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A. Wechelum, seu Steph. Groulleau, 1561 (privil. de 1557), pet. in-8, de 268 pp. et 2 ff. (Souvent réimprimé.)

L'ouvrage de Pillot, analysé avec soin par M. Livet, p. 270 de son livre cité page 190, n'est utile que pour la constatation de l'écri ture et de l'orthographe à la fin du xvIe siècle. L'abus des lettres majuscules était devenu tel que Pillot, voulant régler leur emploi, l'étend au point qu'il aurait mieux fait d'énumérer les mots qui devraient n'en pas prendre.

ABEL MATHIEU, natif de Chartres. Devis de la langue françoyse, à Jehanne d'Albret, royne de Navarre, duchesse de Vendosme, etc. Paris, imprimerie de Richard Breton, 155960, 2 part. en 1 vol. pet. in-8 de 44 et 39 ff. (en caractères de civilité). - Devis de la langue francoise....., par A. M., Sieur des Moystardières. Paris, veufue Richard Breton (et Jean de Bordeaux), 1572, pet. in-8, de iv ff. prél. et 64 ff. (Le Devis de la langue finit au f. 35 verso.)

L'auteur n'est point un grammairien, mais un gentilhomme devisant de la langue pour le plaisir des dames. Sans être réformateur, il est indépendant. « Notre langue est à nous, dit-il; les Grecs et les Latins n'ont rien à y voir. >>>

Il n'approuve l'emploi du s long, du het de l'y que parce que « ces lettres, par leur forme, servent d'ornement et d'ampliation à l'escripture et lui donnent de la grace suivant la similitude dont il a usé de l'œil à la peinture (1). »

PIERRE RAMUS (la Ramée). Gramere. Paris, André Wechel, 1562, pet. in-8, de 126 pp. et 1 f. d'errata. (1re édit. anonyme.)-Grammaire de P. de la Ramee, lecteur du roy, etc. Paris, A. Wechel, 1572, pet. in-8, de 9 ff. prél. et 211 pp.; ib., Denys du Val, 1587, pet. in-8, de 223 pp.

La Ramée, plus connu sous le nom de Ramus, lecteur du roi

(1) Et en effet, si l'on jette les yeux sur les spécimens de calligraphie du xvr siècle et même sur les chefs-d'œuvre d'écriture de Jarry au xvius, on voit que les artistes se complaisaient dans la belle forme qu'ils donnaient aux lettres longues, et particulièrement à l'y.

en l'Université de Paris, savant latiniste, helléniste et hébraïsant, auteur d'ouvrages fort appréciés de son temps sur la dialectique, les mathématiques, la langue latine et la langue grecque, est peutêtre le plus érudit des auteurs de réformes de l'écriture française. Son système a pour but de représenter avec une fidélité absolue la prononciation par l'écriture, et l'on peut dire qu'il y réussit presque aussi bien peut-être que ses représentants de nos jours, M. Marle et M. Féline. Grâce à son petit livre, nous sommes en mesure de prononcer le français comme un orateur au temps de Henri III. Ce n'est pas un faible service rendu à la philologie, et nous serions heureux qu'il y eût eu un Ramus dans Athènes au temps de Périclès, et dans Rome sous Auguste.

A l'exception de l'e muet, qu'il représente par un e à boucle inférieure et que je représenterai par s; de l et ll mouillé, qu'il écrit par l à boucle et que je figurerai para; du ch, qu'il figure par c avec boucle et que je remplace par ξ; de gn, par n, et de nt, qu'il écrit par n à boucle dans les mots en ant final, Ramus n'introduit dans son écriture aucun caractère nouveau ni étranger au français. Il met ainsi un signe simple à la place des signes binaires ou digrammes, et il donne à toutes ses lettres une prononciation constante et unique. Le c se prononce comme le cappa, le g comme le gamma des Grecs. Le s, si embarrassant pour les étrangers, n'a qu'une seule valeur, celle du sigma. Toute lettre nulle dans la prononciation disparaît de son écriture, et il se passe même d'accents, simplification qui n'est pas à dédaigner pour l'écriture cursive. Il résulte de cette méthode une grande économie dans l'écriture et l'impression, comme on va en juger :

