Sur le voyage de M. l'évêque de SaintLouis (Etats-Unis) et de M. l'évéque de Nancy. Mgr Rosati, évêque de SaintLouis, pressé par les besoins de son diocèse, qu'il sentoit toujours plus vivement à mesure des accroissemens rapides qu'y prenoit la religion, avoit, il y a quelques années, de mandé à Sa Sainteté et obtenu un co adjuteur: mais l'humilité invincible .... 10 ..... ..... 3 50 in partibus, et coadjuteur de l'évêque de Saint-Louis avec future succession. Un ordre exprès de Sa Sainteté, in virtute sanctæ obedientia, a prévenu la résistance qu'on craignoit de son humilité. Nous avons parlé du témoignage de confiance donné par le Chef de l'Eglise à M. l'évêque de SaintLouis, qu'il a chargé d'une mission importante à Haïti, de l'envoi par ce prélat de plusieurs ecclésiastiques napolitains aux Etats-Unis, et enfin de son départ de Paris pour l'Angleterre. Embarqué à Liverpool, au mois de novembre dernier, il est arrivé en douze jours à Halifax, dans la Nouvelle-Ecosse. L'église est assez belle, et le gouvernement anglais donne trois cents livres sterlings par an au clergé catholique pour l'entretien du collége. Il y a, dans la Nouvelle-Ecosse, plus de 80,000 catholiques, qui n'ont que 22 prètres, gouvernés par un vicaire apostolique. De Halifax, Mgr Rosati se rendit en deux jours à Boston, et il put y apprécier tout le bien que Mgr Fenwick a fait et ne cesse de faire dans ce diocèse, où il bâtit actuellement douze églises. Ce prélat demanda à M. l'évêque de Saint-Louis de lui laisser, pendant quelques semaines, M. l'abbé Lutz, qui Farcompagnoit, afin d'entendre les confessions de cinq ou six cents allemands qui se trouvent à Boston et qui n'ont pas de prètre versé dans leur langue. 10 A New-York, où Mgr Rosati passa trois jours avec Mgr Du Bois et Mgr Hughes son coadjuteur, il apprit que Mgr Lefevere, administrateur du Détroit, étoit arrivé, qu'il avoit reçu les lettres de sa nomination, et qu'il avoit été sacré, le dimanche 21 novembre, à Philadel et Burke. Ce séminaire a 35 élèves, et l'administrateur en est très-satisfait. Mgr Rosati eut le bonheur de trouver à Philadelphie son coadjuteur, qu'il n'avoit personnellement connu qu'en passant. Tout le bien qu'il en avoit entendu dire en maintes occasions lui en avoit fait con phie, par Mgr François-Patrice Ken-cevoir une idée très-favorable et rick. Il vit, dans la même ville, Mgr de Forbin-Janson, évêque de Nancy, qui venoit d'y arriver du Canada, où il a opéré un bien immense par ses missions, faisant revivre la foi et la piété au milieu des populations catholiques de ce pays. La religion fait, dans le diocèse de NewYork, les mêmes progrès que partout ailleurs dans les Etats-Unis. Le couvent du Sacré-Cœur, dont l'établissement à New-York ne date que de quelques mois, compte déjà un bon nombre d'élèves. Il y en a 40 au collége, que Mgr Hughes a établi seulement depuis son retour d'Europe, et le séminaire en compte 26. La cathédrale vient d'être alongée considérablement: elle gagne à cette construction nouvelle un sanctuaire spacieux pour les cérémonies, et une grande chapelle souterraine. De New - York, M. l'évêque de lui avoit inspiré une très-grande estime pour M. Pierre - Richard Kenrick. Mais, en le voyant de près, en conversant avec lui, Mgr Rosati sentit cette estime s'auginenter à mesure qu'il connoissoit mieux celui qui en étoit l'objet, et il remercia Dieu de le lui avoir donné. M. Pierre-Richard Kenrick s'étoit soumis à la volonté divine, si clairement manifestée par l'organe du Vicaire de Jésus-Christ. Aussi, Mgr Rosati le sacra, dans l'église de SainteMarie à Philadelphie, le 30 novembre, fête du glorieux apôtre saint André. Les prélats assistans étoient le vénérable frère de l'évêque sacré, Mgr François-Patrice Kenrick, évêqued'Arath, coadjuteur et administrat trateur de Philadelphie; 2. Mgr Lefevere, évêque de Zela, coadjuteur et administrateur du Détroit. Etoient, en