CALVIN. 1509-1564. Jean CALVIN, fils d'un tonnelier de Noyon, étudiait à l'école de droit de Bourges, lorsqu'il embrassa la réforme. Forcé de.se cacher, il se retira successivement à Nérac, à Bâle, puis à Strasbourg. En 4544, les habitants de Genève le nommèrent leur pasteur. Il alla s'établir dans cette ville, et y exerça jusqu'à sa mort l'autorité de premier magistrat. Il avait une humeur sombre, un caractère austère et opiniâtre. Il poussa le zèle jusqu'à l'intolérance, et n'imita que trop les persécutions qu'il reprochait à l'Église catholique. Ce chef des réformés qui, de l'aveu de Bossuet, écrivait aussi bien qu'homme de son temps, est peut-être le meilleur prosateur du seizième siècle. Son Institution chrétienne, ou exposition des principes de la nouvelle doctrine, est écrite tout entière d'un style ferme, nerveux, et souvent correct et châtié; on y remarque quelquefois une véhémence austère, mais exempte de déclamation. Parmi les volumineux ouvrages de Calvin, on distingue encore un Traité de la Cène, des Commentaires sur l'Écriture sainte, des sermons, etc. PERSÉCUTION DES CALVINISTES. Considérez, Sire, toutes les parties de nostre doctrine, et nous jugez les plus pervers des pervers, si vous ne trouvez manifestement que nous sommes oppressés, et recevons injures et opprobres, pourtant que nous mettons nostre espérance en Dieu vivant, pourtant que nous croyons que c'est la vie éternelle de con noistre un seul vrai Dieu et celui qu'il a envoyé, Jésus-Christ. A cause de cette espérance, aucuns de nous sont détenus en prison, les autres fouettés, les autres menés à faire amende honorable, les autres bannis, les autres cruellement affligés, les autres échappent par fuitte: tous sommes en tribulation, tenus pour maudits et exécrables, injuriés et traités inhumainement.... Et cependant nous ne laissons point de prier Dieu pour vostre prospérité, et celle de vostre règne.... Le Seigneur, roi des rois, veuille établir vostre trône en justice, et votre siége en équité. (Épître dédicatoire à François Ier. — Institution chrétienne.) REPROCHES DES CATHOLIQUES AUX CALVINISTES. Nos adversaires ne cessent de calomnier nostre doctrine, et la décrier et la diffamer par tous moyens qu'il leur est possible, pour la rendre ou odieuse, ou suspecte. Ils l'appellent nouvelle et forgée puis naguères. Ils reprochent qu'elle est douteuse et incertaine. Ils demandent par quels miracles elle est confirmée. Ils enquièrent si c'est raison qu'elle surmonte le consentement de tant de pères anciens, et si longue coutume. Ils insistent que nous la confessions estre schismatique, puisqu'elle fait la guerre à l'Église ou que nous répondions que nostre Église a été morte par tant longues années, auxquelles il n'en estoit nulle mention. Finalement, ils disent qu'il n'est jà mestier de beaucoup d'arguments, vu qu'on peut juger des fruits quelle elle est : c'est à scavoir qu'elle engendre une grande multitude de sectes, force troubles et séditions, et une licence débordée de mal faire. Certes, il leur est bien facile de prendre leur avantage contre une cause déserte et délaissée : principalement quand il faut persuader au populaire ignorant et crédule. Mais si nous avions aussi bien lieu de parler, j'estime que leur ardeur, dont ils écument si âprement contre nous, serait un peu refroidie. (Calvin à François Ier, ibid.) RABELAIS. 1483-1553. François RABELAIS était fils d'un aubergiste ou d'un apothicaire de Chinon. Il paraît qu'il commença de bonne heure cette vie joyeuse, bouffonne, débauchée, impie, qu'il mena jusqu'à sa mort. Il fut successivement cordelier, bénédictin, prêtre séculier, médecin à Montpellier, à Lyon, à Rome, et curé de Meudon. Il a écrit la Vie de Gargantua et de Pantagruel, histoire de deux géants père et fils, où il a réuni toutes ses idées sur les hommes et les choses de son temps: c'est une satire sanglante du seizième siècle, écrite par un philosophe dans l'ivresse, moitié homme et moitié bête, comme le Caliban de Shakspeare, racontant quelquefois des bouffonneries grossières, ignobles; d'autres fois critiquant avec une raison fine et profonde le vice et le ridicule des études de son temps, et développant un plan d'éducation forte et salutaire à l'esprit comme au corps, qui est un prodige pour l'époque. Il y a dans ce livre beaucoup de bien et beaucoup de mal : « Il passe bien au delà du pire quand il est mauvais, a dit La Bruyère; et, quand il est bon, il va jusqu'à l'exquis et l'excellent. >> ÉDUCATION DE GARGANTUA. Quand Ponocrates congneut la vitieuse manière de vivre de Gargantua, délibéra aultrement le instituer en lettres; mais pour les premiers jours le toléra, considérant que nature ne endure mutations soubdaines sans grande violence.... Pour mieulx ce faire, l'introduisoyt ès compaignies des gens sçavans qui là estoyent, à l'émulation desquelz luy creut l'esperit et le desir d'estudier aultrement, et se faire valoir. Après, en tel train d'estude le mist qu'il ne perdoyt heure quelconque du jour : ains tout son temps consommoyt en lettres et honneste sçavoir. S'esveilloyt doncques Gargantua environ quatre heures du matin. Ce pendent qu'on le frottoyt, luy estoyt leue quelque pagine de la divine Escripture, haultement et clèrement, avecques pronunciation compétente à la matière, et à ce estoyt commis ung jeune paige natif de Basché, nommé Anagnostes. Selon le propous et argument de ceste leçon, souventes foys se adonnoyt à révérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, duquel la lecture montroyt la majesté et jugements merveilleux.... Ce faict, estoyt habillé, pygné, testonné, acoustré et parfumé, durant lequel temps on lui répétoyt les leçons du jour d'avant. Luy-mesme |