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notables.

ressemblait à ces négociants qui déploient un luxe éblouissant à la veille d'une banqueroute; il semblait qu'il voulût enivrer la nation par une prospérité fictive, afin de maîtriser les esprits quand viendrait l'heure des propositions hardies à l'aide desAssemblée des quelles il croyait remettre les finances à flot. Il jette le roi dans une révolution qui devait changer la face de l'administration du royaume, en l'amenant à convoquer l'assemblée des notables, comme on appelait la réunion des personnes les plus éminentes dans les diverses conditions, à qui l'on notifiait les mesures imaginées pour le bien public. Cette assemblée différait des états généraux en ce que les membres étaient désignés par le roi; d'autre part, quoique représentant les trois ordres, elle n'avait pas le droit d'accorder, mais celui de conseiller simplement. Les représentants du tiers état, d'ailleurs en très-petit nombre, étaient tous nobles; peuvait-on les croire disposés à restreindre les priviléges de leur classe? Les notables avaient été convoqués par Henri IV, puis par Richelieu; mais ce n'étaient plus les temps du premier, et Calonne ne valait pas le second.

A la séance d'ouverture de l'assemblée, qui eut lieu à Versailles (22 février 1787), le ministre prononça ces paroles au nom de la couronne : « On a dit jusqu'à présent : Si veut le roi, si veut la loi; on dit aujourd'hui: Si veut le bien public, si veut le roi. » Cette assemblée pouvait beaucoup en secondant les réformes que Louis XVI acceptait, et en coupant court aux désordres financiers; mais elle nuisit au contraire en donnant la conviction que les classes privilégiées avaient en haine l'égalité. Au scandale général, la dette se trouva énorme, et le compte rendu parut mensonger; le roi avait donc été trompé ou par Necker ou par Calonne. Ce ministre, obligé de restreindre ses plans, ne proposa que la taxe du papier timbré et une subvention territoriale, impôt direct substitué à d'autres, qui devait être payé en nature et sans privilége ni exemption.

Ces mesures soulevèrent une opposition acharnée que leur suscita un personnage puissant.

La maison d'Orléans grandissait en face de la couronne, et le Palais-Royal, autour duquel se pressait la classe bourgeoise, portait ombrage au château de Versailles. C'était la bourgeoisie qui avait soutenu le régent, et maintenant elle favorisait LouisPhilippe-Joseph, son arrière-petit-fils, qui avait rapporté d'Angleterre quelques idées politiques et encore plus de vices; il était irrité contre la cour et plus particulièrement contre Marie-Antoinette. Comme son aïeul, ce prince se lança dans les spéculations, chan

geant en bazar le jardin de son palais, qu'il fit entourer de galeries avec des boutiques, afin d'avoir, disait-on, tous les vices pour locataires.

Bravant les railleries des Parisiens, il s'en dédommageait par le critique de tous les actes de la reine, qu'il rendait odieuse, comme il rendait le roi ridicule. Dans l'opposition qu'il faisait au gouvernement, c'étaient de nouveaux plaisirs qu'il cherchait; car il aimait la politique comme un amusement, et il ne l'aurait pas affrontée comme un péril. Il s'attirait de la sorte cette popularité qui devait le conduire à l'échafaud, et valoir plus tard le trône à son fils.

L'Angleterre, dont il avait pris les usages, exploitait son mauvais vouloir comme un principe de trouble pour la France, lui laissant peut-être entrevoir un diadème au fond de tant de changements si mal calculés ; ses partisans affichaient de vive voix et par écrit un ardent patriotisme et la désapprobation constante des actes de la royauté. Il se fit élire grand maître des francs-maçons, afin de se procurer un nouveau moyen d'influence.

Il était appuyé par La Fayette, qui avait rapporté d'Amérique la réputation de héros libéral, tout en conservant les airs et les manières aristocratiques. Américain à Versailles, il proclamait, lui marquis, les droits de l'homme, et conservait au milieu des intrigues de la corruption cette candeur qu'on n'a qu'une fois. Le peuple, qui voyait en lui le représentant de la liberté et des idées nouvelles, prit parti dans les débats de l'assemblée des notables, sifflant les membres favorables au cabinet, applaudissant les opposants. Contraint de se prononcer entre l'assemblée et le ministre, le roi congédia ce dernier. Les séances continuèrent sans amener rien d'important, et se terminèrent à l'amiable, c'està-dire sans résultat; mais le peuple avait pris goût à ces discussions, et n'en désirait que plus une représentation véritable.

