mêmes auxquels il le destine, les femmes, les enfants, les pauvres. Cette addition de traits diacritiques est trop compliquée pour eux et retarde l'essor de l'écriture des personnes instruites, écriture qui doit toujours pouvoir être cursive pour satisfaire aux besoins qui lui ont donné naissance. * NICOLAS DUPONT, avocat au parlement, bailli du duché de Châtillon-sur-Loing. Examen critique du traité d'Ortographe de M. l'abbé Regnier Desmarais, Secrétaire perpétuel de l'Académie françoise, avec les principes fondamentaux de l'art d'ecrire. Paris, 1713, in-12. « Il y a dans ce livre, dit l'abbé Goujet (t. I, p. 113), des remarques et des réflexions dont on peut profiter, et que M. l'abbé Regnier n'auroit peut-être pas dû négliger. On ne pourroit pas cependant conseiller d'adopter son systême: il ne differe en rien pour le fond de celui du pere Vaudelin. Je crois aussi qu'il eût été bien embarrassé de prouver ce qu'il avance, que les Grecs et les Latins avoient une ortographe réguliere, telle qu'il se l'imagine. Étoit-il à portée d'en juger, puisqu'actuellement nous ne savons nullement quelle étoit la véritable prononciation du grec et du latin dans le bel usage de ces deux langues? >> L'abbé G. (Girard, de l'Académie française en 1744). L'Ortografe française sans équivoques et dans ses principes naturels ou l'art d'écrire notre langue selon les loix de la raison et de l'usage, d'une manière aisée pour les dames, comode pour lés étrangers, instructive pour les provinciaux et nécessaire pour exprimer et distinguer toutes lés diférances de la prononciacion. Paris, Pierre Giffart, 1716, in-12. L'abbé Girard, comme nous l'avons vu plus haut, p. 139, est un réformateur modéré et un esprit raisonnable. Malheureusement il n'a pas vu que son système d'accentuation ajoute aux difficultés et aux lenteurs de l'écriture au lieu de les écarter. « On pourroit bien se tromper, dit-il (p. 23), en croyant que ç'a toujours été par dés raisons d'étimologie qu'on a introduit dans le français tant de lettres inutiles et équivoques. Non, il ne faut pas croire que nos pères aient été d'assez mauvais gout que de mettre à plaisir toutes cés lettres oiseuses et embarassantes dans leur ortografe; ni qu'ils aient poussé la bizarrerie jusqu'à vouloir écrire leur propre langue tout diférammànt qu'ils ne la parloient, précisémánt pour conserver la mémoire dés emprunts qu'ils faisoient dans une autre langue pour enrichir la leur; ni qu'ils aient pansé comme quelques grammairiens, qui sont ravis de trouver et de conserver dans le français toutes lés lettres qui sont dàns le latin, sans se mettre en peine de l'incomodité qu'elles y causent, ni de la mauvaise grace dont elles y figurent. Nos pères n'ont assurémànt point pansé à tous cés petits raisonemans: ils se sont servis dés lettres pour le besoin, et si leur ortografe aproche plus du latin, c'est que leur manière de parler n'en étoit pàs si éloignée qu'en est la nôtre. Ainsi, je suis persuadé que ce n'a point été l'étimologie, mais la prononciacion de cés tams là qui a introduit toutes cés lettres, qui sont devenues inutiles, lorsqu'on s'est avisé de faire dés changemans dans la prononciacion, car une grande partie de nos mots se prononçoient autrefois comme ils s'écrivent aujourdui. Desorte que ce seroit toujours écrire comme on écrivoit que d'écrire comme on prononce. » Après avoir ainsi donné un exemple de l'écriture du P. Girard, il me reste à en expliquer les détails. L'auteur reconnaît trois sortes d'a: l'a bref ou ordinaire, comme dans parure, amour, canon; l'a long, marqué de l'accent circonflexe, comme dans pâté, pâques, matin, et l'a adverbe, marqué par un