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* Le P. ANTOINE DOBERT, Dauphinois, religieux minime. Récréations littérales et mystérieuses, où sont curieusement estalez les principes et l'importance de la nouvelle orthographe, avec un acheminement à la connoissance de la poësie et des anagrammes. Lyon, de Masso, 1650, in-8.

Je n'ai pas pu voir cet ouvrage. L'abbé Goujet déclare qu'il ne connaît rien de plus ridicule et de plus burlesque.

DU TERTRE. Méthode universelle pour apprandre facilemant les langues, pour parler puremant et escrire nettemant en françois, recueillie par le S. Du Tertre. Paris, Iean Iost, 1651 et 1652, in-12.

Ouvrage sans valeur, sans intérêt, et qui dénote, de la part de son auteur, une complète ignorance des données de son sujet.

Le P. LAUR. CHIFLET. Essay d'une parfaite grammaire de la langue françoise: où le lecteur trouvera en bel ordre tout ce qui est de plus necessaire, de plus curieux et de plus elegant en la pureté, en l'orthographe et en la prononciation de cette langue (première édition). Anvers, 1659, in12; Paris, Maugé, 1668, in-12; sixième édition, Cologne, chez Pierre le Grand, 1680, in-12 de 4 ff. prél., 295 pp. plus 3 ff. de table; réimprimée sous le titre de Nouvelle et parfaite Grammaire, etc. Paris, 1680, et Jean Pohier, 1687, in-12 de 8 ff. prél. et 295 pp.; ibid., 1722, in-12.

L'ouvrage du savant jésuite a dû jouir d'une grande célébrité, si l'on doit en juger par les nombreuses éditions qu'on en a faites depuis 1659 jusqu'en 1722. C'est pourquoi il n'est pas étonnant de retrouver en partie l'application des principes de ce grammairien, en fait d'orthographe, dans la première édition du dictionnaire de l'Académie. Cette conformité d'opinions ne se rencontre cependant que dans les questions où Chifflet ne fait qu'enregistrer les règles consacrées par l'usage.

Chifflet cependant est loin dans ses principes d'être conserva

teur absolu. Ennemi de l'innovation en matière de prononciation, il professe, d'un autre côté, que c'est cette dernière qui doit régler l'écriture, sans qu'on doive trop se soucier des questions purement étymologiques.

Il est à regretter que l'Académie, dans son premier travail lexicographique, n'ait pas suivi de plus près les propositions de Chifflet; les changements apportés dans les éditions suivantes du dictionnaire en ont montré la justesse.

Je vais exposer rapidement celles de ses règles qui n'ont pas été admises dans la première édition du dictionnaire de l'Académie et celles où ce grammairien peut être considéré comme novateur, même aujourd'hui.

<< En écrivant, dit-il (p. 257), certains mots françois, qui naissent des langues étrangères, l'hébraïque, la grecque et la latine, et où le cha, cho, chu se prononcent comme ka, ko, ku, il est meilleur de n'y point mettre d'h, comme : arcange, escole, colere, Baccus, ecó, caractère, pascal, cicorée, estomac. Excepté chœur, que l'on est contraint d'écrire avec un h pour le distinguer de cœur. »

<< Aux noms terminez en ect, le c ne se prononce pas, comme effect, respect, etc. Lisez, et, pour mieux faire, écrivez aussi effet, respet, suspet, etc. Ecrivez aussi saint, instint, distint, défaut (p. 239). »

« N'écrivez pas subjection, ny sujettion, mais sujetion, comme il se prononce. Et généralement où le c ne se prononce pas devant le 1, les sçavans, pour la plûpart, ne l'écrivent plus (p. 258). »

