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sones d'auec les i et les u voyelles, en se seruant tousiours de l'j et de l'v pour les premieres, et laissant l'i et l'u pour les autres, qui jusqu'à ces derniers temps auoient esté confondus..... Leur exemple m'a enhardy à passer plus auant. l'ay veu quatre prononciations differentes dans nos et trois dans nos e, et j'ay cherché les moyens d'en oster toutes ambiguïtez, ou par des caracteres differens, ou par des régles generales, auec quelques exceptions. Ie ne sçay si j'y auray reüssi, mais si cette ébauche ne déplaist pas, elle pourra donner iour à faire vn trauail plus acheué sur cette matiere, et peut-estre que ce ne sera pas rendre vn petit seruice à nostre langue et au public.

« Nous prononçons I's de quatre diuerses manieres : tantost nous l'aspirons, comme en ces mots, pefte, chafte; tantost elle allonge la syllabe, comme en ceux-cy, pafte, tefte; tantost elle ne fait aucun son, comme à esblouïr, esbranler, il eftoit; et tantost elle se prononce comme vn z, comme à prefider, prefumer. Nous n'auons que deux differens caracteres, et s, pour ces quatre differentes prononciations: il faut donc establir quelques maximes generales pour faire les distinctions entieres. Cette lettre se rencontre au commencement des mots, ou au milieu, ou à la fin. Au commencement elle aspire toujours: foy, fien, fauuer, fuborner; à la fin, elle n'a presque point de son, et ne fait qu'allonger tant soit peu la syllabe, quand le mot qui suit se commence par vne consone, et quand il commence par vne voyelle, elle se détache de celuy qu'elle finit pour se joindre auec elle, et se prononce toûjours comme vn z, soit qu'elle soit précedée par vne consone ou par vne voyelle.

« Dans le milieu du mot, elle est, ou entre deux voyelles, ou aprés vne consone, ou auant vne consone. Entre deux voyelles elle passe tousiours pour z, et aprés vne consone elle aspire tousiours, et cette difference se remarque entre les verbes composez qui viennent de la mesme racine. On prononce prezumer, rezister, mais on ne prononce pas consumer, n'y perzister. Ces régles n'ont aucune exception, et j'ay abandonné en ces rencontres le choix des caracteres à l'imprimeur, pour se seruir du grand ou du petit, selon qu'ils se sont le mieux accommodez auec les lettres qui les joignent. Mais ie n'en ay pas fait de mesme, quand l'est auant vne consone dans le milieu du mot, et ie n'ay pû souffrir que ces trois mots, refte, tempefte, vous eftes, fussent escrits l'vn comme l'autre, ayant des prononciations si differentes. I'ay re

serué la petite s pour celle où la syllabe est aspirée, la grande pour celle où elle est simplement allongée, et l'ay supprimée entierement au troisiéme mot où elle ne fait point de son, la marquant seulement par vn accent sur la lettre qui la précede. l'ay donc fait ortographer ainsi les mots suiuants et leurs semblables, peste, funeste, chaste, refiste, espoir; tempefte, hafte, tefte; vous étes, il étoit, ébloüir, écouter, épargner, arréter. Ce dernier verbe ne laisse pas d'auoir quelques temps dans sa conjugaison où il faut lui rendre l', parce qu'elle allonge la syllabe, comme à l'impératif arrefte, qui rime bien auec tefte, mais à l'infinitif et en quelques autres où elle ne fait pas cet effet, il est bon de la supprimer et escrire, j'arrétois, j'ay arrété, j'arréteray, nous arrétons, etc.