outre, présens, Mgr England, évêque de Charles Town, qui prêcha, et Mgr de Forbin-Janson, évêque de Nancy. Il se trouvoit encore au sacre 30 prêtres et 25 jeunes ecclésiastiques. L'église étoit remplie: tous, catholiques et protestans, se Saint-Louis se rendit le 23 novem- un montroient ravis de cette cérémo nie, qui étoit vraiment imposante. Rien de plus touchant que la Lettre pastorale de M. l'évêque de Saintsujet du sacre de son «Nous avons eu à cette occasion, dit-il, la satisfaction de recevoir les félicita tions de tout le public pour l'acquisition inappréciable que notre diocèse. aussi bien que nous. a faite d'un prélat de si grand mérite. Notre cœur est inondé de de joie à l'occasion d'un événement si heureux, que nous considérons comme la faveur la plus signalée que Dieu, dans sa miséricorde, ait accordée à notre diocèse et à vous tous, N. T. C. F. Nous devons donc vous en féliciter, comme nous le faisons du fond de notre cœur. Oui, nous vous en félicitons, N. G. F., et nos collaborateurs dans la portion de la vigne du Seigneur confiée à vos soins; nous vous félicitons de la nouvelle ardeur que votre zèle, dans l'exercice des fonctions pénibles de votre ministère, recevra de ses exemples et de ses lumières... • Pendant que nous donnons ainsi un libre cours aux sentimens de notre cœur, nous regrettons de ne pas avoir le bonheur de vous le présenter. Avec quel plaisir n'eussions-nous pas traversé avec lui les montagnes, parcouru les pays qui nous séparent! avec quel plaisir ne l'eussions-nous pas accompagné dans le long et pénible voyage qu'il entreprend, malgré les rigueurs de la saison, pour se rendre immédiatement auprès de vous! Dieu a demandé de nous un sacrifice, et nous le lui faisons volontiers. Conformé. ment aux ordres de son représentant sur la terre, le Chef de l'Eglise, nous devons nous diriger vers le Sud, chargé d'une mission importante à Haïti. Aussitôt que nous aurons pris les arrangemens nécéssaires, nous ferons voile, avec l'aide de Dieu, vers celte île. Il ne nous est pas possible maintenant de calculer combien de temps il nous faudra pour nous acquitter de la mission qui nous a été donnée par le Saint-Père. Nous nous recommandons pour cela à vos prières, afin que Celui sans lequel nous ne saurions rien faire, daigne favoriser et bénir notre mission, qui n'a d'autre objet que sa gloire, et le salut éternel des ames rachetées par le précieux sang de Jésus-Christ, et nous accorder la grâce de retourner bientôt parmi vous, • Ce qui nous console, est la pensée que, pendant notre absence, vous ne serez privés d'aucun de ces secours spirituels que les fidèles ont droit d'attendre de leurs pasteurs et de leurs évêques. Notre vénérable Frère et zélé coadjuteur, revêtu du caractère épiscopal et de tous ses pouvoirs, muni de toutes nos facultés et de toute notre juridiction, sera avec vous, et nous remplacera avec avantage. Recevez-le donc, non-seulement comme notre représentant pendant notre absence, mais aussi comme notre inséparable coopérateur dans l'exercice de nos fonctions pastorales pendant le reste de notre vie, et comme celui qui, après avoir constamment été notre collaborateur pendant le reste de notre pélerinage, et après avoir reçu notre dernier soupir à notre mort, doit continuer d'être votre Père pendant une longue succession d'années, et réparer par son zèle les fautes de notre administration. . Le diocèse de Saint-Louis, auquel Mgr Rosati adressoit cette Pastorale, est dans l'état le plus consolant. Le bien s'y fait partout, et toujours de plus en plus. La cathédrale, dont le toit avoit souffert considérablement, a été parfaitement réparée, et ces travaux ont coûté près de 25,000 fr., que les secours de l'Oeuvre de la Propagation de la Foi ont permis d'acquitter. Le 8 décembre, le coadjuteur de Saint-Louis et l'administrateur du Détroit sont partis de Philadelphie pour Pittsburg, où ils devoient passer