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PENSEES

DE

M. PASCAL

SUR LA

RELIGION,
Et fur quelques autres sujets.

EDITION NOUVELLE:

Augmentée

Debeaucoup de Pensées, de la Vie de
l'Autheur, & de quelques Differtations

Sur la copie imprimée,
A AMSTERDAM,

Chez HENRI WETSTEIN

Anno M. DCC.

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M

SA SOEUR.

On frere nâquit à Clermont le 19. Juin de l'année 1623. Mon pere s'appelloit Etienne Pascal, Président en la Cour des Aydes, & ma mere Antoinette Begon; dés que mon frere fut en âge qu'on luy pût parler, il donna des marques d'un esprit extraordinaire par les petites reparties qu'il faisoit fort à propos, mais encore plus par des queftions qu'il faisoit sur la nature des choses, qui surprenoient tout le monde. Ce commencement qui donnoit de belles efpérances ne se démentit jamais, car a mesure qu'il croiffoit, il augmentoit tou jours en force de raisonnement, en forte qu'il étoit toûjours beaucoup au deffus de son âge.

Cependant ma mere étant morte dés l'année 1626. que mon frere n'avoit que trois ans, mon pere se voyant seul, s'appliqua plus fortement au soin de fa famille, & comme il n'avoit point d'autre fils que celuy-là, cette qualité de fils unique, & les grandes marques d'esprit qu'il reconnut dans cet Enfant, luy donnérent une si grande affection pour luy, qu'il ne fe pût refoudre à commettre fon éducation à un autre, & se resolut déslors à l'instruire luy-méme, comme il a fait; mon frere n'ayant jamais entré dans aucun College & n'ayant eu jamais d'au tre maître que mon pere.

En l'an 1631, mon pere se retira à Paris, nous y mena tous, & y établit sa demeure. Mon frere qui n'avoit que huit ans, reçut un grand avantage de cetre retraite, dans ce dessein que mon pere avoit de l'élever; Car il est fans doute qu'il n'auroit pas pû en prendre le méme foin dans la Province, où l'exercice de fa charge, & les compagnies continuel les qui abordoien chez luv, l'u bient beaucoup detourné: mais il é oit à Paris dans une entiere liberté; il s'y appliqua tout entier, & il eut tous les livres que purent avoir les soins d'un pere auffi intelligent & auffi affectionné qu'on le puisse être.

Sa principale maxime dans cette éducation étoit de tenir toûjours cet enfant au dessus de son ouvrage, & ce fut par cette raison qu'il ne voulut point commencer à luy apprendre le Latin qu'il n'eût douze ans, afin qu'il le fist avec plus de facilité.

Pendant cet intervalle il ne le laissoit pas inutile, car il l'entretenoit de toutes les choses dont il le voyoit capable. II luy avoit fait voir en général ce que c'é toit que les langues; il luy montroit comme on les avoit réduites en grammaires sous de certaines regles; que ces regles avoient encore des exceptions qu'on avoit eu soin de remarquer; & qu'ainsi l'on avoit trouvé le moyen par là, de rendre toutes les langues communicables d'un païs en un autre.

Cette idée générale luy débroüilloit l'esprit, & luy faisoit voir la raison des regles de la grammaire, de forte que quand il vint à l'apprendre, il sçavoit pourquoy il le faifoit, & il s'appliquoit précisément aux choses à quoy il falloit le plus d'application

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