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a l'approuve et loue grandement les raisons de ceux qui ont « voulu reformer l'orthographie. Mais voyant que telle nouueauté « desplaist aux doctes comme aux indoctes, i'aime beaucoup << mieux louer leur inuention que de la suyure, pource que ie « ne fay pas imprimer mes œuures en intention qu'ilz seruent « de cornetz aux apothiquaires ou qu'on les employe à quelque << autre plus vil mestier. >>

JACQUES PELLETIER, du Mans. Dialogue (1) de l'Ortografe e Prononciation Françoese, departi an deus liures. A Poitiers, par Ian e Enguilbert de Marnef, a l'anseigne du Pelican, 1550 (privil. de 1547), pet. in-8 de vш ff. et 216 pp. (2); Lyon, Iean de Tournes, 1555, pet. in-8 de iv`et 136 ff. L'Art poëtique, departi an deus liures. Lyon, Iean de Tournes, 1555, in-8, de 118 pp.

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Le petit volume de Pelletier est intéressant et instructif. La forme d'entretiens, qu'il a adoptée, où chacun de ses interlocuteurs, Jean Martin, Denys Sauvage, Théodore de Bèze, le seigneur Dauron, combat ou défend, avec clarté et une parfaite bonne foi, la réforme orthographique de l'auteur, nous permet de juger quelles étaient, à l'époque de la Renaissance, les idées des hommes instruits sur l'écriture française et ses principes; et, bien que les systèmes plus ou moins absolus de Sylvius, de Meigret, de Peletier, de Baïf, n'aient point été adoptés, on se félicite de voir tout le chemin que depuis le seizième siècle l'écriture a fait pour se rapprocher de la prononciation.

On écrivait, par exemple, comme nous le voyons dans l'ouvrage de Pelletier, soubcontrerolleur, que nous écrivons aujourd'hui souscontrôleur, et que nous pourrions écrire soucontrôleur, comme nous écrivons soutenement, soucoupe, etc. On prononçait sou, mou, cou, pou, et l'on écrivait sol, mol, col, pol. Bien qu'on prononçât

(1) L'e muet, que nous figurons ici avec une cédille, est représenté dans ce volume par un e barré.

(2) Les 37 premières pages sont consacrées à une Apologie à Louis Meigret Lionnoes, datée de Poitiers le 5 janvier 1549. Pelletier, sans partager en tout l'opinion de Meigret, se montre très-favorable à sa réforme. Cet opuscule lui a valu la Reponse de L. Meigret à l'apologie de lacques Pelletier. Paris, Wechel, 1550, in-4 de 10 ff.

dine ti, ira ti, on écrivait dîne il, ira il. Nous avons fait depuis ce temps un commencement de retour à la forme primitive du présent de l'indicatif en écrivant dine-t-il, ira-t-il.

Pelletier supprimait les lettres étymologiques de provenance grecque et écrivait teologie, teze, filosofie, cretien, etc.

L'écriture figurative de la parole proposée par Peletier ayant, comme celle des autres réformateurs de son époque, l'inconvénient de donner un aspect étrange et désagréable à l'impression, ne fut accueillie ni par les gens de cour ni par les imprimeurs.

JOACHIMI PERIONII benedictini cormæriaceni Dialogorum de linguæ gallicæ origine, eiusque cum græca cognatione, libri quatuor. Parisiis, apud Sebastianum Niuellium, 1555, in-8, de xxxvi et 149 ff.

Périon a écrit en latin un ouvrage dont le plan a beaucoup d'analogie avec la Conformité du language françois avec le grec de Henri Estienne. La recherche des étymologies et d'une parenté chimérique avec le grec l'a beaucoup plus occupé que le perfectionnement de l'écriture de son temps, surchargée, comme on sait, d'une si grande quantité de lettres superflues. Étranger, aussi bien que ses contemporains, à l'exception de Sylvius, à toute critique philologique, il admet, au milieu de judicieuses décou vertes, des explications qui feraient sourire à bon droit les linguistes de nos jours.

