ton en descendant, et au moyen du signe + l'altération d'un quart de ton en montant.] Dans aucun mode de la musique ecclésiastique grecque, on ne voit une note supprimée systématiquement dans un tétracorde, par suite de la division du demi-ton en deux parties égales. Toutes les notes de l'octave figurent dans chacun des modes; seulement il arrive que quelques-unes d'entre elles sont accordées un quart de ton plus haut ou plus bas que dans l'échelle diatonique. En réalité, ce ne sont pas là des quarts de ton proprement dits, mais des intervalles de trois quarts ou de cinq quarts de ton. On peut se faire une idée des altérations dont on fait un fréquent usage dans la musique ecclésiastique grecque, d'après l'échelle suivante, adoptée pour le second mode de cette musique : Cette échelle reproduit exactement un ton plus haut les intervalles qui caractérisaient, suivant Aristoxène, cette variété du genre diatonique appelée diatonique mou : C'est donc à tort que les théoriciens byzantins se flattent d'avoir conservé dans leur musique l'ancien genre enharmonique. En revanche, il est certain qu'on y retrouve ces variétés de genres de chant désignées par les anciens sous le nom de χροαί. L'emploi d'intervalles autres que le ton et le demi-ton, dans la musique ecclésiastique, vient-il de la tradition ou de l'influence de l'Asie? Nous avons montré ce qu'il peut y avoir d'antique dans l'origine des notes élevées ou abaissées d'un quart de ton. Il convient de faire aussi la part de l'influence asiatique. Dès ses débuts dans le monde, la race grecque, placée sur les confins de l'Europe, s'est trouvée en contact, c'est-à-dire en lutte, avec les races sémitiques. L'influence de l'Asie fut assez grande à l'origine pour que deux des trois modes fondamentaux de la musique grecque aient été importés, l'un de Lydie, l'autre de Phrygie. Si, à son aurore, le génie grec consentit à de pareils emprunts, plus tard, à une époque de décadence et de vieillesse, ne dut-il pas subir plus facilement les introductions étrangères? Cet empiétement du goût de l'Orient sur celui de l'Occident trouva, pour se produire, une circonstance des plus favorables quand le christianisme, succédant au paganisme, submergea le monde antique. Les conquêtes d'Alexandre avaient bien pu porter l'usage de la langue grecque jusqu'en Bactriane; elles n'avaient pas supprimé pour cela les instincts et les goûts des races vaincues. S'il est vrai que, dans tous les pays qui servirent de berceau au christianisme, la langue grecque était répandue, les populations de ce pays n'avaient pas abdiqué pourtant leur caractère, ni répudié leurs arts. « Il est à peu près certain, dit Fétis dans le 4o volume de son Histoire générale de la musique, que les chants de la primitive Église furent adaptés aux mélodies populaires des divers pays où l'Évangile fut prêché aux païens, rien n'étant plus difficile que de changer chez le peuple ses habitudes de chant. L'Apôtre saint Paul, qui convertit une partie des peuples de l'Asie-Mineure et y fonda sept églises, se montra indulgent sur tout ce qui ne touchait pas à la foi... » La religion nouvelle n'étant pas, comme le paganisme, une religion nationale, mais s'annonçant comme la religion de toutes les nations, n'avait aucun motif pour favoriser le goût musical de tel ou tel peuple au détriment de tel ou tel autre. La préoccupation des fondateurs du christianisme était trop peu tournée vers l'art pour qu'ils défendissent l'admission des modes étrangers, à la façon des anciens philosophes. La musique chrétienne dut porter la trace du caractère cosmopolite de la religion nouvelle; comme celle-ci s'établit sur les débris du monde païen, il n'est pas présumable qu'elle ait fait aucun effort pour conserver dans sa pureté la tradition musicale grecque. Loin de là, beaucoup d'éléments sémitiques (hébraïques ou autres) durent être introduits dans la musique grecque à la faveur de l'établissement du christianisme. Plus tard, la réforme musicale entreprise par Jean Damascène ne put avoir pour effet de débarrasser la musique grecque des éléments étrangers qui s'étaient alliés à elle. On sait que Jean, élevé à la cour des khalifes de Syrie, mérita leur faveur et remplit le poste éminent de gouverneur de Damas. Le caractère de sa réforme dut forcément se ressentir du milieu où il avait vécu. Dans quelle proportion exacte figurent l'élément grec et l'élément étranger dans la constitution de la musique byzantine? C'est là un point difficile à trancher. La solution de cette question, fort intéressante au point de vue archéologique, ne suffirait pas pour donner à la Grèce la réforme musicale dont elle a besoin. Ce qu'il lui faudrait aujourd'hui, ce n'est pas la résurrection d'un art qui n'est plus, c'est la possession d'une musique satisfaisant à la fois sa tradition originale et ses instincts modernes. Ce n'est malheureusement pas ce qu'elle a. Rien de misérable, rien de barbare, rien de répugnant pour une oreille européenne, comme le chant qu'on entend dans les églises orientales. Ces intervalles autres que le ton et le demi-ton, qui sont la plupart du temps autant de notes fausses, ces voix chevrotantes, ce chant nasal, ce monotone, cet insipide, cet impitoyable ison qui fait à une mélodie expressive l'effet