chant à la quarte inférieure (1). Si on la ramène dans le ton naturel, on reconnaît qu'elle est construite sur une gamme de ré avec si naturel. Dans cette gamme, qui correspond au mode phrygien antique, la finale ré n'est pas tonique mais dominante. La tonique, ou mieux la fondamentale harmonique, est sol. Cette fondamentale était commune aux deux gammes phrygienne et hypophrygienne; seulement la première finissait sur le cinquième degré ré, tandis que la seconde avait pour finale sol. Gamme phrygienne Gamme hypophrygienne. Dans l'exemple 1 le véritable ison n'est pas la finale, mais la fondamentale harmonique située une quinte au-dessous (c'est-à-dire sol dans le ton naturel et ré dans le ton transposé). Il en sera de mème pour toutes les mélodies appartenant à la même gamme. Dans l'exemple 2, au contraire, la finale ré est véritablement une tonique. Cette mélodie est un des plus beaux spécimens du chant byzantin qu'on puisse rencontrer. Elle est à la fois suppliante et digne, expressive et ample. --- La juxtaposition des deux pentacordes (l'un ayant pour base ré, et l'autre, la) donne au chant à la fois une grande variété et une grande profondeur d'expression. Remarquons l'imprévu avec lequel se pose la première modulation en la, par l'attaque hardie de l'intervalle de septième (ré-ut) et le charme du retour opéré par la mélodie dans le ton primitif. Une seconde fois, le chant passe dans le second pentacorde (avec la pour base). Mais, au lieu de revenir, pour conclure, sur la base ré du premier pentacorde, il se termine par une cadence tout à fait inattendue sur le quatrième degré sol. Malgré le caractère suspensif de cette terminaison, qui rappelle l'expression des cadences phrygiennes, c'est bien la gamme de ré mineur sans note sensible qui domine dans ce morceau. La présence du si bémol et le caractère de dominante que présente la (1) On ne voit pas se produire ici l'intervalle de trois quarts de ton entre le la et le si, parce que cette mélodie appartient au chant heirmologique. note la, démontrent la différence essentielle qui sépare l'Ex. 2 de l'Ex. 1. Dans l'Ex. 1 (non transposé), ré était dominante, et la fondamentale était sol; nous avions une gamme de sol majeur (avec fa naturel) finissant sur le cinquième degré ré. Dans l'Ex. 2, ré est bien la tonique. Quant au la, il remplit à la fois le rôle de dominante dans le premier pentacorde et de tonique dans le second, quand la mélodie module à la quinte supérieure. Nous avons affaire ici à une gamme hypodorienne, transposée à la quinte inférieure quand la mélodie a pour tonique ré, non transposée quand la tonique est la. Le présent exemple vient confirmer ce que nous avons dit plus haut. Le si, deuxième degré du second pentacorde, cède ici à la loi d'attraction qui n'agit pas sur le second degré du pentacorde inférieur (mi). Remarquons que l'épithète de plagal a, dans la musique byzantine, une application tout à fait contraire à celle qu'on en fait dans le chant grégorien. Dans le Plain-Chant occidental, la mélodie N° 2, ayant pour étendue juste une octave (de ré à ré) et ne descendant pas même un degré au-dessous de sa finale, serait classée dans le premier mode (authentique) Au contraire les mélodies N° 2 et N° 3 du premier mode byzantin seraient considérées dans le chant grégorien comme des mélodies plagales, puisqu'elles descendent deux notes au-dessous de leur finale. L'exemple 3 (Chant pour les morts) nous présente la même gamme que l'Ex. 1. C'est évidemment là une harmonie phrygienne transposée, non plus à la quarte inférieure, comme dans l'Ex. 1, mais à la quinte inférieure. Si on la ramène dans le ton naturel, la fondamentale harmonique sera sol. Si on la chante dans le ton transposé, la fondamentale et par conséquent l'ison devra être ut. Le caractère suspensif de la cadence ne saurait laisser de doute sur la nature de la gamme à laquelle appartient cette mélodie. La note finale est évidemment une dominante. La même observation s'applique aux exemples 4 et 5. Ce sont là des gammes de ré (avec si naturel) transposées, et des harmonies phrygiennes ayant pour fondamentale sol dans le ton naturel, et ut dans le ton transposé. SECOND MODE. De tous les modes de leur musique liturgique, le second est considéré par les Grecs comme le plus noble. Toutes les prières adressées directement à Dieu sont dans ce mode; c'est aussi au second mode qu'appartiennent les mélodies réputées les plus anciennes. Voici quel est son ambitus et quels sont les intervalles dont se compose son échelle (1) : Lorsqu'on dépasse le si, on sort du second mode pour entrer dans le second plagal. Dans ce cas, on fait de l'ut un sol, et l'on descend d'ut à sol comme si l'on descendait de sol à ré dans le second mode plagal. Ce qu'il y a de caractéristique dans le second mode, ce qui fait naître chez l'auditeur européen une impression intolérable si le chanteur chante faux, et bizarre s'il chante juste, c'est la présence d'un la fixe, trop bas d'un quart de ton, qui produit entre sol et la un ton trop petit, et entre la et si un ton trop grand. En outre, le ré qui, sans faire partie de l'ambitus du second mode, figure pourtant quelquefois dans les mélodies de ce mode, est trop haut d'un quart de ton. Il en résulte qu'entre ré et mi il y a un intervalle de trois quarts de ton, et entre ré et ut un intervalle de cinq quarts. Le ré n'est ni naturel ni dièse, il est demi-dièse. Cet intervalle aussi est fixe. (1) Nous avons fait remarquer, au chap. des Généralités, l'analogie de cette échelle avec celle de la variété de chant appelée diatonique mou chez les anciens. Enfin il est une troisième note, le fa, qui obéit à la loi d'attraction, et qui varie selon que la mélodie monte ou descend. Si le chant va sur sol par un mouvement ascendant, il y a entre mi et fa un intervalle de trois quarts de ton (et par conséquent entre fa et sol un intervalle égal). Si la mélodie descend sur mi, de fa à mi il y a un demi-ton. Des exemples que nous citons, le premier (φῶς ἱλαρὸν) doit remonter à une haute antiquité. Saint Bazile dit que, de son temps (c'està-dire au quatrième siècle), la musique de cette hymne passait déjà pour fort ancienne. Les paroles en furent composées, au deuxième siècle, par Athénogènes, martyr (1). Le second exemple est une mélodie d'une véritable sublimité d'expression. Sa beauté doit frapper tout le monde, malgré le défaut d'aptitude des oreilles européennes à goûter des intervalles autres que le ton et le demi-ton. (1) Suivant une autre version, il faudrait attribuer la poésie de cette hymne à Sophronios, patriarche de Jérusalem. (2) Toutes les versions de ce chant ne sont pas identiques. Celle que nous donnons ici a été écrite, à Khalki, sous la dictée de M. Aphtonidis. Cette hymne à la Sainte Trinité est chantée tous les jours de fête, avant l'office du soir, « au coucher du soleil », par tous les prêtres réunis au milieu de l'église. |