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M. Didot adopte ces mots mal venus, mais il propose d'effacer le trait d'union qui les sépare, pour qu'on n'hésite plus sur leur orthographe. Il lui est facile de prouver que, l'Académie l'ayant effacé pour beaucoup d'entre eux, il y aurait justice et harmonie à le faire pour tous. Mais peut-être demande-t-il trop.

« Bien d'autres désordres d'orthographe, signalés dans cet excellent Mémoire, appellent toute l'attention de l'Académie pour la publication de sa septième édition. M. Sainte-Beuve, avec son érudition piquante, en a relevé finement un grand nombre. Mais il n'a pu tout dire: c'eût été trop long, même sous sa plume charmante. Je voudrais plus encore que ce que demandent M. SainteBeuve et M. Didot: je désirerais que les mots, les locutions vicieuses fussent aussi corrigés dans cette dernière édition.

<< Tous ces vœux seront-ils écoutés par les académiciens qui sont à l'œuvre ? Je ne sais, car je me souviens des résistances séculaires que les dictionnaires antérieurs ont opposées aux nouveautés les plus légitimes. Toutefois, j'ai bon espoir que l'Académie, mieux informée et plus juste cette fois, fera comme nous et accueillera favorablement la plupart des Observations si sensées de M. Didot. >>>

Je signalerai aussi l'article de M. Léger NOEL, dans le Journal de Rouen du 3 mars 1868, celui de M. Louis LIEVIN dans la Liberté du 5 avril et ceux de plusieurs autres littérateurs distingués qui ont donné, avec une extrême bienveillance, leur assentiment à mes recherches.

L'imprimerie parisienne s'est associée à ce mouvement des littérateurs et des érudits en faveur de la Réforme orthographique. Il me suffira de signaler ici la Lettre de la Société des correcteurs à l'Académie française, dans laquelle, à la suite d'un vote unanime (le 19 avril), la société supplie la docte compagnie de vouloir bien admettre le principe de l'uniformité orthographique dans sa prochaine édition.

Le mouvement d'adhésion s'est étendu jusqu'au-delà du détroit. Un typographe instruit en même temps que linguiste distingué, M. Théodore Küster, a publié à Londres dans le Printer's Register du 6 janvier 1868, un article dont je traduis les passages où l'auteur, après avoir analysé mes propositions, émet ses vues

propres.

A propos des mots du Dictionnaire de l'Académie empruntés de l'anglais ou de l'allemand, comme vagon, cipaye, valse, paquebot, railway, choucroute, etc., dont l'orthographe a été francisée, il s'exprime ainsi :

<< Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les mots où les th et les ph figurent aussi désagréablement que les wet k des Saxons?

« A notre point de vue, dans toute réforme orthographique, soit en France, soit en Angleterre ou dans tout autre pays, notre seul désir est de voir concilier, par une sorte de compromis entre eux, les deux systèmes basés l'un sur l'étymologie seule, l'autre sur la prononciation seule. M. Didot, dans ses observations, suggère quelque chose de fort juste à cet égard. Il fait deux listes de mots qu'il range sous deux titres : « mots d'un usage ordinaire » et « mots d'un usage exceptionnel », et il propose de simplifier les premiers, lorsqu'ils sont entrés dans le langage usuel, et de laisser aux savants leurs termes scolastiques tels qu'ils les ont formés. L'école grecque peut, si elle veut, forger des expressions techniques et les écrire comme elle veut, mais elle n'a pas le droit d'embarrasser le simple artisan avec des difficultés; car une grande partie du public et même du public liseur ne sait ni grec ni latin, et sera par conséquent incapable de distinguer les étymologies provenant de ces langues.

« Les remarques sur les doubles lettres sont très-justes, et on maintiendrait la double consonne dans le cas où elle se fait entendre, comme dans correcteur; mais il est utile de supprimer l'une des consonnes dans des mots tels que nourrir et de les écrire comme mourir.