L'archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, que le roi haïssait parce qu'il passait pour athée, fut par l'influence de la reine appelé à présider le conseil des finances. Au lieu de porter au parlement toutes les décisions des notables pour les faire enregistrer à la fois, il les présenta l'une après l'autre. Le parlement se déclara incompétent pour engistrer de nouveaux impôts, et prétendit qu'il était nécessaire d'en référer aux états généraux. Puis, lorsqu'on recourut au lit de justice (1), il déclara nul tout

(1) Louis XVI l'ouvrit par ces paroles: Messieurs, il n'appartient point à mon parlement de douter de mon pouvoir ni de celui que je lui ai confié.

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ce qui avait été fait dans l'assemblée. Louis XVI exila le parlement à Troyes; excité sous main par le duc d'Orléans, soutenu par l'opinion publique et la nombreuse jeunesse de la basoche et du barreau, ce corps accusa le roi de despotisme, examina les droits de la couronne, sema parmi le peuple des idées de résistance; et le peuple l'applaudit comme son égide contre le despotisme, comme un pouvoir réformateur, tandis que ce corps s'opposait à toute réforme. Au bout de deux mois, on en vint à une capitulation honteuse pour les deux partis; car le roi renonça à demander l'impôt, et le parlement prolongea la perception du vingtième.

L'archevêque de Toulouse aurait pu détourner l'attention et occuper ailleurs l'ardeur des esprits en favorisant les patriotes hollandais; cette mesure, outre qu'elle était conforme nonseulement aux idées qu'il avait comme chef de l'opposition, mais encore à celles du peuple et des gens éclairés, pouvait restituer à la France l'influence politique qu'elle avait perdue. Il aurait été appuyé par l'Espagne, l'Autriche et la Russie, qui avaient agité la question d'une quadruple alliance, alors si nécessaire pour fortifier la France.

Il n'osa recourir à ce remède héroïque, et la mauvaise réussite des affaires de Hollande fit perdre à la France la considération que lui avaient value, au commencement du règne de Louis XVI, ses succès militaires et diplomatiques. L'orgueil national fut en outre blessé des cris de joie qu'en poussèrent ses ennemis. On avait bien triomphé de l'Angleterre dans la guerre d'Amérique; mais on n'en faisait guère un mérite au cabinet, car on savait qu'il avait été poussé malgré lui à jouer le rôle de libérateur.

Tous voyaient que la France courait à sa perte par les fautes continuelles et progressives du ministre incapable, par les intrigues de la cour, par les faiblesses du roi. Louis XVI annonça en séance royale l'intention de convoquer les états généraux, et présenta à l'enregistrement deux édits, dont l'un créait un emprunt de 429 millions à réaliser en quatre années, et dont l'autre rendait les droits civils aux protestants (1), malgré l'opposition des notables. Le parlement les enregistra; mais il se rétracta ensuite quand le duc d'Orléans eut protesté. Le roi exila le prince, que la persécution rendit plus populaire, et que l'on considéra comme << une illustre victime du pouvoir arbitraire; » mais, habitué aux plaisirs et incapable de soutenir un rôle, il négocia son rappel,

(1) Sauf l'admission aux charges judiciaires et l'enseignement public.

qu'il obtint, et fit au roi de basses protestations. Reçu à la cour, il fut accueilli par des insultes, au point qu'on cracha sur lui, insultes non commandées par le roi, mais qui restèrent impunies; pour se venger, il se réfugia dans les bas-fonds de la démocratie, 'qu'il suivit aveuglément jusqu'à l'échafaud du roi, jusqu'au jour même où sa tête tomba sous la hache du bourreau.

Ce Louis, qui n'avait pas su profiter du coup d'État de son prédécesseur, s'apprêta à en frapper un nouveau. Ce coup d'État consistait à réduire les membres du parlement à soixante-seize, distribués en six bailliages qui seraient devenus cours d'appel, et à créer une cour plénière composée de l'élite du pays, à laquelle auraient été portés pour l'enregistrement les actes de l'autorité royale. L'ordonnance n'était pas encore promulguée que déjà on en publiait une copie. On vit alors pleuvoir les protestations; le roi fit arrêter en plein parlement les divulgateurs de la mesure, et ordonna en lit de justice l'enregistrement des édits.

