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maines, par conféquent il n'y a rien de ce qui s'applique aux autres hommes qui puiffe ici lui convenir. Demandez à HORACE l'idée qu'il a du Poëte, il répondra dès fa premiére Ode à ME

CENAS.

Me doctarum edera pramia frontium
Di mifcent Superis: me gelidum nemus,
Nympharumque leves cum Satyris chori
Secernunt populo: fi neque tibias
EUTERPE cohibet: nec POLYHYMNI A.
Lesboum refugit tendere Barbiton :
Quod fi me Lyricis vatibus inferes,
Sublimi feriam fidera vertice.

Ce que

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le R. P. TARTERON traduit:

Pour moi, MECENAS, le Lierre dont on couronne les Têtes favantes, ,, me touche & me ravit t ce font les Mufes qui me donnent droit de me ,, placer parmi les Dieux. C'est en chantant la fraîcheur des Bocages, les danfes legéres des Nymphes & des Satyres, que je me diftingue du vul», gaire; pourvû qu'EUTERPE me donne une veine facile & abondante, & "" que POLY MNIE veuille bien accorder mon Luth, fi vous me jugez ,, digne d'être mis au rang des bons

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Poètes

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,, Poëtes Lyriques : je ne vois pas que rien puiffe m'empêcher de prétendre à l'immortalité". Ce que le R. P. Jefuite auroit pû traduire plus fidellement de cette maniére:

"

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Les Lierres, récompenfes des Fronts ,, favans, me mêlent avec les Dieux fu"prêmes, une Forêt extrêmement fraî

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che, les legers Chœurs des Nymphes ,, & des Satyres me féparent du Peuple. Si EUTERPE n'empêche point mes Flutes de jouer, fi POLYMNIE ne refuse d'accorder mon Inftrument pas ,, à corde qui a un fon plus fort * qu'u"ne Guitarre: Et fi vous me mettez au ,, nombre des Poëtes Lyriques, je fra ,, perai les Aftres avec le haut fommet de ma tête.

"

Sublimi feriam fydera vertice.

D'ailleurs, je fuis perfuadé que quand on ne voudroit pas croire que c'est le Poëte qui parle, mais que c'eft CATIN: Il faudroit cependant convenir qu'elle fait dire par l'Alouette ces deux Vers:

Amant,

*BARBYTON, Inftrument à Cordes qui a un fon plus fort qu'une Guitarre. C'est ainfi & non pas Luth que l'explique le R. P. TACHARD dans fon Dictionnaire Latin & François.

Amant, fi vous eft' honête
Retirez-vous.

Et dans ceci il y a toûjours une délicateffe charmante, puis que cette Belle malgré la crainte où elle eft que fon Pere ne la découvre, n'ofe dire comme d'elle-même qu'il faut que COLIN la quitte; mais elle fe fert d'un détour qui marque également la tendreffe de fon cœur, & l'enjouement de fon Esprit, elle le lui fait dire par un oifeau.

Cela fuffit pour juftifier la ponctua tion que j'ai fuivie. Paffons à une Remarque importante que j'aurois pû faire dès la feconde Strophe; mais que j'ai différée jufques à préfent, parce qu'il s'en trouve des exemples dans toutes les Strophes. Elle roulera fur ces tranfitions imprévûës par lesquelles le Poëte fait parler COLIN & CATOS, fans avertir que ce font ces Amans qui parlent.

A la porte de fa Belle
Trois fois frappa.

CATIN, CATOS, &C.

Toute nue en fa Chemise

La porte ouvra.

Marchez tout doux, parlez tout bas, &c.

Ces

Ces tranfitions, comme LONGIN l'a fort bien remarqué, Traité du Sublime, Chapitre XXIII. empêchent le discours de languir. Et ce qui fait beaucoup pour notre Poëte, c'eft que le véritable lieu où l'on doit ufer de cette figure, eft quand le tems preffe & que Poccafion qui fe préfente ne permet pas de dif. ferer.

Raportons ici les exemples qu'employe LONGIN. Je me fers de la Traduction de M. DESPREAUX.

Le premier de ces exemples eft pris de l'Iliade Liv.4. v. 85.

Mais HECTOR qui les voit épars fur le rivage, Leur commande à grands cris de quitter le pillage:

D'aller droit aux Vaiffeaux fur les Grecs fe jetter. Car quiconque mes yeux verront s'en écarter, Auffi-tôt dans fon fang je cours laver fa honte.

Le second eft pris d'HE CATE'E.

Ce Heraut ayant affez pefé la conféquence de toutes ces chofes, il commande aux Defcendans des HERACLIDES de feretirer. Je ne puis plus rien pour vous, nen plus que fi je n'étois plus au monde. Vous étes perdus, & vous me forcerez bien-tôt moi-même d'aller chercher une retraite chez quelqu'autre Peuple.

Le troifiéme exemple eft tiré de DEMOSTHENE dans fon Oraifon contre ARISTOGITON. Et le quatriéme eft tiré de l'ODYSSE'E liv, 4. v. 681. Je paffe fous filence ces deux derniers exemples, l'ufage que DEMOSTHENE & HOMERE y font de la Tranfition n'étant pas tout-à-fait conforme à celui dont il s'agit ici.

Mais je ne puis paffer les Tranfitions admirables qu'on trouve dans LA FONTAINE vers le milieu du Conte intitulé le Tableau.

TERESE en ce malheur perdit la tramontane, CLAUDE la débusqua, s'emparant du timon. TERESE pire qu'un démon

Tâche à la retirer, & fe remettre au trône; Mais celle-ci n'eft pas perfonne

A ceder un pofte fi doux.

Sœur CLAUDE, prenez garde à vous ;
TERESE en veut venir aux coups;

Elle a le poing levé. Qu'elle ait... C'eft bien répondre ;

Quiconque eft occupé comme vous ne sent rien, Je ne m'étonne pas que vous fachiez confondre Un petit mal dans un grand bien.

LXIV. F'entends. Ce verbe ne pourroit ici fe rendre par le Latin intelligo, mais bien par l'Anglois heard, car j'entends

dans

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