« Les mots composés, en français, sont une source de grande perplexité, nonseulement pour les étrangers, mais même pour les indigènes; car il existe une grande diversité d'opinion relativement à la forme du pluriel dans les mots qui s'écrivent avec un trait d'union. Si le trait d'union était omis (comme le propose M. Didot), cette difficulté serait grandement diminuée; au lieu de chefs-d'œuvre, on écrirait chefdœuvres ou probablement chédœuvres. Nous mentionnerons à ce propos que l'introduction d'une branche de l'industrie britannique en France a doté ce pays d'un nouveau mot, pickpocket, qui, d'après la réforme orthographique, s'écrirait piquepoquet.

« En anglais l'emploi du trait d'union dans les mots composés est un peu incertain. Malheureusement nous n'avons pas, pour décider les questions d'orthographe, l'autorité d'un corps analogue à l'Académie française. Ce serait le devoir de la société philologique, mais elle ne s'en acquitte pas.

« Le caractère distinctif de l'esprit français est une fine perception de l'ordre et une tendance à introduire en tout une règle et une méthode. Les tendances des nations saxonnes et teutoniques sont tout autres: là c'est l'action individuelle. Nous, Anglais, nous sommes intolérants pour la centralisation, comme ne pouvant s'accorder avec ce droit individuel. Nous laissons les choses suivre leur cours, tandis que nos voisins d'outre-mer assignent aux choses le cours qu'elles auront à suivre. Il est aisé de voir de quel côté est l'avantage dans l'emploi des anomalies de la grammaire ou du dictionnaire. Dans cinquante ans ils auront fait de leur langue une armée bien réglée et bien disciplinée, tandis que la nôtre ressemblera à une foule énergique et indisciplinée, qui se pressant dans les rues d'une grande ville, y cause de la confusion. >>>

M. Küster critique ensuite ma proposition du t cédille :

« Nous ne pouvons admettre, dit-il, cette innovation, par la raison que nous avons plusieurs fois donnée dans le « Printer's register que l'ensemble des caractères restera toujours uniforme avec lui-même, attendu que pour se procurer de nouveaux caractères, soit g, soit t, les imprimeurs seraient entraînés à des dépenses qu'ils ne voudront pas plus faire pour ces lettres qu'ils ne l'ont fait pour l'à. Ils sont forcés d'adopter le proverbe : « Il faut travailler avec les outils que l'on a (1). »

« Nous sommes persuadé que beaucoup de personnes tenteront de s'opposer aux changements proposés dans l'ouvrage que nous avons sous les yeux. Elles ont appris le français d'après la méthode actuelle, et considéreront ces modifications comme une félonie à leur égard; mais, quand nous mettons en balance les plus grands inconvénients qui peuvent résulter de ces changements et l'énorme perte de temps qu'entraîne, pour ceux qui étudient le français, le système actuel, il nous semble que toute personne impartiale décidera en faveur de la réforme.

« Nous avons consacré à cette analyse plus de place que nos colonnes ne nous le permettraient à la rigueur; mais ce travail sera probablement d'un tel poids dans l'amélioration de l'orthographe française qu'il ne peut manquer d'avoir de l'influence même sur notre orthographe, Il suffira de dire, pour conclure, que l'auteur a déployé, dans ce volume, une vaste érudition, et il prouve ses propositions avec tant de clarté et de force, que nous souhaitons sincèrement de voir l'Académie adopter les changements qui lui sont proposés. Elle facilitera ainsi aux étrangers l'étude de l'une des langues les plus belles et les plus utiles du monde entier. »

La Patrie, gazette suisse, dans son numéro du 17 janvier, conclut ainsi l'article qu'elle a consacré à ma première édition :