le dimanche suivant, afin d'y donner la confirmation dans deux églises différentes, le premier aux Allemands, le second aux Américains. De là, ils devoient continuer leur voyage, l'un pour Saint-Louis, l'autre pour le Détroit. Mgr England, après avoir prêché des sermons de controverse pendant quinze jours à Philadelphie, et quelques jours à Baltimore, est parti pour | York, pour Albany et Troy, villes qui ne Charles-Town. Mgr de Forbin-Janson est revenu en France. A la date du 12 décembre, Mgr Rosati écrivoit de Georges-Town qu'il attendoit un vaisseau qui le conduisît à Haïti, et qu'il utilisoit ses loisirs en préparant l'édition d'un Abrégé du Rituel romain à l'usage de tous les diocèses des Etats-Unis; travail dont il a été chargé par le dernier concile provincial, et que le Saint-Siége l'a autorisé à entreprendre. Il a aussi concouru à préparer une édition des quatre conciles provinciaux, d'après celle qu'a donnée à Rome la Propagande, qui a d'ailleurs fait insérer tous les décrets de ces con ciles dans le Bullaire particulier, où se trouve recueilli tout ce qui regarde les missions de la S. C. de propaganda fide. Le 15 décembre a eu lieu le départ de MM. Barron, vicaire-général de Philadelphie, et Kelly, prêtre du diocèse de New-York, pour la mission de Libéria sur la côte d'A. frique. Ces dignes ecclésiastiques se sont offerts généreusement à leurs évêques, sur l'invitation que les prélats avoient adressée à leur clergé, d'après le désir de la congrégation de la Propagande, et ils vont fonder cette pénible mission. An moment même où des rensei gnemens si précieux nous parvenoient sur le voyage de M. l'évêque de Saint-Louis, on vouloit bien nous en transmettre de nouveaux sur celui de M. l'évêque de Nancy. Ils émanent d'un ecclésiastique qui a eu le bonheur d'accompagner le *zélé prélat. «Après les retraites de New-York et • de Baltimore, nous écrit M. Labbé, Mgr de Forbin Janson partit, le 5 juin, de New sont séparées que par une distance de deux lieues: il fit faire la première communion à 100 enfans, confirma 200 per-sonnes, et donna la communion à 500 Canadiens; et, par suite de ces deux retraites, un grand nombre de mariages furent réhabilités. En passant à Whitehall, Mgr de Forbin-Janson détermina un Canadien à bâtir une église, et le généreux prélat souscrivit pour 500 fr. Il arriva en Canada le jour de la Fête-Dieu. A une heure, il prêcha à Saint-Athanase : l'église étant trop-petite, il parla en plein air. Le même soir, à quatre heures, il ouvrit la retraite de l'Acadie, qu'il présida lui-même pendant trois jours, après lesquels il me. laissa, pour aller, à quatre lieues de là, ouvrir la retraite de Cham bly. Le prélat alloit et venoit de Chambly à l'Acadie, et, en son absence, M. Léonard, prêtre de Saint-Sulpice, le remplaçoit à Chambly. La retraite de cette dernière localité n'étoit pas encore terminée, lorsque le pontife m'envoya, à quinze lieues, ouvrir à Sorel une retraite que je dirigeai pendant quatre jours; et, deux jours après son arrivée, je partis pour la rivière du Loup, où je recommençai ce que je venois de faire à Sorel. La durée de chaque retraite étoit de dix à douze jours; il y avoit par jour deux instructions et deux sermons; l'église ne cessoit pas d'être remplie, pendant tout le temps, de fidèles avides de la parole de Dieu; l'auditoire n'étoit jamais moindre de 3,000 personnes; il en renfermoit souvent 8 à 10.000, et dans ce cas on prê choit en plein air; jour et nuit, 15 à 20 prêtres entendoient les confessions, et l'on comptoit ordinairement dans chaque mission 5 à 7,000 communions. L'arrivée du prélat étoit toujours brillante: des branches d'arbres étoient plantées de distance en distance sur les chemins, et 200 ou 300 cavaliers formoient la garde d'honneur du vénérable pontife. Nous avons vu le territoire de paroisses entiè res, telles que Masquilongé, traversé, deux lieues durant, par une double