« Quant à l'e, nous en auons de trois sortes. L'e feminin qui se rencontre tousiours ou seul, ou en diphtongue dans toutes les dernieres syllabes de nos mots qui ont la terminaison feminine, et qui fait si peu de son, que cette syllabe n'est iamais contée à rien à la fin de nos vers feminins, qui en ont tousiours vne plus que les autres. L'e masculin qui se prononce comme dans la langue latine, et vn troisième e qui ne va iamais sans l's, qui luy donne vn son esleué qui se prononce à bouche ouuerte, en ces mots, fucces, acces, expres. Or comme ce seroit vne grande confusion que ces trois e en ces trois mots, afpres, verite et apres, qui ont vne prononciation si differente, eussent vn caractère pareil, il est aisé d'y remedier, par ces trois sortes d'e que nous donne l'imprimerie, e, é, è, qu'on peut nommer l'e simple, l'e aigu et l'e graue (1). Le premier seruira pour nos terminaisons feminines, le second pour les latines, et le troisième pour les esleuées, et nous escrirons ainsi ces trois mots et leurs pareils, afpres, verité après, ce que nous estendrons à fuccès, excès, procès, qu'on auoit jusqu'icy escrits auec l'e aigu, comme les terminaisons latines, quoy que le son en soit fort different. Il est vray que les imprimeurs y auoient mis quelque difference, en ce que cette terminaison n'estant iamais sans, quand il s'en rencontroit vne aprés vn é latin, ils la changeoient en z et ne la faisoient préceder que par vn e simple. Ils impriment veritez, deitez, dignitez et non pas verités, deïtés, dignités, et j'ay conserué cette ortographe: mais

(1) Il est regrettable que, dans cette excellente réforme, Corneille n'ait pas, tout au contraire, nommé grave l'e que nous appelons aigu, et aigu celui que nous nommons grave; cela eût été plus logique, puisque la voix s'abaisse en pesant sur le premier et s'élève sur le second.

pour éuiter toute sorte de confusion entre le son des mots qui ont l'e latin sans ƒ, comme verilé, et ceux qui ont la prononciation éleuée comme succès, j'ay crû à propos de nous seruir de differents caracteres, puisque nous en auons, et donner l'è grave à ceux de cette derniere espece. Nos deux articles pluriels, les et des ont le mesme son, quoy qu'écrits avec l'e simple : il est si mal-aisé de les prononcer autrement, que ie n'ay pas crû qu'il fust besoin d'y rien changer. Ie dy la mesme chose de l'e deuant deux ll, qui prend le son aussi esleué en ces mots belle, fidelle, rebelle, etc., qu'en ceux-cy, succès, excès; mais comme cela arriue tousiours quand il se rencontre auant ces deux ll, il suffit d'en faire cette remarque sans changement de caractere. Le mesme arriue deuant le simple 7, à la fin du mot mortel, appel, criminel et non pas au milieu, comme en ces mots celer, chanceler, où l'e auant cette l garde le son de l'e feminin.

<< Il est bon aussi de remarquer qu'on ne se sert d'ordinaire de l'é aigu qu'à la fin du mot, ou quand on supprime l' qui le suit, comme à établir, étonner : cependant il se rencontre souuent au milieu des mots auec le mesme son, bien qu'on ne l'escriue qu'avec vn e simple, comme en ce mot seuerité qu'il faudroit escrire séuérité, pour le faire prononcer exactement, et peut-estre le feray-je obseruer en la premiere impression qui se pourra faire de ces recueils.

<< La double I dont ie viens de parler à l'occasion de l'e a aussi deux prononciations en nostre langue, l'vne seche et simple, qui suit l'ortographe, l'autre molle qui semble y joindre vne h. Nous n'auons point de differents caracteres à les distinguer, mais on en peut donner cette régle infaillible. Toutes les fois qu'il n'y a point - d'i auant les deux II, la prononciation ne prend point cette mollesse en voicy des exemples dans les quatre autres voyelles, baller, rebeller, coller, annuller. Toutes les fois qu'il y a vn i auant les deux ll, soit seul, soit en diphtongue, la prononciation y adjouste vne h. On escrit bailler, éueiller, briller, chatoüiller, cueillir et on prononce baillher, éueillher, brillher, chatouillher, cueillhir. Il faut excepter de cette régle tous les mots qui viennent du latin et qui ont deux dans cette langue, comme ville, mille, tranquille, imbecille, distille, illustre, illegitime, illicite, etc. le dis qui ont deux ll en latin, parce que les mots de fille et famille en viennent et se prononcent auec cette mollesse des autres, qui ont l'i deuant les deux llet n'en viennent pas; mais ce qui fait

cette difference, c'est qu'ils ne tiennent pas les deux des mots latins filia et familia qui n'en ont qu'vne, mais purement de nostre langue. Cette régle et cette exception sont generales et asseurées. Quelques modernes, pour oster toute l'ambiguïté de cette prononciation, ont escrit les mots qui se prononcent sans la mollesse de l'h auec vne I simple, en cette maniere, tranquile, imbecile, distile, et cette ortographe pourroit s'accommoder dans les trois voyelles a, o, u, pour escrire simplement baler, affoler, annuler, mais elle ne s'accommoderoit point du tout auec l'e et on auroit de la peine à prononcer fidelle et belle si on escriuoit fidele et bele; l'i mesme sur lequel ils ont pris ce droit ne le pourroit pas souffrir tousiours et particulierement en ces mots ville, mille, dont le premier, si on le reduisoit à vne 7 simple, se confondroit auec vile, qui a vne signification toute autre.