accent grave, comme dans ces mots à Rome, là, au delà, promptemànt. Il est regrettable que le docte jésuite n'ait pas admis la distinction des voyelles nasales de l'abbé Dangeau, qui lui eût fourni une simplification orthographique plus rationnelle que l'accent grave placé sur cet àn. Il écrit complimant, contant, agrémant, parant, acçant, tams, example, tample, réservant la forme ent pour la troisième personne du pluriel des verbes : ils chantent. Il écrit Anglais, Hollandais, Français, au lieu de Anglois, Hollandois, François; connaitre, paraitre, au lieu de connoître, paroître. S'il conserve oi aux imparfaits, c'est par pur amour de la paix et parce que « ce seroit plûtot témérité que courage de vouloir l'en déloger. » Il n'admet la simplification du double e que dans quelques mots, comme acorder, acoucher, mais il restitue à cette lettre sa place phonétique dans les mots où t se prononce c. Il écrit donc caucion, créacion, prononciacion, Gracien, quocien, inicier, primacie. Mais, par esprit d'accommodement, il conserve le t dans ces mots: action, distinction, perfection, examption, exception, où il est précédé d'un c ou d'un p. Il bannit un c dans les mots sçavoir, sçavant, sciance, scène, contract, sainct. Pour remédier à l'incertitude de prononciation du ch, il le conserve seulement dans les mots charité, cheminée, chose, etc., et le remplace par le k dans ceux où il est dur au lieu d'être aspiré. Il écrit donc kiromancie et arkiépiscopal. Il serait trop long d'analyser ici le chapitre que l'auteur consacre à la lettre e et les articles de plusieurs autres lettres. Je noterai cependant son opinion sur la lettre f et le ph. Il conserve le ph dans les noms propres transcrits du grec: Phaeton, Philippe, Phocas, Céphale; il l'admet également au mot philosophe, où il croit qu'il sied à merveille, « par le respect que nous devons avoir pour les sages de la Grèce, » ainsi que dans les mots où il est précédé d'un m, comme triompher, nimphe, simphonie. Partout ailleurs l'f lui suffit: exempl. : fantaisie, fanatique, ortografe, profane. Il regrette qu'on n'ait pas inventé encore une cédille pour distinguer le g doux dans agir, généreux, obligeant, geolier, gageure, dug dur, dans les mots languir, guéridon, Goliath, guide. Quant à l'h, il ne lui reconnaît pas d'utilité dans les mots crétien, cronique, rétorique, rúme, auteur, téatre, téologie, aujourdui. Il la maintient au commencement des syllabes où elle est d'usage, comme dans homme, honéte, hureux (sic) (1), dehors, souhait, haine, « avec cependant une petite marque de distinction dans lés occasions où elle est fortemànt aspirée. Cette marque sera un point placé dans le çantre de cette lettre. >> Lorsque la voyelle i est suivie d'un 7 mouillé, il l'écrit avec un tréma, ex. coquille, fille, sillon, péril, babil, gentil, ce qui nous indique, par parenthèse, que ces trois derniers mots, surtout le dernier, se prononçaient en 1716 autrement qu'aujourd'hui. (1) Telle était la prononciation de la triphthongue eur dans quelques parties de la France, et particulièrement en Normandie. Voltaire se l'est permise dans ces vers: Il voit les murs d'Anet bâtis aux bords de l'Eure, Il supprime l'a dans ces mots sœur, bœuf, vœux, qu'il écrit par un e simple seur, beuf, veux. Il enlève le p dans temps, baptême, ptisane, corps, niepce, qu'il orthographie tams, batéme, tisane, corps, nièce; mais il le garde dans le nombre sept. Il conserve à la lettre q son u, qu'il appelle servile, mais il distingue par un point supérieur cet u lorsqu'il se fait entendre, comme ou devant a: aquatique, équateur, quadrature et comme u devant e et i, dans qüesteur, Quintilien, Quinquagésime. Quand