haie de branches d'arbres qu'entrecoupoient | femme aveugle depuis seize ans guérie, plusieurs arcs de triomphe sur lesquels on lisoit: Vive M. l'évêque de Nancy, et Triomphe de la religion. Jamais je n'ai vu an enthousiasme semblable à celui qui régnoit dans toutes ces missions. Quelquefois les sanglots du peuple couvroient la voix du prédicateur. D'autres fois, les cris: A Jésus-Christ pour tonjours, et Vive Jésus, retentissoient, ou sous la voute des temples, ou sous celle des cieux. Dans chaque mission, on plantoit une croix. qui toujours étoit portée par 5 à 600 hommes. M. l'évêque de Nancy a ainsi évangélisé, pendant un an, les villes de Québec, Montréal, les Trois-Rivières; les paroisses de Saint-Laurent, Sainte-Scholastique, Terrebonne, l'Acadie, Chambly, Sorel, Vaudreuil, Saint-Polycarpe, Rigault, Saint-André, Saint-Damase, Sainte-Marie du Manoir, Saint-Jean Châteaugay, dans le diocèse de Montréal; dans celui de Québec, la Rivière du Loup, Sainte-Marie de la Baume, et les paroisses de Saint-Joseph, Saint-François, Saint-George, Saint-Gervais, SaintAnselme, Sainte-Claire. Le prélat me faisoit prêcher l'après-midi, tandis qu'il alloit lui-même prêcher dans une paroisse voisine. On est vraiment surpris qu'il ait pu résister à tant de fatigues, et moi même j'attribue à la vertu du saint pontife la santé dont j'ai joui pendant ces pénibles travaux ; car, outre la prédication, il me falloit souvent confesser jusqu'à dix et onze heures du soir. Ajoutez aux fatigues du nouvel apôtre le temps que lui prenoient les malades: tous les jours, plus de 50, quelquefois plus de 100, venoient lui demander | Saint-Vincent-de-Paul de New-York, pour et un enfant protestant également guéri. J'ai vu une sauvagesse, malade d'une maladie incurable. guérie aussi, et les sauvages saire plusieurs lieues pour venir remercier le prélat. M. Durocher, curé de Saint-Athanase, m'a dit qu'une fille avoit été guérie de cécité; à l'Acadie, plusieurs personnes se sont trouvées mieux; un enfant de cinq ans a reçu assez de force pour marcher, ce qu'il n'avoit jamais fait. Je ne finirois pas, si je racontois tout ce qu'il y a eu de surprenant dans ces missions. Que nos bons et généreux compatriotes sachent seulement qu'il y a eu plus de cent mille communions dans ces deux diocèses, car il venoit des personnes des paroisses voisines; dans le diocèse de Kingston, dix mille; dans les districts d'Halifax et de l'lle du PrinceEdouard, que le vertueux prélat a aussi visités, trois mille; dans les Etats-Unis, plus de vingt-cing mille. Et moi seul j'ai fait faire cette année trois cent dix-sept premières communions dans les diocèses de New-York et de Boston. Il y a eu plus de cent abjurations, cinquante-six maria. ges réhabilités, des églises bâties, et d'antres vont se bâtir. Je ne dois pas oublier la croix du Canada, qui est la plus belte du monde: placée sur une montagne qui a 1100 pieds de haut, elle en a ellemême go. Voilà ce qu'a pu un seul homme, soutenu de la grâce de Dien. Quelle honte pour ceux de nos compa triotes qui ne savent pas profiter de tant de zèle et de tant de dévoûment! M. l'é vêque de Nancy part pour la France, sans avoir pu bénir la nouvelle église de sa bénédiction, et se recommander à ses prières. Il disoit chaque matin la messe pour ses chers malades, et me faisoit réciter en chaire cinq Pater et cinq Ave pour ceux qui l'avoient sollicité de prier en leur faveur, trouvant ainsi le moyen de faire honneur à la piété des fidèles des guérisons extraordinaires qui avoient lieu. En effet, quoi qu'en disent nos philosophes, j'ai vu à Sorel une laquelle il a fait des sacrifices immenses. Elle sera terminée au mois de mars, et sera la plus belle de la ville de New-York. >> Je suis, Monsieur, etc. »G. LABBÉ, prêtre missionnaire. >> New-York, le 29 novembre 1841. A peine arrivé à Paris, Mgr de Forbin-Janson quitte la France, pour aller à Rome, rendre compte |