<< Il y auroit encor quantité de remarques à faire sur les differentes manieres que nous auons de prononcer quelques lettres en nostre langue; mais ie n'entreprends pas de faire vn traité entier de l'ortographe et de la prononciation, et me contente de vous auoir donné ce mot d'auis touchant ce que i'ay innoué icy. Comme les imprimeurs ont eu de la peine à s'y accoustumer, ils n'auront pas suiuy ce nouuel ordre si punctuellement qu'il ne s'y soit coulé bien des fautes : vous me ferez la grace d'y suppléer. »

On peut, en effet, juger du désordre orthographique qui s'était introduit dans les imprimeries d'alors par la longue citation textuelle que je viens de reproduire. Ce n'est donc point un faible service que rendit la publication du Dictionnaire de l'Académie en apportant quelque remède à cette anarchie.

C'est un grand mérite à Corneille d'avoir proposé, comme nous venons de le voir, une accentuation régulière de l'e plus de cent ans avant que l'Académie l'introduisit complétement dans le Dictionnaire. Quant à la distinction qu'il suggère de l' longue et de la petite s, elle devint inutile dès 1740 par l'emploi de l'é aigu et de l'é circonflexe, ces deux accents ayant remplacé l's.

Il est regrettable que Corneille, sans doute à cause de son âge, n'ait pu assister aux premières délibérations des Cahiers; son autorité, secondée par celle de Bossuet, eût sans doute fait prévaloir beaucoup d'améliorations dont quelques-unes ne sont pas encore réalisées.

Jacques-Bénigne BOSSUET, membre de l'Académie vers 1670, prit une part active à la rédaction du Dictionnaire. Ses idées en matière d'orthographe, dont on trouve quelques traces dans le manuscrit existant à la Bibliothèque impériale des Résolutions de l'Académie françoise touchant l'orthographe (1), sont aussi libérales que progressives. On en jugera par les quelques passages suivants que j'extrais de l'introduction des Cahiers dans l'édition donnée par M. Marty-Laveaux :

« Parmi les lettres qui ne se prononcent pas et que l'Académie a dessein de retenir, il y en a qui ne seruent guere a faire connoistre l'origine; de plus il faut marquer de quelle origine on ueut parler, car l'ancienne orthographe retient des lettres qui marquent l'origine a l'egard des langues etrangeres, latine, italienne, alemande, et d'autres qui font connoistre l'ancienne prononciation de la France mesme. Il faut demesler tout cela. Autrement des le premier pas on confondra toutes les idées. »

«On ueut suivre, dit-on, l'ancienne orthographe (art. Ier des Cahiers) et cependant on la condamne ici et ailleurs une infinité de fois. Ueut on ecrire recebuoir, deub, nuict, etc.? On les reiette. Ce n'est donc pas l'ancienne orthographe qu'on ueut suiure, mais on ueut suiure l'usage constant et retenir les restes de l'origine et les uestiges de l'antiquité autant que l'usage le permettra. »

On avait proposé de dire dans les Résolutions : « C'est une vilaine et ridicule orthographe d'escrire par un à ces syllabes qu'on a touiours escrites en et ent, par exemple d'orthographier antreprandre, commancemant, anfant, sansemant, etc. » Bossuet, plus grammairien en cette circonstance que Regnier des Marais, qui voulait qu'on passât à l'ordre du jour, s'exprime en ces termes :

« Il y a pourtant ici quelques regles a donner pour l'instruction. La regle la plus generale c'est de retenir en par tout ou il y a en ou in en latin, comme dans in, intra et leurs composez. Cependant dans les participes qui ont ens en latin on ne laisse pas de dire en francois lisant, peignant, oyant, feignant, etc., et de. mesme pour les gerondifs legendo, patiendo, en lisant, en pâtissant, etc. Les mesmes participes deuenant adiectifs reprennent l'e

(1) C'est le titre primitif des Cahiers sur l'orthographe.

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