« Apres avoer reconu (ami lecteur) se ce j'avoe publie de la Gra« mere tan' grece ce latins, j'e prin' plezir a considerer sels de ma « patrie : de lacele (come je puis estimer par le' livre' publies envi<< ron depui' trent' ans ensa) le premier auteur a ete Jace' du Boes « (Sylvius), exelen' profeseur de medɛsine, ci entr' autre' ξozes a taže << a reformer notr' ecriture e la fers cadrer a la parole. Etiene Dolet « a fet celce trete, come de' poins et apostrofe : mes le batiment « de set' euvre plu' haut e plu' manifice, e de plu' riže e divers' « etofe, e' propre a Loui' Megret: Toutefoes il n'a pas persuade a « un žacun se c'il pretendoet touξan' l'ortografe: Jace Pelstier a « debatu se point en deu' dialogas subtilemente doctement: Gia«aume des Autes (Autels) l'a fort combatu pour defendre e meintenir & l'ansien' ecriture. Le' plu' nouveaus ont evite sete controverse, « e on' fet celce forme de doctrine žacun a sa fantazie, Jan Pilot « en latin, com' avoe' fet Jace' du Boes au paravant, Robert Etiene « en fransoes, le'celz tous je lous et prize ξacun pour son merite, « en se c'ilz se sont eforse de nou' doner se pourcoe nous manifion'

« la lange grecs e latine, s'et a dire la loe de bien parler. >>>

On jugera, par cette citation, des avantages et des vices du système de Ramus. Toute méthode phonétique doit être absolue comme son principe, pour remplir complétement son objet: la certitude de la prononciation, la facilité et la rapidité de l'écriture. Celle de Ramus ne l'est pas. Il eût fallu se décider, dans cette voie, à écrire premie, batiman, subtileman, et non premier, batiment, sublilement, comme le fait l'auteur; mintenir, et non meintenir. Autrement on laisse subsister, en même temps que le doute dans la lecture, toute la subtilité des distinctions d'origine et d'étymologie. L'écriture, d'un autre côté, comme l'ont si bien remarqué les sténographes, ne peut être facile et prompte qu'à condition de supprimer les levées de la main nécessitées par toutes ces apostrophes prodiguées par Ramus, plus longues à former que les lettres muettes dont elles tiennent la place. A ce point de vue, tout trait nouveau ajouté à une lettre entraîne un retard équivalant au bénéfice de la suppression d'une lettre ou d'un accent. Les réformateurs phonographes, y compris Ramus (excepté Domergue et Marle), ont reculé devant cette nécessité, inhérente à leur méthode, qui forcerait d'abandonner la marque du pluriel quand elle ne se fait pas sentir à l'oreille, et le public, avec son bon sens pratique, a dédaigné des systèmes entachés d'inconséquence, qui mutilaient la grammaire sans grand profit comme économie de temps et comme simplicité.

Pierre Ramus a le mérite d'avoir, deux siècles avant nos grammairiens et nos dictionnaires, distingué le v de l'u, le j de l'i, et ces deux consonnes ont porté longtemps le nom de consonnes ramistes, en souvenir de leur célèbre patron.

Dans l'édition de 1572, l'auteur, pour remédier sans doute à la difficulté que les gens du monde avaient éprouvée à lire son écriture, a placé dans une colonne en regard son texte orthographié selon la manière ordinaire.

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ÉTIENNE PASQUIER (1), dans une de ses « Lettres à M. Ramus, professeur du Roy en la philosophie et les mathématiques », combat avec raison l'excès dans lequel ce savant, renchérissant sur Meigret et Peletier, était tombé, en bouleversant notre orthographe, et, par suite de cet excès même, Pasquier se prononce encore plus fermement pour le maintien des anciens usages. Tel est l'effet ordinaire de toute exagération en matière de réformes.

On lira avec intérêt cette longue Lettre, où, après avoir réfuté le système de Ramus, il traite particulièrement des diphthongues. Malheureusement, nous ne possédons plus le texte original de Pasquier; mais dans l'impression, qui est de près de cent soixantequinze ans postérieure à l'époque où il écrivait, on paraît s'être attaché en grande partie à suivre celle de l'ancienne édition. On en pourra juger par ce que je transcris ici de cette lettre, où d'ailleurs Pasquier consent que, « s'il se trouve dans notre orthographe quelques choses aigres, on y puisse apporter quelque douceur et attrempance ».