Il décréta ainsi le despotisme, mais sans s'être assuré des moyens de le soutenir. La noblesse se mit du côté de la résistance. Le parlement opposa à l'arbitraire royal une déclaration des formes constitutives de la monarchie : «La France est une monarchie gouvernée par le roi, conformément aux lois; elles établissent: 1o le droit au trône de la maison régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture; 2o le droit de la nation de consentir librement les subsides par l'organe des états généraux; 3o les coutumes et les capitulations des provinces; 4o l'inamovibilité des magistrats; 5o le droit des cours de vérifier, dans chaque province, les volontés du roi et d'en ordonner l'enregistrement, seulement en tant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province et aux lois fondamentales de l'État; 6o le droit de tout citoyen de n'être traduit que devant ses juges naturels; 7o enfin le droit, qui est la garantie des autres, de n'être arrêté que pour être remis immédiatement aux juges compétents. »

C'était avertir la nation de ses droits, et la cour avait excité une résistance qu'il fallait ou ne pas provoquer ou abattre. Le conseiller d'Éprémesnil fut arrêté dans une séance solennelle, et devint le héros du moment. Plusieurs magistrats refusèrent d'entrer dans les bailliages appelés à remplacer les parlements déclarés vacants. Des manifestations bruyantes, des scènes de violence éclatèrent sur plusieurs endroits; des clubs se formèrent à Paris, et partout ce furent des réunions où l'on s'entretenait des abus à détruire, des réformes à introduire, de la constitution à fonder. Le gouvernement ordonna des arrestations, qui ne chan

BIST, UNIV.

T. XVI.

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1787. 29 août.

gèrent pas l'état des choses. Les soldats envoyés pour calmer les esprits avec des baïonnettes rencontrèrent de la résistance, surtout en Bretagne et dans le Dauphiné. Louis XVI, qui s'amusait à chasser et ne prévoyait pas qu'il existât des volontés plus fermes que la sienne, fut contraint de retirer les deux édits; puis, il convoqua les états généraux pour le commencement de mai 1789, en invitant tous les ordres à lui adresser leurs avis sur la meilleure manière de les composer.

L'archevêque de Toulouse, en butte à toutes les haines, à tous les soupçons du peuple, résigna alors le portefeuille, et Necker fut supplié de le reprendre.

Son ouvrage De l'administration des finances (1784) avait été prohibé; il s'était répandu en conséquence, et les doctrines qu'il conténait avaient été approuvées sans examen. Il revint donc en triomphe, et son premier soin fut de faire casser par le roi toutes les mesures prises ou proposées. Une joie tumultueuse éclata quand on vit le ministre déposé et le parlement rétabli, et tout respect cessa pour un pouvoir sans volonté. Des attroupements de gens affamés, de vagabonds, de contrebandiers se formèrent dans Paris; ils vociféraient contre le roi, maudissant Marie-Antoinette et son archevêque. Les sentinelles furent insultées. La police, par un mélange de philanthropie et de mépris pour le peuple, qu'elle ne croyait pas capable de mouvements sérieux, voulant n'employer la force qu'avec ménagement, agit avec cette hésitation qui aggrave le mal; plusieurs personnes furent tuées. Le duc d'Orléans se mêla à cette tourbe déguenillée en affectant la popularité.

Le parlement, s'apercevant qu'il aurait dans la classe moyenne, non pas des auxiliaires, mais des maîtres, refusa d'enregistrer la convocation des états généraux, s'ils ne l'étaient dans les formes de 1614, c'est-à-dire avec le droit pour chaque ordre de délibérer séparément, et d'opposer son vote à ce qui serait proposé par les deux autres. Cela équivalait à garantir les priviléges, à les accroître même, grâce à l'appui qu'ils offriraient au roi; alors le peuple, les philosophes, les magistrats devinrent hostiles à ce corps, et la guerre fut déclarée plus hardiment aux priviléges; partout on entendait parler de la nation, des droits du tiers état, de la tyrannie d'une noblesse nourrie des sueurs du peuple. Des nobles de bonne foi firent cause commune avec le tiers, d'autres de mauvaise foi agirent de même pour s'élever. Leur chef était le duc d'Orléans; ils avaient pour soutiens tous ces gentilshommes revenus d'Amérique, les gens de lettres, les curés de campagne,

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