureté. Préfuppofer qu'ils foient attentifs à toute autre chose qu'au bonheur = heur qu'ils goûtent; c'est affoiblir en - effet l'idée qu'on a de leur tendresse & de leurs plaisirs, au lieu que c'est la relever encore, que de faire voir qu'ils ont besoin de quelqu'un qui veille pour eux, & qui les avertisse du temps où ils doivent se séparer.

F'entends Alouette qui chante
Au point du jour,
Amant, si vous est bonéte
Retirez-vous.]

Le Poëte les avertit qu'il est jour, que l'Alouette chante, & qu'elle exhorte l'Amant à s'en aller; Quoi de plus beau? C'est engager toute la Nature dans les intérêts de nos Amans, les hommes, les oiseaux.

Si l'on m'objecte que je fais ici garder les manteaux à notre Poëte, que j'en fais un Mercure galant, & que c'est lui faire joüer un très-vilain personnage. Je - répons qu'une pareille objection n'a point lieu à l'égard d'un Poëte, parce que la seule volupté qui le touche, est le plaifir de faire de beaux Vers, tout le reste lui est indifférent, & ce plaifir l'éléve si haut, qu'il n'y a point de relation entre fon état & les autres conditions humaines,

L

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