d'une broche passée au travers d'un corps humain : tout cela cause à l'auditeur une impression aussi désagréable, dans l'ordre des choses esthétiques, que l'est le mal de mer dans l'ordre des choses physiologiques. N'y a-t-il donc rien dans la musique ecclésiastique? Assurément, si : il y a beaucoup de phrases très-expressives et de mélodies heureuses. Mais ces bonnes choses sont trahies, meurtries, défigurées par la plus navrante exécution. Tout ce qu'on peut attendre de chantres ignorants, assistés d'enfants criards, est atteint et même dépassé. Cela tient à plusieurs raisons. Les principes traditionnels de chant sont vicieux. Très-souvent l'éducation musicale manque; quand elle existe, le résultat est à peu près le même, car la théorie n'est pas fixée, et c'est la théorie la plus compliquée du monde. Qu'on suppose une nation ayant une législation très-complexe, sans code écrit, et où l'on ne jugerait les procès que d'après la coutume; dans un tel pays, rendrait-on la justice? La musique ecclésiastique grecque comprend tous les modes diatoniques antiques, dont quelques-uns altérés par la présence de notes élevées ou abaissées d'un quart de ton. Elle a de plus deux modes de genre chromatique (l'un chromatique, l'autre semi-chromatique) et deux modes de genre soi-disant enharmonique (1). Il y a une telle confusion dans la nomenclature des genres et des modes que le diatonique s'appelle enharmonique, et l'enharmonique, diatonique. De plus, la constitution de cette musique est essentiellement tétracordale ou pentacordale. Il est ŕare qu'une mélodie conserve dans toute son étendue le caractère d'un seul mode. L'ambitus réel et caractéristique de chaque mode ne dépasse généralement pas une quinte. Une fois cette étroite limite franchie, la mélodie passe dans un autre mode. On comprend quel surcroît de difficultés dans l'exécution amènent forcément tant de métaboles ou modulations. Il faudrait, pour conserver, dans ce labyrinthe, le fil d'Ariane de la justesse, être un musicien consommé, joignant à une grande sagacité d'oreille une longue expérience et une excellente éducation musicale. La musique ecclésiastique grecque est exclusivement mélodique et vocale. La proscription de tout instrument dans les temples ôte au malheureux chanteur cet auxiliaire souvent indispensable même à des musiciens instruits. La voix du chanteur n'a pour s'appuyer et se pré (1) Ces modes n'ont d'enharmonique que le nom; car ils ne diffèrent pas du majeur européen, qui, lui, est diatonique. Par une anomalie assez bizarre, c'est précisément dans les nodes diatoniques que se rencontrent ces intervalles altérés d'un quart de ton, dont la présence pourrait justifier jusqu'à un certain point la dénomination d'enharmoniques. server du déraillement que l'ison, c'est-à-dire une note tenue ordinairement par les voix d'enfants. Cette note, qui représente la fondamentale harmonique du mode, doit changer quand la mélodie passe d'un mode dans un autre. Mais il faudrait, pour déplacer l'ison à propos, reconnaître dans quel mode la mélodie passe; or, le défaut d'instruction des jeunes donneurs d'ison les rend inaptes à une tâche parfois délicate et difficile. Cela explique pourquoi l'on entend souvent un ison obstiné se prolonger dans des passages où la mélodie a changé de mode; cet ison ne représentant plus la fondamentale harmonique du nouveau mode, il en résulte des heurts et des froissements exécrables, et il est impossible que les oreilles chrétiennes qui ne sont pas dénuées de tout sentiment musical, ne sortent pas de l'office très-meurtries. Chacun des huit modes ecclésiastiques a une échelle qui lui est propre; quelques-uns même en ont plusieurs différentes. En outre, dans la plupart des gammes, il y a des notes qui ne sont pas fixes, mais qui s'élèvent ou s'abaissent suivant les lois de l'attraction. A-t-il jamais existé un chantre assez bien doué, pour que son seul instinct musical ait pu triompher de toutes ces difficultés dans une musique dont la théorie est encore à faire? Nous n'avons jamais pu réussir à nous faire chanter avec précision la gamme de certains modes. Qu'on juge du résultat produit dans la pratique par cette insouciance et ce laisseraller, lorsqu'il s'agit de difficultés bien autrement sérieuses que d'accomplir l'acte le plus simple de l'ABC musical! Ce que nous savons de la beauté de certaines mélodies, nous ne l'avons pas appris par l'audition, mais par la lecture; souvent il nous est arrivé de ne pas reconnaître, à l'église, tant ils étaient défigurés par l'exécution, des chants que nous savions par cœur (1). (1) Les exceptions, vu leur rareté, méritent d'être signalées. Dans une église de Smyrne, à Saint-Dimitri, sous la direction de Misaël Misaëlides, le chant s'exécute avec justesse. Les enfants chargés de l'ison adoucissent leur voix et soutiennent discrètement la mélodie, au lieu de la couvrir de leurs glapissements. A l'église du Patriarcat, à Constantinople, où l'exécution des chantres nous a semblé aussi mauvaise que possible, nous avons éprouvé cependant une impression non dépourvue de charme, en entendant le Φῶς ἱλαρὸν chanté à l'unisson par douze prêtres. L'abus des trilles et des notes d'agrément, l'usage du chevrotement et du nasillement disparaissent un peu |