le r ne se prononce pas à la fin des mots, il marque d'un accent aigu l'e qui le précède : singuliér, milliér, particuliér. La suppression de l's dans les mots connoistre, maistre, naistre, gouster, lui fournit l'occasion d'une observation assez ingénieuse. Le digramme ou signe binaire ai (qu'il appelle diftongue), étant long de sa nature, il est inutile d'employer l'accent circonflexe, et l'on doit écrire simplement conaitre, maitre, naitre, gouter. Il réclame une cédille sous le x dans les mots éxamen, éxil, éxample, où cette lettre se prononce comme gz. Il exclut l'emploi de l'y dans les mots mistique, sistème, hipotèque, sintaxe, sinode, piramide, hipocrite, et même dans ceux-ci : Baieux, Maïence. Le petit traité de l'abbé Girard fournit matière à une foule d'autres remarques intéressantes. Plan d'une ortographe suivie, pour les imprimeurs. (Dans les Mémoires de Trévoux, août 1719.) « L'ortographe françoise étant fort incertaine, à cause de l'usage différent des auteurs, qui en ce point se contrarient les uns les autres et souvent se contrarient eux-mêmes, il est bon, pour tirer les imprimeurs d'embarras, de leur fournir, comme ils l'ont souvent demandé, des régles auxquelles ils puissent s'attacher, pour garder dans l'ortographe la commodité et l'uniformité convenable et dont ils puissent rendre raison, quand ils ne seront pas obligez par les auteurs d'en user autrement. Ces reflexions ne seront point d'un moindre usage pour les etrangers qui sont encore plus embarrassez sur ce point que nos imprimeurs. »> Ces réformes, très-sages, ont presque toutes été acceptées. Elles consistent : 1o Dans la suppression de l's dans des mots de ce genre: j'ai eslé, qu'il fust, les forests, que l'auteur écrit été, fút, forêls. 2o Dans l'emploi de l'accent circonflexe pour remplacer l's supprimée dans ces mots : tácher, féte, apréte. 3° Par la raison de l'usage le plus étendu et le plus commode, on supprimera encore toutes les consones doubles qui ne se prononcent point; ainsi on n'imprimera point infidellité, appeller, pardonnera, mais infidelité, apeler, pardonera, parce qu'on ne prononce qu'une / dans les deux premiers et qu'une n dans le dernier. Il faut cependant excepter les mots fort courts, et qui n'ont qu'une sillabe, par exemple, elle, donne, comme (l'e muet n'est pas ici consideré). Il faut excepter ces monosillabes, parce que l'usage n'a point encore accoutumé les yeux à voir écrire ele, done, come: or, il ne faut jamais choquer manifesternent l'usage. »> 4° Il faut supprimer l'y partout, excepté en deux ou trois mots où l'usage l'exige; comme quand y fait seul un mot je vous y trouve, etc. 5° Il faut distinguer dans les syllabes finales les e aigus, dans assés (sic), placés, des è qui se prononcent ouverts: accès, progrès, etc. 6. Il faut supprimer l'e dans rendeu, conceu, aperceu, qu'il faut écrire rendu, conçu, aperçu. 7. Il ne faut employer le tréma que dans le cas où il y a véritablement diérèse. 8o Il faut marquer d'un accent aigu tous les e qui ne sont pas muets, comme bonté, dégénéré, néteté (sic). On voit que, dès l'année qui suivait la publication de la seconde édition du Dictionnaire de l'Académie, on introduisait dans les imprimeries l'usage qui a prévalu en grande partie vingt-un ans plus tard dans la troisième. * Méthode du sieur PIERRE PY-POULAIN DE LAUNAY, ou l'Art d'apprendre à lire le François et le Latin, et l'Ortographe, par un nouveau systême si aisé qu'on y fait plus de progrès en trois mois qu'en trois ans par la maniere ordinaire. Paris, 1719, in-12.-PIERRE PY-POULAIN DE LAUNAY, fils du précédent. Le même ouvrage corrigé, perfectionné et aug |