«ment que les hommes. Roxalie (1), qui fut celle qui trouva cette << invention, avoit à peine achevé de la proposer que Silenie (2) « s'écria que la chose estoit faisable. Didamie (3) adjoûta que cela « estoit mesme facile, et que, pour peu que Claristene leur voulut « aider, elles en viendroient bien-tost à bout. Il estoit trop civil « pour ne pas repondre à leur priere en galand homme; ainsi la « question ne fut plus que de voir comment on se prendroit à << l'execution d'une si belle entreprise. Roxalie dit qu'il faloit faire << en sorte que l'on pût écrire de mesme que l'on parloit, et, pour << executer ce dessein, Didamie prit un livre, Claristene prit une << plume, et Roxalie et Silenie se preparerent à decider ce qu'il << faloit adjouster ou diminuer dans les mots pour en rendre l'u« sage plus facile et l'ortographe plus commode. Toutes ces cho« ses faites, voicy à peu près ce qui fut decidé entre ces quatre « personnes : que l'on diminueroit tous les mots et que l'on en os« teroit toutes les lettres superflues. Je vous donne icy une partie de « ceux qu'elles corrigerent, et, vous mettant celuy qui se dit et « s'écrit communement dessus celuy qu'elles ont corrigé, il vous a sera aisé d'en voir la difference et de connoistre leur ortographe: (1) Mme Le Roy. — (2) Mlle Saint-Maurice. (3) Mlle de la Durandière. (4) Je marque d'un astérisque les mots dont l'usage et l'Académie ont compiétement ratifié la correction. Certaines simplifications, comme entousiame, catéchime, frédeur, constatent une prononciation exceptionnelle alors, et restreinte peut-être au cercle des Prétieuses. Elle n'a pas prévalu. Il ressort du curieux document de Somaize que la prononciation tendait, vers la seconde moitié du dix-septième siècle, à s'amollir par suite de l'influence de la cour et des cercles de la haute société. L'Académie, dans sa sixième édition seulement, a commencé à inscrire raïdeur, conformément à la prononciation des Prétieuses, qui prévaut aujourd'hui pour ce mot et non pas pour frédeur. Ainsi qu'on le voit, une grande partie des réformes opérées par les Précieuses ont été sanctionnées par l'Académie, et un plus grand nombre encore l'eussent été, si l'on avait dès cette époque su faire un emploi judicieux de l'accent grave et de l'accent circonflexe. A ce titre, malgré l'affectation d'un langage prétentieux et quintessencié, la coterie présidée par Voiture et Sarasin a rendu de véritables services à la langue française. SIMON MOINET, principal correcteur pour le français dans l'imprimerie des Elseviers, voulant faciliter aux étrangers la lecture des livres en cette langue, eut en 1663 l'idée d'imprimer à ses frais un petit poëme : La Rome ridicule du sieur de Saint-Amant, travêstië à la nouvêle ortografe, pure invantiön de Simon Moinêt, Parisiin. A Amstredan, aus dêpans ê de l'inprimerie de Simon Moinêt, 1663, in-12, de 40 pag. Les lignes qui commencent sa dédicace à Guillaume III peuvent donner une idée de sa méthode phonétique : Ce que persone n'a ancore su, ni ouï, ni vu, L'ORTOGRAFE FRANÇOISE, ou la siänce de lire é d'êcrire françois. << Monsêgneur, si ce qui se dit êt vêritable, qu'à gran ségneur, peu de paroles, il sera aussi vrai de dire à gran ségneur peu d'écriture, puisque l'écriture represante la parole, é toutes deus sont l'image de la pansée. Mais je ne croi pas que pêrsone, depuis que l'on parle françois, l'ait faite si courte que moi, qui l'abrêge an sorte que je le fai touchér à l'eull é au doit. » Simon Moinet propose le ll mouillé des Espagnols dans les mots mail, bail, le t à cédille pour le t adouci et sifflant : suprémaţie. Malheureusement son écriture est hérissée d'accents, comme c'est le cas de tous ceux qui veulent déterminer exactement le son des voyelles sans