ponde au troisième, et le second au quatrième; que le cinquième et le sixième riment ensemble; que le septième réponde au dixième, et que le huitième et le neuvième riment ensemble. Montrez-nous, guerriers magnanimes, Parmi les autres manières de mêler agréablement les rimes dans ces sortes de stances, celle-ci est la plus belle. Combien plus sage et plus habile Les stances de nombre impair sont de cinq, de sept et de neuf vers. Il faut nécessairement y mettre trois rimes semblables: mais on ne doit jamais les placer de suite. En voici des exemples: Le volage amant de Clytie Et bientôt des monts de Scythie, Ingénieuses rêveries, Le roi des cieux et de la terre Il en est de ces stances de nombre im pair, comme de celles de nombre pair. Les vers y peuvent être d'inégale mesure: c'est ce qu'on peut voir dans les deux suivantes. Que j'aime à contempler, dans mes heureux caprices, On peut des plus grands rois surprendre la justice. Incapables de tromper, Des piéges de l'artifice. Un cœur noble ne peut soupçonner dans autrui La bassesse et la malice Qu'il ne sent point en lui. 1 On appelle stances régulières, une suite de stances qui ont toutes la même forme, soit pour la mesure et le nombre des vers, depuis quatre jusqu'à dix, soit pour le mélange et la combinaison des rimes: telles sont celles que j'ai citées pour exemples de stances de quatre vers. On appelle stances irrégulières, une suite de stances qui ont chacune une forme différente. En voici un exemple: Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire? Tout l'univers admiroit ta splendeur. Jusqu'aux enfers maintenant abaissée, O rives du Jourdain! o champs aimés des cieux! Quand verrai-je, ô Sion, relever tes remparts Ton Dieu n'est plus irrité : Et reprends ta splendeur première. Les chemins de Sion sont à la fin ouverts: Rompez vos fers, Repassez les monts et les mers ; Au reste, il sera bon, dans toutes sortes de stances, d'entremêler les rimes, de manière que le premier et le dernier vers d'une stance soient d'espèce différente. Sans cette attention, l'oreille du lecteur seroit un peu choquée de trouver, en passant d'une stance à l'autre, deux vers masculins, ou deux vers féminins qui ne rimeroient pas ensemble, comme dans celles-ci: Rois, chassez la calomnie. Ses criminels attentats Sa fureur, de sang avide, De ce monstre si farouche Je dois dire néanmoins que cette manière de placer les rimes n'est pas absolument regardée comme une faute. Nos bons auteurs l'ont pratiquée, mais bien rarement. Elle n'est point du tout repréhensible dans les couplets d'une chanson. II. De la Poésie en général. On vient de voir les différentes formes du discours mesuré, les règles générales qui regardent le mécanisme des vers, et qu'il faut exactement observer pour être un bon et agréable versificateur. Mais, pour être vraiment poète, il faut inventer et peindre. De l'art L'art d'inventer consiste à trouver les objets qui existent et où ils sont, ceux d'invenqui peuvent exister et où ils peuvent ter. être; à présenter des actions, des images, des sentimens réels, ou possibles et vraisemblables. Je dois rappeler ici en peu de mots ce que j'ai dit, dans la Rhétorique française, de l'imitation de la belle nature, principe commun de tous les beaux arts. On imite la nature, en représentant fidelement un objet tel qu'il existe, ou tel qu'il peut vraisemblablement exister. On imite la belle nature, en représentant fidèlement un objet aussi parfait que nous pouvons le concevoir, soit qu'il existe, soit que, n'existant pas, il puisse exister. C'est cette dernière opération que fait la poé. sie: elle ne présente que des objets parfaits en eux-mêmes. Mais comment parvient-elle à donner à ces objets le degré de perfection néces |