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d'hui de cette explication : mais quelle force n'a pas une erreur de vingt siècles, et comment se soustraire tout d'un coup à sa tyrannie? Cependant Galilée sentit quelque scrupule sur la raison qu'il s'était hâté de donner aux fontainiers car, pour l'honneur de la philosophie, il avait cru devoir leur faire promptement une réponse bonne ou mauvaise. II était alors avancé en âge, et ses longs travaux l'avaient épuisé; il chargea Torricelli, son disciple, d'approfondir la question, et de réparer, s'il en était besoin, le scandale qu'il craignait d'avoir causé aux philosophes, qui, comptant l'autorité pour rien, cherchent à puiser la vérité immédiatement au sein de la nature, comme lui-même l'avait enseigné par son exemple en plusieurs autres occasions.

Torricelli joignait à de profondes connaissances en géométrie, le génie de l'observation dans les matières de physique. II soupçonna que la pesanteur de l'eau était un des éléments d'où dépendait son élévation dans les pompes, et qu'un fluide plus pesant s'y tiendrait plus bas. Cette idée, qui nous paraît aujourd'hui si simple, et qui fut alors la véritable clef du problème, ne s'était encore présentée à personne : et pourquoi en effet ceux qui admettaient l'horreur de la nature pour le vide, auraient-ils pensé que le poids du fluide pût la borner ou détruire son action? Il ne s'agissait plus que d'interroger l'expérience. Torricelli remplit de mercure un tuyau de verre, de trois pieds de longueur, fermé exactement en bas, et ouvert en haut; il appliqua le doigt sur le bout supérieur, et renversant le tube, il plongea ce bout dans une cuvette pleine de mercure; alors il retira le doigt, et après quelques oscillations le mercure demeura suspendu dans le tube à la hauteur d'environ vingt-huit pouces audessus de la cuvette. Cette expérience est, comme on voit, celle que nous offre continuellement le barométre. Torricelli la varia de plusieurs manières; et dans tous les cas le mercure se soutint à une hauteur qui était environ la quatorzième partie de celle de l'eau dans les pompes. Or, sous le même volume, le mercure pèse à peu près quatorze fois plus que l'eau. D'où Torricelli inféra que l'eau dans les pompes, et le mercure dans le tube, devaient exercer des pressions

égales sur une même base; pressions qui devaient être nécessairement contre-balancées par une même force fixe et déterminée. Mais quelle est enfin cette force? Torricelli, instruit par Galilée que l'air est un fluide pesant, crut et publia en 1645, que la suspension de l'eau ou du mercure, quand rien ne pèse sur sa surface intérieure, est produite par la pression que la pesanteur de l'air exerce sur la surface du réservoir ou de la cuvette. Il mourut peu de temps après, sans emporter, ou du moins sans laisser la certitude absolue que son opinion était réellement le secret de la nature.

Aussi cette explication n'eut-elle d'abord qu'un succès médiocre parmi les savants. Le système de l'horreur du vide était trop accrédité, pour céder ainsi sans résistance la place à une vérité qui, après tout, ne se présentait pas encore avec ce degré d'évidence propre à frapper tous les yeux et à réunir tous les suffrages. On crut expliquer les expériences des pompes et du tube de Torricelli, en supposant qu'il s'évaporait de la colonne d'eau ou de mercure, une matière subtile, des esprits aériens, qui rétablissaient le plein dans la partie supérieure, et ne laissaient à l'horreur du vide que l'activité suffisante pour soutenir la colonne.

Pascal, qui dans ce temps-là était à Rouen, ayant appris du père Mersenne le détail des expériences dont je viens de parler, les répéta, en 1646, avec M. Petit, intendant des fortifications, et trouva de point en point les mêmes résultats qui avaient été mandés d'Italie, sans y remarquer d'ailleurs rien de nouveau. Il ne connaissait pas encore alors l'explication de Torricelli. En réfléchissant simplement sur les conséquences immédiates des faits, il vit que la maxime admise partout, que la nature ne souffre pas le vide, n'avait aucun fondement solide. Néanmoins, avant que de la proscrire entièrement, il crut devoir faire de nouvelles expériences plus en grand, plus concluantes que celles d'Italie. Il y employa des tuyaux de verre qui avaient jusqu'à cinquante pieds de hauteur, afin de présenter à l'eau un long espace à parcourir, de pouvoir incliner les tuyaux et de faire prendre au fluide plusieurs situations différentes. D'après ses propres observations, il conclut que la partie supérieure des tuyaux ne contient point un air pareil à celui qui les environne en dehors, ni aucune portion d'eau ou de mercure, et qu'elle est entièrement vide de toutes les matières que nous connaissons et qui tombent sous nos sens; que tous les corps ont de la répugnance à se séparer l'un de l'autre, mais que cette répugnance, ou, si l'on aime mieux l'expression ordinaire, l'horreur de la nature pour le vide, n'est pas plus forte pour un grand vide que pour un petit; qu'elle a une mesure bornée et équivalente au poids d'une colonne d'eau d'environ trente-deux pieds de hauteur; que, passé cette limite, on formera au-dessus de l'eau un vide grand ou petit avec la même facilité, pourvu qu'aucun obstacle étranger ne s'y oppose, etc. On trouve ces premières expériences et ces premières vues de Pascal sur le sujet en question, dans un petit livre qu'il publia en 1647, sous ce titre: Expériences nouvelles touchant le vide, etc.