« On écrit mieux soumettre, que soubmettre ou sousmettre (1). L'on dit et l'on écrit maintenant omettre et omission, et non pas obmettre (2), ny obmission (3). Cette mauvaise prononciation de quelques-uns estoit venue de l'ignorance de ceux qui n'entendoient pas l'étymologie latine de ce mot, qui vient du verbe omitto, où la première syllabe est briève et non pas obmitto qui ne fut jamais latin. Mais les sçavans ayant tenu bon, cet obmettre a perdu son crédit (p. 256). »

« Voicy les mots où le d ne se prononce pas et les plus sçavans ne l'y écrivent plus ajourner, ajournement, ajouter, ajuster,

(1, 2, 3) Orthographe adoptée dans la 1re édition du Dictionnaire de l'Académie.

amodier, avancer, avantage, avenir, aventurier, avertir, avis, avouër, aveu, avocat, etc. Il faut dire et écrire amiral et non pas admiral (p. 259). »

Pour les mots terminés en ent il est contraire à leur changement en ant, « car il y a, dit-il, grande différence entre les ant ou ent briefs et les longs, comme entre parent et par an ou parant de parer, entre contant son argent et content de son argent. Et l'on voit pour cela que quelques grammairiens, même des plus nouveaux, qui ont voulu reformer l'orthographe, n'ont pas bien rencontré, en conseillant d'écrire tous ces ent par un a, par exemple puremant et nettemant, comme ils l'ont pratiqué eux-mêmes dans le titre de leurs grammaires. Que n'ontils considéré que cela causeroit mille fausses prononciations, puisque tous les ant, écrits par a, sont longs, sans aucune exception? En un mot, leur zèle est bon, mais certes il est peu judicieux, et il seroit à désirer que quelqu'un de ces messieurs de l'Académie en prononçast un bel arrest, qui auroit, sans doute, une grande authorité sur tous les gens d'esprit (p. 211). »

Je n'ai pas besoin d'insister sur l'inanité d'une objection qui, fondée sur la quantité latine, n'est point applicable au français.

« C'est maintenant, dit-il encore plus loin (p. 274), une bonne coûtume de plusieurs sçavans de ne point écrire l's en beaucoup de mots où elle ne se prononce pas. On n'écrit plus deuxiesme, escrire, mais deuxieme (1), écrire: mais, à dire vray, tout cela n'estant qu'un trop petit remede à la bizarrie (sic) qu'il y a en nostre orthographe. Au sujet de l's, s'il la faut prononcer ou non, je ne vois autre moyen d'en faire une parfaite distinction, que d'écrire une double s, au lieu d'une simple, quand elle se doit prononcer devant les consones (sic). Par exemple: décrire une seule s, puisqu'elle est muette, desscription avec deux s pour signifier que l's y doit estre prononcée. Ce seroit un remede

(1) Plus loin cependant il abandonne même cette dernière orthographe, et se prononce pour le remplacement de l'x par le z. « Les mieux entendus n'écrivent plus deuxième, sixième, dixième, mais comme il se prononce (sic) deuziéme, siziéme, diziéme. » Il est à regretter qu'on n'ait pas adopté cette orthographe qui aurait fait disparaître la bizarrerie dans l'écriture de ces quelques adjectifs ordinaux, comme deuxième, troisième, douzième, dont la prononciation est identique malgré leur triple forme.

infaillible, mais je, n'oserois commencer le premier un si grand changement en nostre orthographe. »>

La proposition du bon père ne devait pas être acceptée. On ne revient jamais, heureusement, sur une amélioration accomplie.

Il dit qu'il est beaucoup de mots où le ti devrait plutôt s'écrire ci, comme il se prononce. « Ce sont les mots qui naissent de ceux qui se terminent en ce. Par exemple de vice, vicieux, par un e plûtost que par un t. » L'Académie a partagé à cet égard l'opinion du savant grammairien, sauf pour les mots essentiel, pestilentiel, substantiel, qui attendent encore la réforme.

Enfin, en ce qui concerne les doubles lettres, il paraît favorable au retranchement de la consonne muette pour rendre l'écriture conforme à la prononciation, car il écrit flame, consone, etc. Cependant à cet égard il ne suit aucune règle fixe et les exemples qu'on pourrait citer ne sont que des exceptions.

