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sons

Des Chan- crées à la louange du vin et des buveurs. ba- L'enjoûment et la liberté en font le chiques. principal caractère. On y souffre cependant les traits brillans d'une imagination hardie, un style noble et animé, et un certain enthousiasme. Cette élévation, ces transports, ce délire même, font le plaisant de ces sortes de chansons , parce qu'il semble que c'est la liqueur que le poète célèbre, qui les a fait naître, comme on peut le voir dans celle-ci:

Quel effroyable bruit! quels feux étincelans!
Jupiter aux mortels déclare-t-il la guerre ?
Veut-il encor par son tonnerre
Foudroyer de nouveaux Titans ?
Gronde, tonnerre affreux, et ravage le monde
Par tes redoutables fureurs;

Fais tout trembler d'effroi sur la terre et sur l'onde.
Mais respecte du moins la vigne et les buveurs,

Adam Billaut, que j'ai déjà fait connoître, offre les plus beaux modèles de chansons bachiques dans le genre élevé. Voyez sur-tout cette chanson si con

nue:

Aussitôt que la lumière
A redoré nos côteaux,
Je commence ma carrière
Par visiter mes tonneaux, etc.

Il est bon de faire usage de la mythologie dans les chansons bachiques et dans les érotiques. Les images et les traits de la fable, que le poète a soin d'y répandre avec goût et avec justesse, en font un des plus beaux agrémens.

Il y a des chansons qui sont érotiques et bachiques en même temps. On peut rapporter à ce genre mixte ce couplet si ingénieux, qui fut fait et chanté par M. le C. de B**, dans une fète que donnoit une dame de la cour.

La maîtresse du cabaret

Se devine sans qu'on la peigne:
Le dieu d'amour est son portrait;
La jeune Hébé lui sert d'enseigne.
Bacchus assis sur son tonneau,
La prend pour la fille de l'Onde:
Même en ne versant que de l'eau,
Elle a l'art d'enivrer son monde.

Ce qui fournit ordinairement la ma- Des Chantière des chansons satyriques ou vaude- sons satyvilles, ce sont les actions repréhensibles, riques. les mœurs irrégulières, et les événemens remarquables par leur singularité, ou par leur importance. La pensée qui termine chaque couplet, doit sur-tout être vive, piquante, avoir même quelque chose de caustique et de mordant. Mais qu'on ne passe point les bornes d'une critique fine, et d'une raillerie délicate. Il faut se contenter d'attaquer les vices et les ridicules généraux, sans jamais donner dans l'odieux des personnalités. C'est uniquement par-là que ces sortes de chansons peuvent être de quelque avantage à la société. Voici deux

couplets d'un vaudeville de Panard, qui peuvent servir de modèle.

2

Qu'à s'ajustér du haut jusques en bas,
Iris, pour paroître jolie,
Passe les trois quarts de sa vie;
Cela ne me surprend pas.

Mais qu'un abbé tous les jours s'amidonne,
Et qu'à pas comptés ce poupin,
Sur la pointe de l'escarpin,
Marche toujours droit comme un pin;
C'est-là ce qui m'étonne.

Que dans Alger on trouve des ingrats,
Et que chez le peuple tartare
La reconnoissance soit rare;
Cela ne me surprend pas.

Mais qu'à Paris mainte et mainte personne
Qui vient vous demander lundi
Un plaisir qu'on lui fait mardi,
N'y pense plus le mercredi;
C'est-là ce qui m'étonne.

On donne encore le nom de vaudeville à un divertissement qui termine les petites pièces de théâtre. Il doit contenir le sens moral de la pièce.

2.

CHAPITRE II.

Des petits Poèmes.

LES petits poèmes, ainsi nommés parce qu'ils n'ont pas une étendue bien considérable, sont l'Apologue, l'Églogue et l'Idylle, l'Epitre, la Satyre, l'Elégie, et l'Ode. On verra que, pour y exceller, il faut avoir reçu de la nature un grand talent poétique.

ARTICLE I.

De l'Apologue.

L'APOLOGUE est un petit poème spécialement consacré à plaire et à instruire tout à la-fois. La Fontaine a très-bien dit:

Les fables ne sont point ce qu'elles semblent étre :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui.
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire (1).

Il n'est point de genre de poésie qui réunisse autant que celui-ci ce double avantage. Il n'en est du moins aucun qui parvienne à ces deux fins par une

(1) Le Pâtre et le Lion. Fabl. 1, liv. 6.

Définition

voie plus courte, plus agréable, et en même temps plus droite et plus sûre. Le but du poète est de corriger les mœurs, en y donnant aux hommes des leçons qu'il couvre du voile de la fiction; voile non moins léger qu'attrayant, à travers lequel on voit du premier coup-d'œil les vérités qu'il enveloppe.

L'Apologue ou la fable n'est donc aude l'Apo- tre chose qu'une action qu'on raconte,

logue.

Action de

gue.

et du récit de laquelle résulte une instruction utile pour les mœurs, appelée moralité. Cette action est attribuée tantôt aux Dieux, tantôt aux Hommes, et le plus souvent aux animaux, à des êtres même inanimés qu'on fait agir et parler; comme le chéne et le roseau, le pot de terre et le pot de fer, etc. Si cette action est attribuée aux premiers, la fable est appelée raisonnable. Si elle est attribuée à des animaux seulement, à des plantes, à des arbres, etc. la fable est morale. Elle est mixte, quand un animal et un être doué de la raison y agissent.

L'action de l'apologue doit signifier Papolo- directement et avec précision la vérité qu'on se propose d'enseigner; et cette vérité est le point où toutes ses parties doivent tendre et aboutir. C'est en quoi consistent la justesse et l'unité d'action dans la fable.

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