Cet ouvrage fut vivement attaqué par plusieurs auteurs, entre autres par le père Noël, jésuite, recteur du collége de Paris. Toute la mauvaise physique du temps s'arma pour expliquer des expériences qui la gênaient, et qu'elle ne pouvait nier. Pascal détruisit facilement les objections du père Noël; mais quoiqu'il approuvât déjà l'explication de Torricelli, dont il eut connaissance peu de temps après avoir publié son livre, il voyait avec peine que toutes les expériences qu'on avait faites, même les siennes, pouvaient encore prêter le flanc à la chicane scolastique, et qu'aucune d'elles ne ruinait directement le système de l'horreur du vide. Il fit donc de nouveaux efforts, et enfin il conçut l'idée d'une expérience qui devait décider la question, sans équivoque, sans restriction, et d'une manière absolument irrévocable; il y fut conduit par ce raisonnement :

Si la pesanteur de l'air est la cause qui soutient le mercure dans le tube de Torricelli, le mercure doit s'élever plus ou moins, selon que la colonne d'air qui presse la surface de la cuvette est plus ou moins haute, c'est-à-dire plus ou moins pesante: si au contraire, la pesanteur de l'air ne fait ici aucune fonction, la hauteur de la colonne de mercure doit toujours être la même, quelle que soit la hauteur

de la colonne d'air. Pascal était persuadé, contre le sentiment des savants de ce temps-là, qu'on trouverait des différences dans les hauteurs de la colonne de mercure, en plaçant successivement le tube à des hauteurs inégales par rapport à un même niveau. Mais pour que ces différences fussent sensibles et ne laissassent aucun prétexte d'en nier la réalité, il fallait pouvoir examiner l'état de la colonne dans des endroits élevés les uns au-dessus des autres d'une quantité considérable. La montagne du Puy-de-Dôme, voisine de Clermont, et haute d'environ cinq cents toises, en offrait le moyen. Pascal communiqua, le 15 novembre 1647, le projet de cette expérience à M. Périer, son beau-frère, qui était alors à Moulins; et il le chargea en même temps de la faire, aussitôt qu'il serait arrivé à Clermont, où il devait se rendre incessamment. Quelques circonstances la retardèrent; mais enfin elle fut exécutée le 19 septembre 1648, avec toute l'exactitude possible; et les phénomènes que Pascal avait annoncés eurent lieu de point en point. A mesure qu'on s'élevait sur le coteau du Puy-de-Dôme, le mercure baissait dans le tube. Du pied au sommet de la montagne, la différence de niveau fut de trois pouces une ligne et demie. On vérifia encore ces observations, en retournant à l'endroit d'où l'on était parti. Lorsque Pascal eut reçu le détail de ces faits intéressants, et qu'il eut remarqué qu'une différence de vingt toises d'élévation dans le terrain produisait environ deux lignes de différence d'élévation dans la colonne de mercure, il fit la même expérience à Paris, au bas et au haut de la tour de Saint-Jacques la Boucherie, qui est élevée d'environ vingt-quatre à vingt-cinq toises; il la fit encore dans une maison particulière, haute d'environ dix toises: partout il trouva des résultats qui se rapportaient exactement à ceux de M. Périer. Alors il ne resta plus aucun prétexte d'attribuer la suspension du mercure dans le tube à l'horreur du vide; car il aurait été absurde de dire que la nature abhorre plus le vide dans les endroits bas que dans les endroits élevés. Aussi tous ceux qui cherchaient la vérité de bonne foi, reconnurent l'effet du poids de l'air, et applaudirent au moyen neuf et décisif que Pascal avait imaginé pour rendre cet effet palpable. On voit, dans l'histoire de cette recherche, un exemple insigne du progrès lent et successif des connaissances humaines. Galilée prouve la pesanteur de l'air: Torricelli conjecture qu'elle produit la suspension de l'eau dans les pompes, ou du mercure dans le tube; et Pascal convertit la conjecture en démonstration.

...Les recherches de Pascal sur la pesanteur de l'air, le conduisirent insensiblement à l'examen des lois générales auxquelles l'équilibre des liqueurs est assujetti. Archimède avait déterminé la perte de poids que font les corps solides plongés dans un fluide, et la position que ces corps doivent prendre relativement à leur masse et à leur figure; Stévin, mathématicien flamand, avait remarqué que la pression d'un fluide sur sa base est comme le produit de cette base par la hauteur du fluide; enfin on savait que les liqueurs pressent en tous sens les parois des vases où elles sont contenues: mais il restait encore à connaître exactement la mesure de cette pression, pour en déduire les conditions générales de l'équilibre des liqueurs.

Pascal établit pour fondement de la théorie dont il s'agit, que si l'on fait à un vase plein de liqueur et fermé de tous côtés, deux ouvertures différentes, et qu'on y applique deux pistons poussés par des forces proportionnelles à ces ouvertures, la liqueur demeurera en équilibre. Il prouve ce théorème de deux manières non moins ingénieuses que convain cantes. Dans la première démonstration, il observe que pression d'un piston se communique à toute la liqueur, de manière qu'il ne pourrait s'enfoncer sans que l'autre piston se soulevât. Or, le volume du fluide demeurant le même, on voit que les espaces parcourus par les deux pistons seraient réciproquement proportionnels à leurs bases, ou aux forces qui les poussent: d'où il résulte, par les lois connues de la mécanique, que les deux pistons se contre-balancent mutuellement. La seconde démonstration est appuyée sur ce principe évident par lui-même, que jamais un corps ne peut se mouvoir par son poids, sans que son centre de gravité descende Ce principe posé, l'auteur fait voir facilement que

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