Ainsi il est plus latiniste et helléniste en orthographe française qu'aucun de ses émules. Il écrit achapter (acheter), acouter (axoúev), præteur (prætor), pæne (peine, de poena), sœur (soror), pour distinguer ce mot de seur (sûr, securus), aglanthier (églantier, de axavia), basme (baume, de balsamum), contendents, coulteau (cultellus), droëct (jus), host ruche (autruche, de ó orpoulos). Il recommande même onnyon (oignon, de xpouuvóv), egraphigner (égratigner), grephyer (greffier), thuer (occire, de fúɛ), etc.

La direction exclusivement hellénique de son travail, qui l'entraîne à ne tenir aucun compte de la provenance germanique ou celtique, ou même de la basse latinité, l'amène à écrire buthyner (de Bouluvεiv), au lieu de butiner, de l'ancien allemand büte, büten; mokker, de μwxxά0α, tandis qu'on a découvert en gallois le radical celtique moc, d'où moquerie; gambe et gambon (jambe, jambon)

GARNIER. de ×aμлý, au lieu du celtique (en écossais, gamban, en irlandais, gambun); Ianthil homme, dont l'étymologie gentilis était pourtant si claire; enfin non cheillant (de voyeλ), au lieu de l'ancien verbe chaloir, qui nous a laissé cette locution: Il ne m'en chaut.

Périon nous offre un curieux exemple des inconvénients de la méthode étymologique poursuivie inconsidérément et à outrance en matière d'orthographe.

Il propose de supprimer l's dans hoste, et voudrait que la lettre a remplaçât la lettre e partout où e se prononce a, attendu, dit-il, qu'il n'y a que les sapientes qui sachent qu'il faut écrire science ce qui se prononce sciance. Il voit avec peine les savants écrire escrivents, oïents et proueoents (scribentes, audientes, providentes), tandis que certains participes sont écrits par a.

Il admet les accents sur les voyelles, mais il en fait un emploi différent de celui auquel l'usage s'est fixé. Il se sert de l'accent circonflexe, avec d'autres savants du seizième siècle que je cite, devançant ainsi les grammairiens de près d'un siècle et demi. Il écrit aise, bourgois (civis) et bourgoise, françoise (française), croistre et cognoistre.

JEHAN GARNIER. Institutio gallicæ linguæ ad usum juventutis germanicæ, ad illustrissimos juniores principes landtgravios Hæssiæ conscripta. Authore Ioan. Garnerio. Marpurgi Hæssorum, ap. Io. Crispinum, 1558, pet. in-8.

M. Ch.-L. Livet a donné une analyse très-étendue de ce livre dans son ouvrage intitulé: La Grammaire française et les Grammairiens au XVIe siècle (1). Garnier, dans ce traité très-utile pour l'histoire des variations de l'orthographe, se plaint amèrement des lettres étymologiques inutiles et du contraste de l'écriture avec la prononciation, ce qui répugne aux étrangers et à tout lecteur : « Quod tædiosum valde molestumque fuit lectoribus; atque linguam ipsam odiosam et difficilem omnibus peregrinis reddidit. Siquidem merito omnes conquerentur, et ab ejus lectione abhorrent quod aliter scribamus, aliter vero pronuntiemus. »

JEAN PILLOT. Gallicæ linguæ institutio, latino sermone conscripta, per Ioannem Pilotum, barrensem. Parisiis, apud (1) Paris, Auguste Durand, 1859, in-8.

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LA RAMÉE. A. Wechelum, seu Steph. Groulleau, 1561 (privil. de 1557), pet. in-8, de 268 pp. et 2 ff. (Souvent réimprimé.)

L'ouvrage de Pillot, analysé avec soin par M. Livet, p. 270 de son livre cité page 190, n'est utile que pour la constatation de l'écriture et de l'orthographe à la fin du xvIe siècle. L'abus des lettres majuscules était devenu tel que Pillot, voulant régler leur emploi, l'étend au point qu'il aurait mieux fait d'énumérer les mots qui devraient n'en pas prendre.

ABEL MATHIEU, natif de Chartres. Devis de la langue francoyse, à Jehanne d'Albret, royne de Navarre, duchesse de Vendosme, etc. Paris, imprimerie de Richard Breton, 155960, 2 part. en 1 vol. pet. in-8 de 44 et 39 ff. (en caractères de civilité). Devis de la langue francoise....., par A. M., Sieur des Moystardières. Paris, veufue Richard Breton (et Jean de Bordeaux), 1572, pet. in-8, de iv ff. prél. et 64 ff. (Le Devis de la langue finit au f. 35 verso.)