Grammaire générale et raisonnée contenant les fondemens de l'art de parler, expliqués d'une maniere claire et naturelle (par MM. de Port-Royal). Paris, Pierre Petit, 1660, in-12; Bruxelles, Fricx, 1676, pet. in-12.

Il serait à désirer, selon les savants auteurs:

« 1° Que toute figure marquast quelque son, c'est à dire qu'on n'écriuist rien qui ne se prononçast;

« 2o Que tout son fust marqué par vne figure : c'est à dire qu'on ne prononçast rien qui ne fust ecrit;

« 3° Que chaque figure ne marquast qu'vn son, ou simple ou double. Car ce n'est pas contre la perfection de l'écriture qu'il y ait des lettres doubles, puisqu'elles la facilitent en l'abrégeant;

« 4° Qu'vn mesme son ne fust pas marqué par de différentes figures. >>

Voir plus loin l'analyse de l'édition de 1756, annotée par Duclos.

ANTOINE BODEAU DE SOMAIZE. Le grand Dictionnaire des Prétieuses, historique, poétique, géographique, cosmographique, chronologique et armoirique, où l'on verra leur

antiquité, costume, devise, etc. Paris, Jean Ribou, 1661, 2 vol. petit in-8.

1.

M. Francis Wey, dans son ouvrage intitulé Remarques sur la langue française, a épuisé toutes les formules de l'indignation contre les << mutilations» que la « coterie » des Précieuses a fait éprouver à l'orthographe traditionnelle. Je ne saurais, sans de nombreuses et très-importantes restrictions, me ranger à son sentiment; le temps, d'ailleurs, a donné raison aux Précieuses sur bien des points. Voici ce qu'il dit à ce sujet (page 38 et suiv.):

« Ce n'est pas ici le lieu de débattre la valeur littéraire de cette coterie célèbre des Précieuses; nous devons nous borner à constater leur influence énorme sur l'orthographe, à raconter ce qu'elles firent, et comment les choses se sont passées. L'aventure est narrée par Somaize (1). Les conséquences de l'incident qu'il rapporte ont été si extraordinaires, l'incident lui-même est si peu connu, que nous le reproduirons en entier.

« L'on ne sçauroit parler de l'ortographe des pretieuses sans « rapporter son origine, et dire de quelle maniere elles l'invente« rent, qui ce fut et qui les poussa à le faire. C'estoit au commen« cement que les pretieuses, par le droit que la nouveauté a sur « les Grecs (2), faisoient l'entretien de tous ceux d'Athenes (3), que « l'on ne parloit que de la beauté de leur langage, que chacun en « disoit son sentiment et qu'il faloit necessairement en dire du bien «< ou en dire du mal, ou ne point parler du tout, puisque l'on ne << s'entretenoit plus d'autre chose dans toutes les compagnies. L'é« clat qu'elles faisoient en tous lieux les encourageoit toutes aux « plus hardies entreprises, et celles dont je vais parler, voyant « que chacune d'elles inventoient de jour en jour des mots nou<< veaux et des phrases extraordinaires, voulurent aussi faire quel« que chose digne de les mettre en estime parmy leurs semblables, « et enfin, s'estant trouvées ensemble avec Claristene (4), elles se << mirent à dire qu'il faloit faire une nouvelle ortographe, afin que « les femmes peussent écrire aussi asseurement et aussi corecte

(1) M. Wey n'indique pas de quel ouvrage il tire la citation suivante, mais on la trouve au mot ORTOGRAPHE du célèbre dictionnaire satirique devenu aujourd'hui si rare et si recherché des bibliophiles. Il a été réédité par M. Ch.-L. Livet dans la Bibliothèque elzévirienne de M. P. Jannet.

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(4) M. Le Clerc.

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