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Moi, qui vous aime tendrement,
Je n'écris que pour vous le dire.

On peut citer encore pour modèle de madrigal ces jolis vers que fit Desmarets sur la violette, pour la guirlande de Julie de Rambouillet.

Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,
Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe.
Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

Ceux de nos auteurs qui ont laissé le
plus de beaux modèles en ce genre, sont
madame Deshoulières et M. de la Sa-
blière, Ce derniersur-tout, qui n'a com-
posé que des madrigaux, excelle dans
ce genre de poésie, autant par la finesse
des pensées, que par la délicatesse du
style. Cette dame de la Sablière, que la
Fontaine a immortalisée dans ses vers,
étoit son épouse.

Du Son

Le sonnet qu'on rapporte, aussi bien que le madrigal, à l'épigramme, con-net. siste dans quelques pensées, dont la dernière doit avoir quelque chose de frappant et d'extraordinaire. Sa forme artificielle ou mécanique est absolument invariable. Il est composé de quatorze vers. Les huit premiers sont partagés en quatrains de même mesure, et qui roulent sur deux rimes, qu'il faut y placer dans le même ordre. Les six derniers vers riment différemment des premiers, et sont partagés en deux tercets. Les deux pre

miers vers du premier tercet riment ensemble, et le troisième rime avec le second du second tercet. Le sens doit être complet après chaque quatrain et chaque tercet. Quandlesujet du sonnet est grave et sérieux, on doit y employer des vers alexandrins: quand il ne l'est pas, on peut employer des vers de dix ou même de huit syllabes.

Tout doit être exact, poli, châtié dans ce petit ouvrage. On n'y souffre ni le moindre écart du sujet, ni un vers foible ou négligé, ni une expression impropre ou superflue, ni la répétition du même mot. La précision et la justesse des pensées, l'élégance des expressions, l'harmonie des vers, la richesse des rimes n'y doivent rien laisser à desirer: en un mot, tout doit y être d'une beauté achevée. Aussi n'y a-t-il aucun poète qui ait atteint à ce degré de perfection qu'on exige dans ce petit poème ; et ce qu'a dit Boileau, il y a plus d'un siècle, nous pouvons le répéter aujourd'hui, qu'un sonnet sans défauts est un heureux phénix qui est encore à trouver. Le meilleur de tous est celui de des Barreaux. C'est par cette raison qu'en le proposant pour modèle, je ne ferai point difficulté de le citer, quoiqu'il soit connu de tout le monde.

Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équité ;
Toujours tu prends plaisir à nous être propice :

Mais

Mais j'ai tant fait de mal, que jamais ta bonté
Ne me pardonnera sans blesser ta justice.

Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice:
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Etta clémence même attend que je périsse.

Contente ton desir, puisqu'il t'est glorieux;
Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux;
Tonne, frappe, il est temps, rends-moi guerre pour guerre.

J'adore en périssant la raison qui t'aigrit.
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre,
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

ARTICLE III.

Du Rondeau et du Triolet.

Du

La naïveté fait le principal caractère du rondeau. Mais cette naïveté n'exclut Rondeau. pas la délicatesse, la finesse même, pourvu qu'elles ne s'y trouvent pas aux dépens de l'aimable simplicité. Ce petit poème, particulièrement propre à des sujets badins, est composé de treize vers de dix ou de huit syllabes, qui roulent sur deux rimes, dont huit sont féminines, et cinq masculines, ou huit masculines, et cinq féminines. De quelque manière qu'on dispose ces rimes, il s'en rencontre en quelqu'endroit trois féminines ou masculines de suite. Il doit y avoir, après le cinquième vers, un repos ou un sens complet. Le premier hémistiche, ou les premiers mots du rondeau, doivent se

retrouver à la suite du huitième et du treizième vers, pour servir de refrain. Il est essentiel que ce refrain, qui, dans les vers de dix syllabes, est de quatre, et qui, dans ceux de huit est de trois, soit lié avec la pensée qui précède, et qu'il termine le sens naturellement.

Voci un très-joli rondeau d'Adam Billaut, mennisier de Nevers, qui sans aucune littérature, devint poète dans sa boutique, et dont les poésies, qui roulent toutes sur le vin, sont pleines de verve et de feu :

C

Pour te guérir de cette sciatique,

Qui te retient comme un paralytique
Entre deux draps sans aucun mouvement,
Prends-moi deux brocs d'un fin jus de sarment;
Puis lis comment on les met en pratique,

a

Prends-en deux doigts, et bien chauds les applique

Sur l'épiderme où la douleur te pique,
Et tu boiras le reste promptement

Pour te guérir.

Sur cet avis ne sois point hérétique :

Car je te fais un serment authentique DE

Que si tu crains ce doux médicament
Ton médecin, pour ton soulagement,
Fera l'essai de ce qu'il communique

Pour te guérir.

On a dit que ce poète eut des pensions du cardinal de Richelieu, et de Gaston, frère de Louis XIII, et qu'il ne voulut point quitter le séjour de Nevers pour celui de Versailles. Les poètes de son temps l'appeloient le Virgile au rabot; el Mainard assuroit que les Muses ne devoient étre assises que sur des tabourets, faits de la main de ce poète menuisier.

Le triolet est une espèce de rondeau, et n'a sur deux rimes que cinq vers, dont les deux premiers présentent un sens achevé. Le premier doit être répété après le troisième, en formant un sens naturel avec ce qui le précède. II en est de même des deux premiers, qu'on répète après le cinquième. La beauté de ce petit genre de poésie consiste dans l'application heureuse qu'on fait des deux premiers vers, et dans leur liaison avec celui qui les précède. On ne peut pas en citer de meilleur exemple, que cet ancien et joli triolet de Ranchin:

Du Triolet,

Le premier jour du mois de mai
Fut le plus heureux de ma vie.
Le beau dessein que je formai
Le premier jour du mois de mai!
Je vous vis, et je vous aimai.
Si ce dessein vous plut, Sylvie,
Le premier jour du mois de mai

Fut le plus heureux de ma vie.

しょ

ARTICLE IV.

De l'Épitaphe, et de l'Inscription.

L'ÉPITAPHE consiste dans quelques de l'Epivers gravés ou supposés devoir l'être sur taphe. un tombeau. Le poète y fait le plus sou

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