L'auteur n'est point un grammairien, mais un gentilhomme devisant de la langue pour le plaisir des dames. Sans être réformateur, il est indépendant. « Notre langue est à nous, dit-il; les Grecs et les Latins n'ont rien à y voir. >>

Il n'approuve l'emploi du s long, du h et de l'y que parce que a ces lettres, par leur forme, servent d'ornement et d'ampliation à l'escripture et lui donnent de la grace suivant la similitude dont il a usé de l'œil à la peinture (1). »

PIERRE RAMUS (la Ramée). Gramerę. Paris, André Wechel, 1562, pet. in-8, de 126 pp. et 1 f. d'errata. (1re édit. anonyme.)-Grammaire de P. de la Ramee, lecteur du roy, etc. Paris, A. Wechel, 1572, pet. in-8, de 9 ff. prél. et 211 pp.; ib., Denys du Val, 1587, pet. in-8, de 223 pp.

La Ramée, plus connu sous le nom de Ramus, lecteur du roi

(1) Et en effet, si l'on jette les yeux sur les spécimens de calligraphie du

XVIe siècle et même sur les chefs-d'œuvre d'écriture de Jarry au xvire, on voit

que les artistes se complaisaient dans la belle forme qu'ils donnaient aux lettres longues, et particulièrement à l'y.

en l'Université de Paris, savant latiniste, helléniste et hébraïsant, auteur d'ouvrages fort appréciés de son temps sur la dialectique, les mathématiques, la langue latine et la langue grecque, est peutêtre le plus érudit des auteurs de réformes de l'écriture française. Son système a pour but de représenter avec une fidélité absolue la prononciation par l'écriture, et l'on peut dire qu'il y réussit presque aussi bien peut-être que ses représentants de nos jours, M. Marle et M. Féline. Grâce à son petit livre, nous sommes en mesure de prononcer le français comme un orateur au temps de Henri III. Ce n'est pas un faible service rendu à la philologie, et nous serions heureux qu'il y eût eu un Ramus dans Athènes au temps de Périclès, et dans Rome sous Auguste.

A l'exception de l'e muet, qu'il représente par un e à boucle inférieure et que je représenterai par ɛ; de l et ll mouillé, qu'il écrit par là boucle et que je figurerai par λ; du ch, qu'il figure par c avec boucle et que je remplace par ; de gn, par n, et de nt, qu'il écrit par n à boucle dans les mots en ant final, Ramus n'introduit dans son écriture aucun caractère nouveau ni étranger au français. Il met ainsi un signe simple à la place des signes binaires ou digrammes, et il donne à toutes ses lettres une prononciation constante et unique. Le c se prononce comme le cappa, le g comme le gamma des Grecs. Le s, si embarrassant pour les étrangers, n'a qu'une seule valeur, celle du sigma. Toute lettre nulle dans la prononciation disparaît de son écriture, et il se passe même d'accents, simplification qui n'est pas à dédaigner pour l'écriture cursive. Il résulte de cette méthode une grande économie dans l'écriture et l'impression, comme on va en juger :

« Apres avoer reconu (ami lecteur) se ce j'avoe publie de la Gra<< mere tan' grece ce latine, j'e prin' plezir a considerer selɛ dɛ ma « patrie de lacelɛ (comɛ je puis estimer par le' livre' publies envi«ron depui' trent' ans ensa) le premier auteur a ete Jace' du Boes « (Sylvius), exelen' profeseur de medesine, ci entr' autre' ozes a take << a reformer notr' ecriture e la fere cadrer a la parole. Etienɛ Dolet « a fet celce trete, come de' poins et apostrofe mes le batiment « dɛ set' euvrɛ plu' haut e plu' manificɛ, e dɛ plu' riɛ e divers' « etofɛ, e' propre a Loui' Megret : Toutefoes il n'a pas persuade a « un acun sɛ c'il pretendoet toutan' l'ortografe: Jacs Peletier a << debatu sɛ point en deu' dialoges subtilement e doctement: Gi<«<aume des Autes (Autels) l'a fort combatu pour defendre e meintenir

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