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VIE DE PASCAL. pendant qu'il les voyait, il composait, et allait avant, qu'il se trouvait régulièrement aux con rences qui se faisaient toutes les semaines, où to les habiles gens de Paris s'assemblaient pour porte leurs ouvrages, ou pour examiner ceux des autres Mon frère y tenait fort bien son rang, tant pou l'examen que pour la production; car il était d ceux qui y portaient le plus souvent des choses nouvelles. On voyait souvent aussi dans ces assemblées-là des propositions qui étaient envoyées d'Italie, d'Allemagne et d'autres pays étrangers, et l'on prenait son avis sur tout avec autant de soin que de pas un des autres; car il avait des lumières si vives, qu'il est arrivé quelquefois qu'il a découvert des fautes dont les autres ne s'étaient point aperçus. Cependant il n'employait à cette étude de géométrie que ses heures de récréation; car il apprenait le latin sur des règles que mon père lui avait faites exprès. Mais comme il trouvait dans cette science la vérité qu'il avait si ardemment recherchée, il en était si satisfait, qu'il y mettait son esprit tout entier; de sorte que, pour peu qu'il s'y appliquât, il y avançait tellement, qu'à l'âge de seize ans il fit un Traité des Coniques qui passa pour être un si grand effort

d'esprit, qu'on disait que depuis Archimède on n'avait rien vu de cette force. Les habiles gens étaient d'avis qu'on les imprimât dès lors, parce qu'ils disaient qu'encore que ce fût un ouvrage qui serait toujours admirable, néanmoins si on l'imprimait dans le temps que celui qui l'avait inventé n'avait encore que seize ans, cette circonstance ajouterait beaucoup à sa beauté; mais comme mon frère n'a jamais eu de passion pour la réputation, il ne fit pas cas de cela, et ainsi cet ouvrage n'a jamais été imprimé.

Durant tous ces temps-là il continuait toujours d'apprendre le latin et le grec; et outre cela, pen-dant et après le repas, mon père l'entretenait tantôt de la logique, tantôt de la physique et des autres parties de la philosophie; et c'est tout ce qu'il en a appris, n'ayant jamais été au collége ni eu d'autres maîtres pour cela non plus que pour le reste. Mon père prenait un plaisir tel qu'on le peut croire de ces grands progrès que mon frère faisait dans toutes les sciences, mais il ne s'aperçut pas que les grandes et continuelles applications dans un âge si tendre pouvaient beaucoup intéresser sa santé; et en effet elle commença d'être altérée dès qu'il eut atteint l'âge de dix-huit ans. Mais comme les incommodités qu'il ressentait alors n'étaient pas encore dans une grande force, elles ne l'empêchèrent pas de continuer toujours dans ses occupations ordinaires, de

imprimée en 1640. Ce n'est pas un traité, mais une espèce de pro gramme où Pascal énonce les diverses propositions qu'il se fait fort

de démontrer.

(Ilavet.)

3.

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sorte que ce fut en ce temps-là et à l'âge de dix-huit ans qu'il inventa cette machine d'arithmétique par laquelle on fait non-seulement toutes sortes de supputations sans plume et sans jetons; mais on les fait même sans savoir aucune règle d'arithmétique, et avec une sûreté infaillible.

Cet ouvrage a été considéré comme une chose nouvelle dans la nature d'avoir réduit en machine une science qui réside tout entière dans l'esprit, et d'avoir trouvé le moyen d'en faire toutes les opérations avec une entière certitude, sans avoir besoin de raisonnement. Ce travail le fatigua beaucoup, non pas pour la pensée ou pour le mouvement, qu'il trouva sans peine, mais pour faire comprendre aux ouvriers toutes ces choses. De sorte qu'il fut deux ans à le mettre dans cette perfection où il est à présent 1.

Mais cette fatigue et la délicatesse où se trouvait sa santé depuis quelques années le jetèrent dans des incommodités qui ne l'ont plus quitté; de sorte qu'il nous disait quelquefois que depuis l'âge de dix-huit ans il n'avait pas passé un jour sans douleur. Ces incommodités néanmoins n'étant pas toujours dans une égale violence, dès qu'il avait un peu de repos et de relâche, son esprit se portait incontinent à chercher quelque chose de nouveau.

1 Étonné de cette découverte, le célèbre Leibnitz voulut encore la perfectionner; mais, de nos jours, en Angleterre, un célèbre mécanicien nommé Babbage, suivant toujours la même idée, est parvenu à composer une machine mathématique qui résout les problèmes les plus compliqués, et calcule, comme un géomètre, le mouvement des astres et le retour des éclipses. Ainsi l'invention de Pascal a été le point de départ de cette invention prodigieuse. (Aimé-Martin.) Le Conservatoire des Arts et Métiers possède un modèle de la ma chine arithmétique, avec cette espèce de certificat: Esto probati instrumenti signaculum hoc, Blasius Pascal Arvernus, 1652.

(Havet.)

Ce fut dans ce temps-là et à l'âge de vingt-trois ans, qu'ayant vu l'expérience de Torricelli, il inventa ensuite et exécuta les autres expériences qu'on nomme ses expériences : celle du vide, qui prouvait si clairement que tous les effets qu'on avait attribués jusque-là à l'horreur du vide sont causés par la pesanteur de l'air1. Cette occupation fut la dernière où il appliqua son esprit pour les sciences humaines; et, quoiqu'il ait inventé la roulette après, cela ne contredit point à ce que je dis; car il la trouva sans y penser, et d'une manière qui fait bien voir qu'il n'y avait pas d'application, comme je dirai dans son lieu.

Immédiatement après cette expérience, et lorsqu'il n'avait pas encore vingt-quatre ans, la Providence ayant fait naître une occasion qui l'obligea de lire des écrits de piété, Dieu l'éclaira de telle sorte par cette lecture, qu'il comprit parfaitement que la religion chrétienne nous oblige à ne vivre que pour Dieu, et à n'avoir point d'autre objet que lui, et cette vérité lui parut si évidente, si nécessaire et si utile, qu'il termina toutes ses recherches, de sorte que dès ce temps-là il renonça à toutes les autres connaissances pour s'appliquer uniquement à l'unique chose que Jésus-Christ appelle nécessaire.

▲ Cette expérience fut faite au mois de septembre 1648, sur le Puy de Dôme, par M. Périer, d'après les instructions de Pascal.on en verra plus loin le détail dans l'extrait intitulé: Sur les travaux scientifiques de Pascal.

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