« Or sus, je vous veux denoncer une forte guerre, et ne m'y veux pas presenter que bien empoint. Car je sçay combien il y a de braves capitaines qui sont de vostre party. Le premier qui de nostre temps prit ceste querelle en main contre la commune, fut Louys Meigret, et aprés luy Jacques Peletier, grand poëte, arithmeticien, et bon medecin, que je puis presque dire avoir esté le premier qui mit nos poëtes françois hors de page. A la suitte desquels vint Jean Antoine de Baïf, amy commun de nous deux, lequel apporta encores des regles et propositions plus estroites. Et finalement vous (2), pour clorre le pas, avez fraischement

(1) Les Œuvres d'Estienne Pasquier, 2 vol. in-fol., Amsterdam, 1723, t. II, p. 55.

(2) Il paraîtrait par ce passage que Pasqujer n'avait pas connaissance de la première édition de la Gramère de la Ramée, publiée en 1562 chez Wechel, sans nom d'auteur : autrement il n'eût pas été assez injuste pour donner la priorité à la tentative faite par Jean-Antoine de Baïf dans les Etrennes de poezie françoise, dont le privilége est de 1571 et l'édition datée de 1574. L'antériorité de Ramus, appuyée sur le rapprochement des dates, ne saurait être un moment douteuse. D'ailleurs, dans l'énumération que ce savant fait, dans l'édition de 1562, de tous ses prédécesseurs dans la carrière de la réforme, énumération que j'ai transcrite plus haut (p. 192), il n'est nullement question de Baïf. Toutefois, dans sa seconde édition, datée de 1572, Ramus ajoute, après l'énoncé des écrivains indifférents ou même hostiles à ses idées, ce passage:

mis en lumiere une grammaire françoise, en laquelle avez encores adjousté une infinité de choses du vostre, plus estranges que les trois autres. Je dy nommément plus estranges; car plus vous fourvoyez de nostre ancienne ortographe (sic) et moins je vous puis lire. Autant m'en est-il advenu voulant donner quelques heures à la lecture de vos partisans. Je sçay que vostre proposition est trèsprécieuse, de prime rencontre; car si l'escriture est la vraye image du parler, à quoy nous pouvons nous plus estudier que de representer par icelle en son naïf, ce pourquoy elle est inventée ? Belles paroles vrayement. Mais je vous dy que quelque diligence que vous y apportiez, il vous est impossible à tous de parvenir au dessus de vostre intention. Je le cognois par vos escrits: car combien que vous décochiez toutes vos fleches à un mesme blanc, toutes fois nul de vous n'y a sçeu attaindre (sic): ayant chacun son orthographe particuliere, au lieu de celle qui est commune à la France. Comme de faict nous le voyons par l'Apologie que Peletier a escrit encontre Meigret, où il le reprend de plusieurs traits de son orthographe. Et vous mesmes ne vous rapportez presque en rien par la vostre à celle, ny de Meigret, ny de Peletier, ny de Baïf. Qui me faict dire que pensant y apporter quelque ordre, vous y apportez le desordre: parce que chacun se donnant la mesme liberté que vous, se forgera une orthographe particuliere. Ceux qui mettent la main à la plume prennent leur origine de divers païs de la France, et est mal-aisé qu'en nostre prononciation il ne demeure tousjours en nous je ne sçay quoy du ramage de nostre païs. Je le voy par effect en vous, auquel, quelque longue demeure qu'ayez faite dans la ville de Paris, je recognois de jour à autre plusieurs traits de vostre picard, tout ainsi que Pollion recognoissoit en Tite-Live je ne sçay quoy de son padouan. J'adjouste que soudain que chacun en son particulier se faict accroire estre quelque chose entre nous, aussi nous veut-il servir de mots non meilleurs, ains qu'il nous debite, par une faulse persuasion,

« Naguère I. A. de Baif a doctement et vertueusement entreprins le poinct de « la droicte escripture, et la fort esbranlé par ses viues et pregnantes persua« sions. »

Comme il ne peut être ici question de l'édition des Etrennes datée de 1574, c'est-à-dire mise au jour deux ans après la deuxième édition de la Gramère de la Ramée, il est à croire que le poëte Baïf aura publié quelque chose sur ce sujet dans l'intervalle compris entre 1562 et 1572, ou bien qu'il existe une édition des Etrennes publiée l'année même du privilége (1571) et complétement inconnue aux bibliographes.

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