On doit observer de mêler les rimes masculines et les féminines, de manière que deux différentes rimes de même espece ne se trouvent jamais ensemble dans une même suite de vers; c'est-à-dire qu'une rime masculine, par exemple, ne peut être suivie que de la rime masculine qui y répond, ou d'une rime féminine. Lesrimes peuvent être suivies ou entremélées. Elles sont suivies, lorsqu'après denx rimes masculines, il s'en trouve deux féminines, ensuite deux masculines, et ainsi des autres. Telles sont les rimes de ces beaux vers, que Boileau met dans la bouche de la mollesse, pour faire l'éloge de Louis XIV. Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps, Aucun soin n'approchoit de leur paisible cour: Je me fatiguerois à te tracer le cours Les rimes sont entremélées, lorsqu'une rime masculine est séparée de celle qui y répond par une ou deux féminines, ou lorsqu'entre deux rimes féminines, il se trouve une ou deux rimes masculines, comme dans cet exemple: J'ai cherché ce bonheur qui fuyoit de mes bras, On ne peut point établir de règles pour le mélange des rimes. Il y a plusieurs manières de les croiser. C'est au poète à choisir la plus agréable à l'oreille, et la plus convenable à son sujet. Les poèmes héroïques, les dramatiques, les satyres, etc. doivent être en vers alexandrins. On peut dans d'autres sujets, et sur-tout dans des pièces badines ou destinées à être mises en musique, faire des vers de tout pied, qu'on appelle libres, et croiser les rimes en consultant toujours l'oreille et l'harmonie. On doit aussi entremêler les rimes Du médans les stances ou strophes, qui sont un lange des vers ou certain nombre de vers, après lesquels des stanle sens est fini et complet. Elles se divisent en stances de nombre pair, et en stances de nombre impair. ces. Celles de nombre pair sont de quatre, de huit et de dix vers. Dans les stances de quatre, ou quatrains, on peut employer indifféremment toutes sortes de mesures, et l'on doit entremêler les rimes, en faisant rimer le premier vers avec le troisième, et le second avec le quatrième. En voici des exemples: Modérons nos propres vœux. Le fameux souverain bien, Voici comment j'ai compté Conti n'est plus, ô ciel! ses vertus, son courage, De la commune loi, Il n'est plus; et les dieux en des temps si funestes, N'ont fait que le montrer aux regards des mortels. Soumettons-nous. Allons porter ces tristes restes Au pied de leurs autels. Elevons à sa cendre un monument célèbre. On fait rimer aussi dans ces sortes de stances le premier vers avec le quatrième, et le second avec le troisième. Pour vous l'amante de Céphale Pour entendre vos doux accens, Dans les stances de six vers, il y a différentes manières d'entremêler les rimes, et de varier la mesure. Celle qui est assez commune et fort belle, consiste à faire rimer les deux premiers vers, et à terminer le sens après le troisième, qui doit rimer avec le dernier. Nous admirons le fier courage Non, non, sans le secours des filles de mémoire, Vous vous flattez en vain, partisans de la gloire, D'assurer à vos noms un heureux souvenir. Si la main des neuf sœurs ne pare vos trophées, Vos vertus étouffées N'éclaireront jamais les yeux de l'avenir. 131 On voit aussi des stances de six vers, qui ne sont composées que de deux rimes, et où le sens n'est terminé qu'après le dernier vers. Tolle est celle-ci: Sous des arbres, dont la nature Les stances de huit vers ne sont, à proprement parler, que deux quatrains unis; soit que les vers aient tous la même mesure, soit qu'ils en aient une différente, comme on peut le voir dans ces deux exemples. Venez, nations arrogantes, O bien heureux mille fois Il est orné dès sa naissance; Voici pour les stances de dix vers, la mesure la plus harmonieuse, et le mélange des rimes le plus agréable. Les vers, composés de huit syllabes, sont arrangés de manière que le premier ré |