introduire de nouveaux caractères alphabétiques. * JACQUES D'ARGENT, gramairien. Traité de l'ortographe françoise dans sa perfection, dédié à M. Colbert fils, seigneur de Seignelai. Paris, 1666, in-12. Il ne m'a pas été possible de me procurer cet ouvrage. DE BLEIGNY, maître écriuain iuré de Paris. L'Ortografe francoise ou l'unique metode contenant les regles qu'il est necessaire de sauoir pour écrire correctement. Paris, Gilles André, 1667, in-12, de 6 ff. et 155 pp. Bleigny n'arbore le drapeau de la réforme orthographique que dans son titre. Son petit livre est une grammaire pour les enfants, sans aucune velléité de critique ni d'amélioration de la mauvaise écriture de son temps. * JACQUES DE GEVRY, seigneur de Launay. Les Principes du déchifrement de la langue françoise, ou l'art de déchifrer toutes sortes de lettres en cette langue, en quelques figures et caracteres qu'on les puisse composer. Dedié à monseigneur messire Pierre de Cambout de Coeslin, evesque d'Orléans. Paris, Denis Pellé, 1667, in-8. Je ne suis pas certain que cet ouvrage ait directement trait à la réforme. LOUIS DE L'ESCLACHE. Les véritables Règles de l'ortografe francéze, ou l'Art d'aprandre en peu de tams à écrire côrectemant. Paris, l'auteur, 1668, in-12. Le travail de l'Esclache a fait beaucoup de bruit au moment de sa publication. J'en connais trois ou quatre réfutations sorties des presses parisiennes en l'espace de peu d'années. De son temps on ne s'aperçut pas qu'il s'était inspiré en grande partie des ré formes proposées un siècle auparavant par Meigret, Pelletier et Ramus. Bien qu'il n'ait introduit aucune lettre ni aucun signe nouveau dans l'écriture, il a prêté le flanc à la critique par la profusion d'accents dont il a surchargé ses lignes. Voici un échantillon de ses idées et de son orthographe : « Les opinions des hommes sont trés-diferantes, touchant l'orto« grafe franceze. Les uns pansent qu'éle doit étre conforme à la << parole; et les autres âsûrent qu'éle doit marquer l'origine des « mos que nous emploïons pour exprimer nos pansées. Ceus qui « ne savent pas la langue latine et qui ont de l'esprit dizent que << nous devons écrire comme nous parlons; mais quelques savans « soûtiénent que céte metôde, nous faizant perdre l'origine des << paroles, nous ampécherét d'an conétre la propre significacion. « Il samble que les premiers, qui n'ont pas âsés de force pour « bien établir leur opinion, n'aient pas âsés d'autorité pour nous « oblijer à la suivre. Comme les autres ne peuvent soufrir que l'on « face injure à la langue latine, ni à la grèque, ils s'atachent à « leurs santimans avec beaucoup d'opiniâtreté. Je ne veus pas con<< damner ces deus langues, puîqu'éles ont leur beauté, aûsi bien « que leur üzaje, mais je puis dire (sans m'élogner de la vérité) a que ceus qui ont un atachemant particulier pour éles ne sont pas « ordinairemant les plus éclairés dans la langue franceze. Ils sont << semblables à ceus qui parlent continuélement de ce qui regarde <«<les autres sans panser à leurs propres âfaires et il ârive sou<< vant que dans le chois des chozes qui sont utiles pour le bien « public, le jujement de ceus qui ont beaucoup de lumière sans « étude doit étre préféré à l'opinion de ceus qui ont une biblioatéque antière dans leur tête. >> Louis de l'Esclache écrit: peis, sajese, ajant, dilijunt, relijion, vanjance, nonse, prononse, consevoir, acses, acsant, filozofie, fizique, axion, dixion, choze, uzaje, nacion, cieus, dieus, deus, dis (dix), moien, voiunt, calité, etc. (Sieur de MAUCONDUIT.) Traité de l'orthographe; dans lequel on établit, par une methode claire et facile, fondée sur l'usage et sur la raison, les regles certaines d'écrire correctement. Et où l'on examine par occasion les regles qu'a don |