« Si l'orthographe phonétique, conforme, comme on l'a vu, aux origines et à l'esprit de la langue française, présente d'incontestables avantages comme méthode de lecture et d'écriture, comme orthographe de ceux qui n'ont pas le temps d'apprendre celle des lettrés, et comme moyen de figurer exactement la prononciation de la langue française et de plusieurs langues étrangères, cette écriture ne doit pas encore avoir ses entrées dans le Dictionnaire de l'Académie, d'après M. Didot. Le peuple fera le sien quand il le jugera bon. Le savant imprimeur-libraire de l'Institut de France ne pouvait évidemment parler à l'Acadé. mie française que de l'orthographe des lettrés, et on doit lui savoir un gré infini d'avoir si nettement posé la question, et pris si courageusement l'initiative des importantes réformes indiquées dans son volume.

« Si l'on ajoute à cette publication du savant éditeur parisien les Rapports qui viennent d'être faits à l'Institut genevois par deux de ses membres, rapports trèsfavorables à la réforme orthographique, on verra que cette question mérite d'attirer partout l'attention des lettrés aussi bien que celle des amis de l'instruction populaire. >>>

M. O. HAVARD, dans la Revue du monde catholique du 25 mai dernier, adhère, avec de grandes réserves, au principe de la réforme :

« Comme conclusion pratique, dit-il, M. Didot voudrait, avec M. Raoux, voir

(1) Quand on voit avec quel empressement on introduit dans les livres des caractères si variés de forme et d'aspect, uniquement par caprice et pour satisfaire au désir de nouveauté aussi général en Angleterre qu'en France, on ne conçoit pas ce motif d'une économie sordide; et l'on s'étonne qu'en Angleterre on réimprime encore des ouvrages ou passages de notre langue sans employer l'à, sous prétexte que l'usage en est étranger à la langue.

les lexicographes représenter la prononciation, en tête des dictionnaires anglais, arabes et turcs, dans un système phonographique perfectionné et convenu entre les linguistes.

« Mais, avant d'en arriver à ce développement, la méthode phonétique a besoin de mûrir; jusque-là il faut se défier des innovations désordonnées, imprudentes, et ne pas éliminer une difficulté pour nous gratifier aussitôt d'une autre. Plus tard alors pourra-t-on voir l'Académie française se montrer aussi hardie que l'Académie de la Crusca en 1612, l'Académie de Madrid en 1726, le grand Vocabulario portuguez de Coïmbre en 1712, et concilier, dans la mesure légitime, le système phonographique avec le système orthographique des langues néo-latines. Mais l'anarchie qui règne en France dans la prononciation de la langue rendra toujours difficile, et peut-être d'ici longtemps impraticable, le projet des phonographes. Non-seulement entre les provinces du Nord et du Midi, mais dans la même contrée, on se trouvera en présence de dialectes et d'idiomes qui modifient singulièrement la prononciation littéraire. Il faudrait donc adopter une méthode conventionnelle: mais avec l'éducation insuffisante des classes inférieures, pourra-t-on la populariser ? >>

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IV. DE L'ORTHOGRAPHE ET DE
LA PRONONCIATION DES MOTS
TERMINÉS EN ANT OU ENT.
Adjectifs et substantifs ver-
baux provenant du parti-
cipe présent.....
Liste des adjectifs et sub-
stantifs verbaux formés
de participes latins en
ens (haute, moyenne et
basse latinité) provenant
de la 2o, 3o ou 4o conju-
gaison, et qui en français
se terminent en ant....
Liste des adjectifs et sub-
stantifs verbaux prove-
nant des trois dernières
conjugaisons latines et
qui se terminent en ent.
Mots en ent prononcés diffé-
remment, bien qu'écrits
de même....

67

69

71

...

72

De l'orthographe et de la pro-
nonciation des mots en

47

...

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Mots en ance...
Mots en ence.......

78

....

Ibid.

80

Mots avec th et ph réunis. Ibid.

Mots avec deux ph ou deux
th.............

.....

Ibid. V. SYLLABES ti, tion.........

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